Première diffusion le 06/02/2019
Le Pacte de Marrakech a été adopté par la France sans aucun débat démocratique et sur la base d’un minima d’informations diffusées auprès de la population, sauf à insister sur son caractère « inoffensif », inutile même. Reste que ce Pacte n’est pas advenu seul, il a une sorte de petit frère en la personne du Pacte pour les réfugiés. Un Pacte plus discret encore. Analyse rapide et réactions des médias.
Le Pacte pour les réfugiés, c’est quoi ?
Il s’agit d’un Pacte mondial adopté très discrètement par l’Assemblée générale de l’ONU le 17 décembre 2018. Tout comme le Pacte sur les migrations, le Pacte sur les réfugiés est issu de la Déclaration de New-York adoptée en 2016 à l’unanimité par les 193 États membres de l’ONU. L’objectif affiché est de « mieux accueillir réfugiés et migrants », dans la foulée de la « crise » migratoire de 2015. L’ONU veut « une réponse internationale et organisée aux déplacements de réfugiés ». Approuvé par la commission compétente de l’ONU en novembre 2018, le Pacte sur les réfugiés a donc été adopté le 17 décembre. Ni les médias, ni l’ONU, ni les gouvernements européens n’ont communiqué au sujet de ce Pacte, sinon à la marge et très discrètement. 181 pays membres de l’ONU ont voté pour la résolution sur le Pacte sur les réfugiés, seuls les États-Unis et la Hongrie ont voté contre. Notons que le Pacte est annoncé comme étant 3non contraignant ».
Le traitement de ce second Pacte dans les médias français
Très peu de médias se sont fait l’écho de ce Pacte complémentaire du Pacte de Marrakech. Pas un mot sur les chaînes de télévision françaises.
Les radios
Sur les radios : deux stations l’ont évoqué.
RTL : le 24 janvier 2019, la station répercute une dépêche de l’agence d’information belge selon laquelle « Le Haut comité aux réfugiés des Nations Unies » a déploré jeudi un discours politique en Europe totalement disproportionné par rapport aux questions migratoires et nourrissant la peur ». Le titre de l’information diffusée par RTL est : « Le HCR déplore un discours politique de peur en Europe ». Car le nombre de demandeurs d’asile en Europe a « vraiment diminué depuis deux ans » pour retomber « plus ou moins dans la moyenne des années 2000 », a affirmé Volker Türk, haut-commissaire assistant en charge de la protection au HCR, lors d’un point presse à Paris. Si le discours est disproportionné, c’est que, selon Mr Türk, il donne « aux européens le sentiment que des masses sont en train d’arriver ». L’information de RTL insiste sur l’idée que les dispositions des deux pactes ne sont pas contraignantes.
Europe 1 : le 17 décembre 2018, la station diffuse une information titrée : « L’ONU, sans les Etats-Unis et la Hongrie, adopte un Pacte mondial sur les réfugiés ». Il est de même insisté sur le caractère non contraignant des deux pactes et sur l’objectif de protéger les 25 millions de réfugiés. Une information factuelle.
Presse écrite
Dans la presse écrite : quatre quotidiens et magazines ont évoqué ce Pacte.
Le 25 janvier, faisant écho au même point presse du Haut-commissaire de l’ONU aux réfugiés que RTL, La Croix présente le Pacte avec ce titre très révélateur de son orientation (le Pacte est soutenu par le Pape François) : « L’ONU escompte 200 000 réinstallations de réfugiés dans des pays tiers par an ». Une photo « refugees welcome » illustre l’article. Ce Pacte est, selon Volker Türk, un « petit miracle ». Une phrase de l’article est très surprenante : « Les discussions sur ce pacte ont démarré après que l’Union européenne a redécouvert en 2015 que les réfugiés venaient sur son sol ». Türk vient en Europe chercher des « promesses » des États en vue d’un « forum mondial sur les réfugiés » prévu pour 2019. Le ton général de l’article vise à montrer des aspects positifs : volonté de favoriser les réinstallations, acte humanitaire, engagement de la Banque mondiale auprès des pays les plus pauvres, solidarité… La question des migrations et du déracinement en tant que tels ne sont pas évoqués.
Le 17 décembre, jour de son adoption par l’ONU, Le Figaro reprenait simplement la dépêche de l’AFP.
Le 18 décembre, Le Monde publiait un article de sa correspondante à New-York. L’intitulé de la dépêche de l’AFP est très légèrement modifié, intégrant le verbe « opposer » pour indiquer que « seuls la Hongrie et les États-Unis se sont opposés au Pacte mondial sur les réfugiés ». Ouverture :
« Contrairement au pacte mondial sur la migration qui a provoqué une levée de boucliers d’Etats membres soucieux de leur droit souverain et l’hostilité des formations populistes européennes, les négociations sur le pacte mondial pour les réfugiés sont passées relativement inaperçues ».
Puis l’article indique que ce « texte est historique… mais non contraignant ». C’est de fait l’opinion de l’Allemagne qui est ici rapportée :
Au nom des États européens, l’Allemagne a évoqué « une nécessité historique (…) et l’occasion unique pour [notre] génération d’écrire un nouveau chapitre pour les réfugiés ». « L’idée d’engager une concertation multilatérale pour une meilleure prise en charge des réfugiés et des migrants était d’ailleurs venue dès 2015 de l’Europe, alors en proie à une vaste crise liée à l’afflux de déplacés sur le continent du fait des conflits en Libye et en Syrie ».
L’information de la seconde phrase est une infox : la majorité des migrants, d’après Frontex, étaient originaires de Syrie, d’Afghanistan et du Nigéria. Ces deux derniers pays n’étant alors pas en guerre. Et six des dix pays les plus importants d’origine des migrants étaient africains : Nigéria, Somalie, Soudan, RDC, Centrafrique, Erythrée. Où commence une infox/fake news ? Ici, la correspondante mélange migrants et réfugiés de façon à ce que l’information selon laquelle la majorité des migrants seraient des réfugiés provenant de pays en guerre continue à être diffusée. Or, cette « information » est factuellement fausse. L’article insiste ensuite sur le fait que le poids des réfugiés pèse avant tout sur les pays pauvres et que les « responsabilités doivent être partagées ». Le quotidien égratigne ses bêtes noires au passage :
« Depuis plusieurs semaines, les Etats-Unis ont tenté de rallier un grand nombre d’Etats, notamment européens, contre le pacte mondial pour des migrations « sûres, ordonnées et régulées », qui doit être adopté formellement mercredi 19 décembre par l’Assemblée générale de l’ONU.
Washington estime que le pacte ouvre la voie à de nouveaux droits pour les migrants et a agité le sceptre d’un afflux massif de migrants illégaux. En ce qui concerne le pacte pour les réfugiés, les Américains n’ont obtenu que le soutien de la Hongrie, dont le ministre des affaires étrangères Peter Szijjarto a décrit le texte comme « le petit frère du pacte mondial sur les migrations, qui ouvre la porte à ceux qui ne peuvent pas entrer par l’entrée principale ».
Et conclut en signalant que l’accueil de réfugiés aux États-Unis serait à son plus bas historique, mais ne cite aucune source.
Le 25 janvier, au sujet du point presse déjà évoqué, Valeurs Actuelles publie un court article illustré par une photo de la réalité : un campement de migrants, de toute évidence originaires d’Afrique, sous le périphérique de Paris. L’hebdomadaire rappelle de manière factuelle les raisons de ce point presse et parle d’une demande « d’engagements », et non de simples « promesses ». Valeurs Actuelles s’appuie sur l’article de La Croix mais donne néanmoins cette précision « Il s’agirait donc d’accélérer la cadence, en développant notamment « les voies légales de réinstallation grâce à des bourses d’études, à des parrainages et à la réunification familiale ». ».
Dans l’ensemble, tant au sujet du Pacte en lui-même (décembre 2018), que de la conférence de presse (25 janvier 2019), il est fort peu fait état de ce Pacte dans les médias français. Un oubli au moment où les gilets jaunes ne semblent pas très enclins à ouvrir toutes grandes les frontières ?