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Le Pacte pour les réfugiés, petit frère du Pacte de Marrakech, très discret dans les médias

4 août 2019

Temps de lecture : 7 minutes
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Le Pacte pour les réfugiés, petit frère du Pacte de Marrakech, très discret dans les médias

Temps de lecture : 7 minutes

Pre­mière dif­fu­sion le 06/02/2019

Le Pacte de Marrakech a été adopté par la France sans aucun débat démocratique et sur la base d’un minima d’informations diffusées auprès de la population, sauf à insister sur son caractère « inoffensif », inutile même. Reste que ce Pacte n’est pas advenu seul, il a une sorte de petit frère en la personne du Pacte pour les réfugiés. Un Pacte plus discret encore. Analyse rapide et réactions des médias.

Le Pacte pour les réfugiés, c’est quoi ?

Il s’agit d’un Pacte mon­di­al adop­té très dis­crète­ment par l’Assemblée générale de l’ONU le 17 décem­bre 2018. Tout comme le Pacte sur les migra­tions, le Pacte sur les réfugiés est issu de la Déc­la­ra­tion de New-York adop­tée en 2016 à l’unanimité par les 193 États mem­bres de l’ONU. L’objectif affiché est de « mieux accueil­lir réfugiés et migrants », dans la foulée de la « crise » migra­toire de 2015. L’ONU veut « une réponse inter­na­tionale et organ­isée aux déplace­ments de réfugiés ». Approu­vé par la com­mis­sion com­pé­tente de l’ONU en novem­bre 2018, le Pacte sur les réfugiés a donc été adop­té le 17 décem­bre. Ni les médias, ni l’ONU, ni les gou­verne­ments européens n’ont com­mu­niqué au sujet de ce Pacte, sinon à la marge et très dis­crète­ment. 181 pays mem­bres de l’ONU ont voté pour la réso­lu­tion sur le Pacte sur les réfugiés, seuls les États-Unis et la Hon­grie ont voté con­tre. Notons que le Pacte est annon­cé comme étant 3non contraignant ».

Le traitement de ce second Pacte dans les médias français

Très peu de médias se sont fait l’écho de ce Pacte com­plé­men­taire du Pacte de Mar­rakech. Pas un mot sur les chaînes de télévi­sion françaises.

Les radios

Sur les radios : deux sta­tions l’ont évoqué.

RTL : le 24 jan­vi­er 2019, la sta­tion réper­cute une dépêche de l’agence d’information belge selon laque­lle « Le Haut comité aux réfugiés des Nations Unies » a déploré jeu­di un dis­cours poli­tique en Europe totale­ment dis­pro­por­tion­né par rap­port aux ques­tions migra­toires et nour­ris­sant la peur ». Le titre de l’information dif­fusée par RTL est : « Le HCR déplore un dis­cours poli­tique de peur en Europe ». Car le nom­bre de deman­deurs d’asile en Europe a « vrai­ment dimin­ué depuis deux ans » pour retomber « plus ou moins dans la moyenne des années 2000 », a affir­mé Volk­er Türk, haut-com­mis­saire assis­tant en charge de la pro­tec­tion au HCR, lors d’un point presse à Paris. Si le dis­cours est dis­pro­por­tion­né, c’est que, selon Mr Türk, il donne « aux européens le sen­ti­ment que des mass­es sont en train d’arriver ». L’information de RTL insiste sur l’idée que les dis­po­si­tions des deux pactes ne sont pas contraignantes.

Europe 1 : le 17 décem­bre 2018, la sta­tion dif­fuse une infor­ma­tion titrée : « L’ONU, sans les Etats-Unis et la Hon­grie, adopte un Pacte mon­di­al sur les réfugiés ». Il est de même insisté sur le car­ac­tère non con­traig­nant des deux pactes et sur l’objectif de pro­téger les 25 mil­lions de réfugiés. Une infor­ma­tion factuelle.

Presse écrite

Dans la presse écrite : qua­tre quo­ti­di­ens et mag­a­zines ont évo­qué ce Pacte.

Le 25 jan­vi­er, faisant écho au même point presse du Haut-com­mis­saire de l’ONU aux réfugiés que RTL, La Croix présente le Pacte avec ce titre très révéla­teur de son ori­en­ta­tion (le Pacte est soutenu par le Pape François) : « L’ONU escompte 200 000 réin­stal­la­tions de réfugiés dans des pays tiers par an ». Une pho­to « refugees wel­come » illus­tre l’article. Ce Pacte est, selon Volk­er Türk, un « petit mir­a­cle ». Une phrase de l’article est très sur­prenante : « Les dis­cus­sions sur ce pacte ont démar­ré après que l’Union européenne a redé­cou­vert en 2015 que les réfugiés venaient sur son sol ». Türk vient en Europe chercher des « promess­es » des États en vue d’un « forum mon­di­al sur les réfugiés » prévu pour 2019. Le ton général de l’article vise à mon­tr­er des aspects posi­tifs : volon­té de favoris­er les réin­stal­la­tions, acte human­i­taire, engage­ment de la Banque mon­di­ale auprès des pays les plus pau­vres, sol­i­dar­ité… La ques­tion des migra­tions et du déracin­e­ment en tant que tels ne sont pas évoqués.

Le 17 décem­bre, jour de son adop­tion par l’ONU, Le Figaro repre­nait sim­ple­ment la dépêche de l’AFP.

Le 18 décem­bre, Le Monde pub­li­ait un arti­cle de sa cor­re­spon­dante à New-York. L’intitulé de la dépêche de l’AFP est très légère­ment mod­i­fié, inté­grant le verbe « oppos­er » pour indi­quer que « seuls la Hon­grie et les États-Unis se sont opposés au Pacte mon­di­al sur les réfugiés ». Ouver­ture :

« Con­traire­ment au pacte mon­di­al sur la migra­tion qui a provo­qué une lev­ée de boucliers d’Etats mem­bres soucieux de leur droit sou­verain et l’hostilité des for­ma­tions pop­ulistes européennes, les négo­ci­a­tions sur le pacte mon­di­al pour les réfugiés sont passées rel­a­tive­ment inaperçues ». 

Puis l’article indique que ce « texte est his­torique… mais non con­traig­nant ». C’est de fait l’opinion de l’Allemagne qui est ici rapportée :

Au nom des États européens, l’Allemagne a évo­qué « une néces­sité his­torique (…) et l’occasion unique pour [notre] généra­tion d’écrire un nou­veau chapitre pour les réfugiés ». « L’idée d’engager une con­cer­ta­tion mul­ti­latérale pour une meilleure prise en charge des réfugiés et des migrants était d’ailleurs venue dès 2015 de l’Europe, alors en proie à une vaste crise liée à l’afflux de déplacés sur le con­ti­nent du fait des con­flits en Libye et en Syrie ».

L’information de la sec­onde phrase est une infox : la majorité des migrants, d’après Fron­tex, étaient orig­i­naires de Syrie, d’Afghanistan et du Nigéria. Ces deux derniers pays n’étant alors pas en guerre. Et six des dix pays les plus impor­tants d’origine des migrants étaient africains : Nigéria, Soma­lie, Soudan, RDC, Cen­trafrique, Ery­thrée. Où com­mence une infox/fake news ? Ici, la cor­re­spon­dante mélange migrants et réfugiés de façon à ce que l’information selon laque­lle la majorité des migrants seraient des réfugiés provenant de pays en guerre con­tin­ue à être dif­fusée. Or, cette « infor­ma­tion » est factuelle­ment fausse. L’article insiste ensuite sur le fait que le poids des réfugiés pèse avant tout sur les pays pau­vres et que les « respon­s­abil­ités doivent être partagées ». Le quo­ti­di­en égratigne ses bêtes noires au passage :

« Depuis plusieurs semaines, les Etats-Unis ont ten­té de ral­li­er un grand nom­bre d’Etats, notam­ment européens, con­tre le pacte mon­di­al pour des migra­tions « sûres, ordon­nées et régulées », qui doit être adop­té formelle­ment mer­cre­di 19 décem­bre par l’Assemblée générale de l’ONU.
Wash­ing­ton estime que le pacte ouvre la voie à de nou­veaux droits pour les migrants et a agité le scep­tre d’un afflux mas­sif de migrants illé­gaux. En ce qui ­con­cerne le pacte pour les réfugiés, les Améri­cains n’ont obtenu que le sou­tien de la Hon­grie, dont le min­istre des affaires étrangères Peter Szi­j­jar­to a décrit le texte comme 
« le petit frère du pacte mon­di­al sur les migra­tions, qui ouvre la porte à ceux qui ne peu­vent pas entr­er par l’entrée prin­ci­pale ».

Et con­clut en sig­nalant que l’accueil de réfugiés aux États-Unis serait à son plus bas his­torique, mais ne cite aucune source.

Le 25 jan­vi­er, au sujet du point presse déjà évo­qué, Valeurs Actuelles pub­lie un court arti­cle illus­tré par une pho­to de la réal­ité : un campe­ment de migrants, de toute évi­dence orig­i­naires d’Afrique, sous le périphérique de Paris. L’hebdomadaire rap­pelle de manière factuelle les raisons de ce point presse et par­le d’une demande « d’engagements », et non de sim­ples « promess­es ». Valeurs Actuelles s’appuie sur l’article de La Croix mais donne néan­moins cette pré­ci­sion « Il s’agirait donc d’accélérer la cadence, en dévelop­pant notam­ment « les voies légales de réin­stal­la­tion grâce à des bours­es d’études, à des par­rainages et à la réu­ni­fi­ca­tion familiale ». ».

Dans l’ensemble, tant au sujet du Pacte en lui-même (décem­bre 2018), que de la con­férence de presse (25 jan­vi­er 2019), il est fort peu fait état de ce Pacte dans les médias français. Un oubli au moment où les gilets jaunes ne sem­blent pas très enclins à ouvrir toutes grandes les frontières ?

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