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Le Parisien sur le drame de Crépol

18 décembre 2023

Temps de lecture : 6 minutes
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Le Parisien sur le drame de Crépol

Temps de lecture : 6 minutes

Le drame de Crépol est un accélérateur. Il permet, à qui en doutait encore, de voir l’existence de deux France. Il permet aussi de voir les prouesses gymniques dont sont capables certains médias afin de maintenir cette illusion agonisante qu’est le vivre-ensemble.

Inversion accusatoire du Parisien

Depuis quelques semaines désor­mais, les médias de grand chemin com­men­cent à enton­ner une petite chan­son qui nous amène presque à invers­er les respon­s­abil­ités dans le drame de Crépol. Si l’on en croit cer­tains, ce sont les rug­by­men, les amis de Thomas, qui ont déclenché les hos­til­ités et les jeunes du quarti­er de la Mon­naie n’au­raient, au fond, fait que répon­dre. C’est ce disque usé que nous joue Le Parisien dans un papi­er en date du 4 décem­bre 2023.

Fausses révélations

Nos lecteurs l’au­ront com­pris, l’ob­jec­tif de cet arti­cle du quo­ti­di­en de Bernard Arnault qui promet des « révéla­tions » sur le meurtre de Thomas, c’est de bal­ay­er la thèse d’un raid antiblancs ayant visé le bal qui se tenait à Crépol. Comme le soulig­nent les deux jour­nal­istes auteurs du papi­er, « Rien n’ac­crédite la thèse d’un raid prémédité sur le bal de Crépol ce soir fatal du 18 novem­bre. ». Le fil rouge est alors de piocher dans l’en­quête, qui n’en est qu’à ses débuts, des élé­ments per­me­t­tant de démon­ter cette thèse.

L’un des grands élé­ments mis en avant c’est que cer­tains des jeunes du quarti­er de la mon­naie étaient présents depuis le début de la soirée dans le bal. Ain­si, ils ne seraient pas venus dans l’in­ten­tion de tuer du blanc, mais de dra­guer des filles. Comme l’indique l’ar­ti­cle, qua­tre jeunes étaient par­mi les 450 par­tic­i­pants au bal. L’en­quête révèle aus­si que neuf sus­pects sont arrivés dans des voitures durant la soirée, entre 23h00 et 01h00 du matin.

Pourquoi s’inquiéter des fouilles ?

Cepen­dant, comme le note là aus­si l’ar­ti­cle, lors de son entrée au bal l’un des qua­tre jeunes a remis un couteau de chas­se au vig­ile qui l’a fouil­lé. Con­cer­nant l’autre groupe, il serait resté dehors à boire et fumer devant la salle en deman­dant aux autres par­tic­i­pants si des fouilles étaient faites à l’en­trée. Jamais dans l’ar­ti­cle les deux auteurs ne s’in­ter­ro­gent sur cette ques­tion, pour­tant révéla­trice. Pourquoi s’in­quiéter d’une fouille ? Soit ces jeunes avaient des armes qu’ils ne voulaient pas céder à l’en­trée, soit ils avaient des stupé­fi­ants, soit les deux.

Couteaux, gants coqués, une arme à feu

Mal­gré tout, l’ar­ti­cle doit soulign­er le déséquili­bre d’arme­ments entre les jeunes rug­by­men armés de leurs poings nus, et les jeunes de cités, armés de couteaux, de gants coqués, voire d’armes à feu, puisqu’un coup de feu a été enten­du lorsque ces jeunes quit­taient le bal après leur mas­sacre. Posons une ques­tion à nos amis du Parisien : qui se rend dans un bal organ­isé dans un vil­lage de 500 habi­tants avec des couteaux de chas­se et des gants coqués ?

Ambiance pesante

Selon l’ar­ti­cle, l’am­biance au sein de la soirée était pesante. Les jeunes du quarti­er de la mon­naie fai­saient tâche au sein de cette soirée, ne cher­chant pas à s’in­té­gr­er, selon un témoin « Ils savent bien que per­son­ne ne peut les voir quand ils vien­nent. Ils cherchent les prob­lèmes. », « ils sont assis dans leur coin, jet­tent des regards mal­sains sur la foule ». L’un des témoins évoque même une scène où l’un des jeunes de Romans-sur-Isère aurait for­cé une fille à danser.

Néan­moins, ce qui fait bas­culer la soirée c’est lorsque Thomas. L (un autre Thomas que la vic­time) agrippe les cheveux d’un cer­tain Ilyès.Z, maghrébin de 22 ans, sur la chan­son Tchiki­ta de Jul. Selon Le Parisien, l’in­sulte ne plait pas à Ilyès, qui somme Thomas de dégager à deux repris­es, ce que ce dernier aurait refusé avec « un sourire nar­quois ». C’est à ce moment que les deux hommes sor­tent et que se met en route le drame de Crépol. Selon une amie de Thomas.L, citée par Le Parisien, le jeune homme aurait indiqué plus tôt dans la soirée vouloir « taper du bougnoule. ».

Les agresseurs quasi innocentés

Tout dans cette par­tie mon­tre l’in­ten­tion des jour­nal­istes du Parisien. Dans son arti­cle, les jour­nal­istes déroulent leur ver­sion du drame. Un rug­by­man, ayant tenu des pro­pos racistes, aurait provo­qué un jeune du quarti­er de la mon­naie, l’au­rait insulté, puis l’au­rait nar­gué avec un sourire nar­quois. Sans tout cela, le drame de Crépol n’au­rait pas eu lieu. Notons par ailleurs que si le car­ac­tère raciste (antiblancs) est mis de côté par l’ar­ti­cle, il l’est net­te­ment moins lorsqu’il s’ag­it de Thomas.L.

Deux France face à face

Or, que mon­tre, bien mal­gré lui, cet arti­cle ? Nous voyons le face à face entre deux France. Celle de Crépol et celle du quarti­er de la mon­naie, un des nom­breux quartiers de l’immigration extra-européenne. Ces deux France, comme l’indique l’ar­ti­cle, se croisent dans cer­tains endroits tel que le lycée, mais ne socialisent pas, ne dia­loguent pas. Et lorsqu’elles par­ticipent à des soirées com­munes, comme ce soir ter­ri­ble du 18 novem­bre, un puis­sant malaise ressort du réc­it de ce dia­logue for­cé. Tan­dis que les uns se font fouiller et vien­nent les mains vides, les autres déposent leur couteau de chas­se à l’en­trée, tan­dis que leurs con­génères atten­dent devant la salle, refu­sant de se soumet­tre à cette fouille. Enfin cette con­fronta­tion, cette qua­si guerre froide, devient chaude pour un rien. Ici, il s’a­gi­rait d’un sourire nar­quois et de cheveux tirés, par­fois il s’ag­it d’une cig­a­rette, par­fois sim­ple­ment d’être là au mau­vais endroit au mau­vais moment.

L’ar­ti­cle se con­clut sur un élé­ment visant à human­is­er les sus­pects. Ils auraient eu des mots de com­pas­sion pour les vic­times, indi­quant partager la peine de la famille de Thomas et regret­ter ce qu’il s’est passé à Crépol.

Nous le voyons, Le Parisien scrute l’en­quête, qui n’en est qu’à ses débuts, afin de pou­voir pon­dre un nar­ratif allant dans le sens du dogme du vivre ensem­ble. Encore quelques semaines et peut-être vien­dra-t-on nous expli­quer que c’est Thomas qui s’est mis sur la tra­jec­toire du couteau. Cette affaire, au-delà de faire ressor­tir les lignes de frac­tures de notre époque, mon­tre une nou­velle fois ce que choi­sis­sent cer­tains jour­nal­istes main­stream entre la déon­tolo­gie et leurs pré­sup­posés poli­tiques. Un adjec­tif ? Répugnant !

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