Dans son numéro du 24 octobre 2019, Le Point a sorti un dossier sur le président turc Erdogan et ses agissements à l’encontre des Kurdes en Syrie, en particulier depuis le lancement de l’opération “Source de paix” le 9 octobre. Pour illustrer son dossier, le journal a titré sa Une, “l’éradicateur”, déplaisant fortement au principal intéressé.
Le retour du crime de “lèse-majesté”
En réponse, son avocat a déposé plainte auprès du bureau du procureur général d’Ankara, pour “insulte au chef de l’État”. Plusieurs milliers de personnes ont déjà été poursuivies en Turquie pour ce motif depuis son élection en 2014.
En France, où la liberté d’expression n’est cependant pas toujours au goût du jour (voir la sinistre loi Avia), le délit d’offense au chef de l’Etat a été supprimé depuis 2013.
Par cette plainte, sont visés plus précisément le rédacteur en chef “international” du Point, Romain Gubert, et Etienne Gernelle, le directeur de l’hebdomadaire. Après les attaques de Français contre la liberté d’expression comme cela a été le cas récemment avec Zemmour, c’est maintenant un pays étranger qui s’en prend à elle.
Cette attaque n’est pas une première, puisqu’en mai 2018, suite à la Une du Point qualifiant Erdogan de “dictateur”, l’arrachage d’affiches du journal ainsi que des menaces envers les kiosquiers avaient eu lieu.
La rhétorique fumeuse du porte-parole du président Erdogan
Le porte-parole du président, Ibrahim Kalin, s’en est pris sur Twitter à la “La France qui a colonisé de nombreux pays africains comme l’Algérie et le Maroc, qui a massacré des milliers de personnes, pratiqué le commerce des esclaves et qui a regardé le génocide au Rwanda”.
Un peu culotté, après l’esclavage massif sous l’Empire ottoman, la colonisation de nombreux pays par ce dernier et le génocide arménien. La repentance à sens unique est devenue une véritable arme de guerre idéologique.
Le Point ne lâche rien
Le Point assure cependant ne rien lâcher face aux “pulsions de censure” d’Erdogan, déjà réputé pour son manque de respect de la liberté de la presse dans son propre pays. La Turquie a d’ailleurs été classée 157e sur 180 dans le classement mondial de la liberté de la presse 2019 de Reporters sans frontières.
Le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) a aussi fait part de son soutien et annoncé se tenir “indéfectiblement aux côtés du Point et de toute sa rédaction”. Il dénonce aussi un “acte qui, au mieux relève d’une procédure bâillon, au pire d’un véritable acte d’intimidation en vue de tarir tout discours critique sur le régime du président Erdogan”.
Cette fois, la presse ne semble donc pas se dégonfler pour défendre la liberté d’expression. On peut regretter que cela ne soit pas plus souvent et uniquement face à des ennemis extérieurs, éditeurs encore un effort !