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Le Point, victime de trolls de « gauche radicale » sur Wikipédia, dénonce le parti-pris du service public

26 février 2025

Temps de lecture : 6 minutes
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Le Point, victime de trolls de « gauche radicale » sur Wikipédia, dénonce le parti-pris du service public

Temps de lecture : 6 minutes

Cible de trolls ­anonymes sur sa page Wikipédia depuis maintenant près d’un an, le journal Le Point est monté au créneau mercredi 19 février dans un article au vitriol accusant des contributeurs de l’encyclopédie en ligne de « modifications malveillantes » destinées à entacher la réputation du journal. Une affaire que le service public n’a pas jugé bon de traiter jusqu’à la publication d’une lettre ouverte de la plateforme dénonçant les méthodes d’un journaliste du Point pour mettre un terme à cette campagne de désinformation.

La guerre est déclarée entre Le Point et le ser­vice pub­lic. Dans un arti­cle pub­lié mer­cre­di 19 févri­er, l’hebdomadaire dénonce en effet le par­ti pris des jour­nal­istes de Fran­ce­in­fo, France Inter et France Cul­ture qui, la veille, ont relayé dans leurs colonnes et sur leurs ondes « une let­tre ouverte » de l’encyclopédie en ligne Wikipé­dia pour dénon­cer les « men­aces » d’un jour­nal­iste du Point.

Pour com­pren­dre le con­tentieux qui oppose les deux par­ties, un bref retour en arrière s’impose. Voilà main­tenant près d’un an que le jour­nal Le Point est au cœur d’une inten­sive cam­pagne de dén­i­gre­ment menée à son encon­tre sur Wikipé­dia. Cette cam­pagne menée, selon l’hebdomadaire, par des mil­i­tants anonymes « d’une gauche très rad­i­cale », con­siste à truf­fer la page Wikipé­dia du jour­nal « d’in­for­ma­tions fauss­es, biaisées, tron­quées », et surtout, « tou­jours hostiles ».

« Ils ont pris le contrôle de la page »

Toutes ces mod­i­fi­ca­tions relevées par l’hebdomadaire pour­suiv­ent le même objec­tif : « décrédi­bilis­er » le jour­nal en affir­mant que ce dernier, en plus d’être « islam­o­phobe » et « une caisse de réso­nance du déni écologique », a pris un tour­nant « pop­uliste » avec une ligne édi­to­ri­ale de plus en plus proche « de la droite identitaire ».

For­cé­ment, le jour­nal, soucieux de con­serv­er une image intè­gre, cherche depuis à riposter. Mais c’est bien là où le bât blesse : dans son arti­cle du 19 févri­er, Le Point révèle en effet que ces trolls anonymes qui œuvrent à manip­uler l’opinion ont pris « le con­trôle de la page Wikipé­dia du Point ».

Voir aus­si : Wokipé­dia : Wikipé­dia est-il une source fiable ?

Après de vaines ten­ta­tives de mod­i­fi­ca­tions pour met­tre un terme « à ces actes malveil­lants », Le Point décide finale­ment de men­er l’enquête. C’est dans ce cadre qu’un e‑mail a été envoyé par un des jour­nal­istes de la rédac­tion « à l’un de ces trolls anonymes », que le jour­nal est par­venu à identifier.

Dans la foulée de cet échange, les trolls « furieux » et qui, selon Le Point, « ne souf­frent pas qu’on leur pose des ques­tions », pub­lient une péti­tion. Les hos­til­ités sont dès lors lancées et le ser­vice pub­lic, à com­mencer par France Cul­ture, décide enfin de se pencher sur l’affaire qui oppose Le Point à Wikipédia.

Guerre ouverte avec Wikipédia

Dans un arti­cle daté du 18 févri­er, France Cul­ture se fait en effet l’écho de la let­tre dif­fusée par Wikipé­dia qui entend dénon­cer « l’intimidation » dont aurait vic­time un col­lab­o­ra­teur de l’en­cy­clopédie en ligne. La let­tre ouverte accuse notam­ment un jour­nal­iste du Point d’avoir tenu des pro­pos « inad­mis­si­bles » et « rel­e­vant de la men­ace » à l’encontre de ce col­lab­o­ra­teur act­if depuis 18 ans sur Wikipé­dia et auteur de plus de 30 000 modifications.

Faux, assure le jour­nal­iste mis en cause, qui, dans les colonnes de Fran­ce­in­fo, explique ne pas avoir men­acé le col­lab­o­ra­teur de Wikipé­dia mais lui avoir « juste dit que “le ciel est menaçant”».

Selon Fran­ce­in­fo, voici ce qu’aurait adressé le jour­nal­iste du Point au col­lab­o­ra­teur de l’en­cy­clopédie en ligne avant de le con­tac­ter directe­ment sur son télé­phone per­son­nel : « Nous allons faire un arti­cle sur vous, sur notre site, en don­nant votre iden­tité, votre fonc­tion et en sol­lic­i­tant une réac­tion offi­cielle de [votre employeur]».

Lire aus­si : Wikipé­dia chute de son piédestal

« Quand on en vient à dire que Le Point a une dérive trump­iste trois ans avant Trump, je pense effec­tive­ment qu’on est en droit de deman­der des cor­rec­tions », défend le jour­nal­iste du Point auprès de Fran­ce­in­fo.

De son côté, Éti­enne Ger­nelle, directeur de l’hebdomadaire, con­tac­té par France Inter, estime qu’« il n’y a rien de menaçant » dans la démarche de son col­lab­o­ra­teur. « Depuis quand enquêter et faire des arti­cles, c’est faire des men­aces ? », s’interroge-t-il auprès de la radio de ser­vice pub­lic. Et d’ajouter : « Ça les embête parce que tous ces gens-là tra­vail­lent de manière anonyme. Ils tra­vail­lent comme tra­vail­lent les trolls sur les réseaux soci­aux, en masquant leur iden­tité et en racon­tant n’im­porte quoi ».

« Un naufrage pour le journalisme »

Der­rière cet échange de tirs nour­ris, la rédac­tion du Point, qui dénonce « un naufrage du jour­nal­isme », reproche en réal­ité la par­tial­ité du ser­vice pub­lic quant à la cou­ver­ture de cette affaire. « Les manip­u­la­tions mil­i­tantes de la page du Point sur Wikipé­dia (cen­sée être neu­tre) n’é­taient pas un sujet pour eux, la protes­ta­tion des auteurs de ladite manip­u­la­tion con­tre notre enquête jour­nal­is­tique en est un ! […] Le tout, bien sûr, sans jamais se don­ner la peine de jauger, même de loin, la crédi­bil­ité de ces accu­sa­tions anonymes », s’indigne-t-on dans les colonnes du Point.

Dans une péti­tion dif­fusée jeu­di 20 févri­er, la rédac­tion du Point (qui est par­venu à récolter, entre autres, les sig­na­tures du directeur des rédac­tions du Figaro, Alex­is Brézet, du directeur de la rédac­tion de L’Express, Éric Chol, du député social­iste Jérôme Guedj, de l’éditorialiste Nat­acha Polony, du pro­duc­teur Thier­ry Ardis­son ou encore celle de la jour­nal­iste Eugénie Bastié) intime à « la fon­da­tion Wikimé­dia d’établir des garde-fous beau­coup plus effi­caces con­tre les détourne­ments idéologiques de l’encyclopédie », deman­dant par là même aux con­tribu­teurs de Wikipé­dia de « restau­r­er neu­tral­ité et rigueur sur les pages ».

Une mise en demeure

Cette démarche, révèle Le Monde, s’accompagne d’une mise en demeure adressée par les avo­cats du mag­a­zine à Maryana Iskan­der, la direc­trice générale de la fon­da­tion Wikimé­dia. Dans un cour­ri­er de 35 pages envoyé le 17 févri­er, que le quo­ti­di­en a pu con­sul­ter, « le cab­i­net Nor­mand et asso­ciés regrette que “la struc­ture de la fiche Wikipé­dia” du jour­nal appa­raisse “par­ti­c­ulière­ment biaisée et dén­i­grante” en com­para­i­son avec celle d’autres heb­do­madaires ».

« Cette vio­la­tion du principe de neu­tral­ité est notam­ment l’œuvre d’un petit groupe de con­tribu­teurs, man­i­feste­ment mil­i­tants et en désac­cord avec la ligne édi­to­ri­ale » du Point, assure le cab­i­net d’avocats.

Comme en témoigne la dis­cus­sion liée au jour­nal sur le forum Wikipé­dia, l’article con­sacré au Point a, depuis le 18 févri­er, été large­ment mod­i­fié, relève Le Monde. Plusieurs con­tribu­teurs ont en effet admis que le texte ini­tial était « déséquili­bré ». « La par­tie his­torique, sur le passé du mag­a­zine, était très peu dévelop­pée, et il pou­vait y avoir des syn­thès­es à faire sur les infor­ma­tions cri­tiques », explique ain­si au quo­ti­di­en Jules, admin­is­tra­teur fran­coph­o­ne de l’encyclopédie.

Bet­ty Douanel

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