D’après la section syndicale SNJ du Progrès, 77 postes sont menacés dans le cadre d’un plan de départs volontaires au Progrès. Le journal lyonnais pourrait ainsi perdre 27 postes à la rédaction et 30 dans les services administratifs, sur une masse salariale totale de 500 postes. Ce plan s’inscrit dans les difficultés générales du groupe Ebra (Crédit Mutuel) qui mise sur la réorientation vers le web des titres de presse quotidienne régionale (PQR) dont il dispose.
Plus de digital
Dans ce cadre, quatre postes seront créés au Progrès : deux « community managers », un webmaster et un monteur vidéo, tous sans carte de presse. Selon le SNJ, après des négociations au printemps, les premiers départs auront lieu dès le mois de juin. Un autre sujet tend les relations entre les journalistes et leur rédaction : Laurent Wauquiez. Selon un communiqué de la section SNJ, « Laurent Wauquiez et son entourage sont à de nombreuses reprises intervenus dans le but d’influer sur le travail journalistique de notre rédaction, surtout quand elle ne se contente pas de relayer sa communication. En retour, la direction de la rédaction lui ouvre plus que très abondamment nos colonnes ». Ce qui n’est pas sans lien, on s’en doute, avec les publicités de la région et des organismes ou entreprises qui y sont liées et froisse un journal de sensibilité plus à gauche.
Autre sujet de tension, la place des femmes, selon un communiqué de journalistes qui s’inscrivent dans une série d’appels de consoeurs du Parisien, de l’Obs et de la Provence : « Au sein de notre rédaction en chef, nous comptons une femme sur cinq personnes; au siège lyonnais du Progrès, il y a deux femmes sur neuf chefs de service et chefs d’information; à la tête des éditions départementales, une femme pour trois hommes. […] dans les six groupes de travail chargés de réfléchir à l’évolution de nos contenus print, il y a six pilotes, tous des hommes. En termes de rémunération, parmi les 50 meilleurs salaires de journalistes, il y a 12 femmes. Dans le top 30 des salaires de l’entreprise, quatre femmes ».
EBRA en difficulté
De façon plus générale, le groupe EBRA (propriété de la banque Crédit Mutuel) connaît des difficultés dans tous ses titres, à savoir, pour ses quotidiens L’Alsace, Le Bien public, Le Dauphiné libéré, Dernières Nouvelles d’Alsace, L’Est républicain, Le Journal de Saône-et-Loire, Le Progrès, Le Républicain lorrain et Vosges Matin. Ainsi, pour ces deux derniers titres, la publicité et la diffusion continuent de chuter début 2018, comme le signale la CGT Est-Médias – depuis trois ans la diffusion a reculé en moyenne de 3.9 % et 4.4% pour la diffusion, tous titres confondus.
Le refus de la direction de l’Est Républicain de défendre ses trois journalistes pris pour cible par des opposants à Bure n’a pas amélioré le climat au sein de la rédaction. Ce titre connaît par ailleurs un résultat net en déficit de 16 millions d’euros fin décembre, dénonce la CGT-Filpac.
Au Dauphiné Libéré, l’implication du PDG dans une affaire de violence sur conjointe est ressentie avec douleur par les salariés du journal et pèse sur le contexte général, d’autant que le journal s’est abstenu de traiter ce fait divers en particulier, relève l’intersyndicale : « en tant que quotidien régional, le Dauphiné Libéré doit une information transparente aux lecteurs. Au lendemain de la révélation de l’affaire, nous constatons un manquement à cette mission ».
Aux Dernières Nouvelles d’Alsace, en perte nette de 4 millions d’€ en 2016, ce sont les menaces contre un journaliste pigiste qui conteste ses notes de frais qui ont justifié un communiqué incendiaire du SNJ : « aux DNA depuis plusieurs années, nombre de pigistes voient leur rémunération moyenne baisser régulièrement et parfois dramatiquement, car la hiérarchie fait moins appel à eux. Certains pigistes auxquels la direction proposait l’été des CDD d’un mois ou deux, n’y ont plus accès ».
Digital First ou plan d’économies first ?
Au cœur des inquiétudes on retrouve le projet Digital First, commun à tous les titres du groupe. Résumé par le SNJ : « le web et les contenus en multimédia en premier, le journal papier ensuite. Les journalistes des DNA devront produire plus de contenus publiables en ligne (articles, photos, vidéos, données mises en forme) dans la journée ».
A travers Digital First, la direction espère supprimer des centres d’impression (Woippy et Mulhouse – cette imprimerie seule pèse 74 emplois) implantés dans des régions déjà fortement éprouvées par la déprise industrielle et 126 postes techniques. A terme, cela reviendrait à fusionner l’Est Républicain et le Républicain Lorrain, imprimés au même endroit à Houdemont, et les deux journaux alsaciens, selon les salariés.
Cependant, ce concept Digital Fisrst déjà déployé par le Télégramme (Finistère), Sud-Ouest ou encore la Voix du Nord est, selon le SNJ, « insuffisant pour combler l’énorme endettement que nos titres ont cumulé ces dernières années à cause de la frilosité du Crédit Mutuel à investir et à moderniser nos journaux ». Comme alternative, Neomedias propose une « imprimerie du futur » soutenue par la Ville de Mulhouse et la CGT-Filpac, afin d’intégrer sur le même site offset et impression numérique.
La présentation du projet au Progrès en octobre 2017 fait état de « baisse de la pagination, baisse de la masse salariale », mais aussi de l’« augmentation du prix de vente de dix centimes, poursuite du développement des suppléments, de l’événementiel, augmentation de l’audience pour générer des recettes publicitaires » et d’une « monétisation des contenus digitaux » encore difficile dans d’autres titres de la PQR.
Vérification de l’information
Le SNJ accuse le projet de rationalisation qui se ferait au détriment de l’information, qui sera « non vérifiée, non soignée, produite par des salariés hybrides (sic) et diffusée sur des supports qui nous échappent par des équipes marketing externes ». Remarquons que pour ce qui concerne l’information non vérifiée, des journalistes non hybrides en publient tous les jours. Que ce soit à l’AFP ou dans certains titres de la presse locale, voire massivement comme dans l’affaire Théo fièvre collective des médias comme lors de l’affaire Théo qui a vu les médias piétiner les forces de l’ordre sur la base de fausses informations. Hélas, l’information « collectée, vérifiée, hiérarchisée et diffusée par des journalistes » peut être parfaitement bidon.