La politique de censure de Twitter, Facebook, YouTube (Google), Amazon… se renforce chaque jour avec parfois l’actif soutien des pouvoirs publics comme en France et en Allemagne. À l’opposé, les Polonais veulent se défendre contre les censures américaines.
Soutien du réseau GAB
Andrew Torba, le fondateur du réseau social GAB, créé en 2016 pour échapper à la censure exercée par les Big Tech contre les conservateurs, a exprimé le 14 janvier, en commentaire à un article du journal britannique The Guardian, son soutien au projet de loi polonais contre la censure pratiquée par les médias sociaux.
« Gab peut confirmer que nous croyons que notre politique de modération est en accord avec lest propositions polonaises concernant la liberté d’expression et nous nous y conformerons dans toutes la mesure où la loi polonaise sera compatible avec nos obligations sous le régime de la loi américaine. », a écrit Andrew Torba sur son compte Gab, en précisant : « Ma famille a des racines polonaises. La Pologne est une lumière d’espoir sur le versant d’un monde sombre et chaotique. Que Dieu bénisse la Pologne et le peuple polonais. »
Torba semble donc toujours fidèle à la devise de son média social : « Free speech for everyone » (Liberté d’expression pour tout le monde).
Un conseil élu par le Parlement polonais
Le projet de loi polonais prévoyait au départ de permettre aux usagers censurés par les réseaux sociaux de faire valoir facilement et rapidement leurs droits devant des tribunaux spécialisés en matière de liberté d’expression. Dans une nouvelle version du projet présentée à la mi-janvier par le ministre de la Justice Zbigniew Ziobro et le secrétaire d’État Sebastian Kaleta, c’est un Conseil de la liberté d’expression, comptant cinq membres élus par la Diète à une majorité des trois cinquièmes, qui serait chargé d’examiner les recours des utilisateurs des médias sociaux. De lourdes sanctions financières seront ensuite appliquées à ces médias s’ils ne se conforment pas immédiatement aux décisions du Conseil de la liberté d’expression, seule une violation de la loi polonaise autorisant à supprimer ou bloquer un contenu ou un compte d’utilisateur. Pour faire face à leurs nouvelles obligations, les médias sociaux étrangers devront obligatoirement avoir un représentant en Pologne qui pourra recevoir les réclamations des utilisateurs polonais.
Ainsi que le remarquait le 28 janvier le site du prestigieux hebdomadaire polonais Do Rzeczy, ce projet de loi polonais suscite déjà beaucoup d’intérêt dans le monde. À titre d’exemple pour la France, c’est l’article publié le 9 janvier par l’Observatoire du Journalisme qui était cité. À l’inverse de leurs homologues britanniques, les grands médias français avaient en effet choisi de passer sous silence ce projet de loi polonais. Pour certains, qui participent eux-mêmes à la censure pratiquée par les GAFAM, le sujet est sans doute trop gênant. Pour les autres, cela risquerait probablement de brouiller leur vision d’une Pologne en proie à une quasi-dictature « ultra-conservatrice ».
Lors de la présentation en conférence de presse de la dernière mouture de son projet de loi, le ministre de la Justice a bien cerné le problème, qui est le même en Pologne et ailleurs : « Même si un citoyen prouve devant un tribunal qu’il n’a pas enfreint la loi, il n’a pas de garantie que le média social tiendra compte du jugement. C’est pourquoi il faut une loi qui apportera des instruments pour forcer les sites à respecter le droit polonais ». Précision à toutes fins utiles du secrétaire d’État Sebastian Kaleta : « Ce n’est pas un modérateur anonyme ou une compagnie privée qui peut décréter qu’un contenu enfreint le droit polonais et une telle décision ne peut pas être prise depuis l’étranger ».
La Hongrie se prépare
En Hongrie, la ministre de la Justice Judit Varga a annoncé le 26 janvier la préparation d’un projet de loi allant dans le même sens que le projet polonais. Ce projet devrait être présenté au parlement au printemps et il aura pour but de contraindre les Big Tech à respecter le droit hongrois et la liberté d’expression. En septembre, la ministre Varga, qui conduisait des consultations à ce sujet, avait déclaré : « Beaucoup de gens me demandent : sur la base de quelles lois et en vertu de quelles garanties de l’État de droit Facebook peut-il censurer des citoyens hongrois ? ».
Si des solutions européennes sont à l’étude (qui n’iront pas forcément dans le sens de la protection de la liberté d’expression), Judit Varga a estimé le 26 janvier que la Hongrie « ne peut pas attendre pour adopter une législation nationale car n’importe qui peut être déconnecté à tout moment et les recours légaux sont très opaques ». En outre, a‑t-elle déclaré, « il est important d’éviter l’émergence de systèmes pseudo-juridiques ou de systèmes juridiques parallèles, les compagnies technologiques ne peuvent pas agir comme des États simplement sous prétexte que, à travers leurs services, elles ont la capacité d’influencer les masses avec leurs algorithmes. C’est incompatible avec l’État de droit ».