Le 21 avril 2021, un millier de militaires dont de très nombreux hauts-gradés, sans parler d’une vingtaine de généraux en retraite, appelaient dans une tribune parue dans Valeurs actuelles à « un retour de l’honneur de nos gouvernants » et à un sursaut de leur part face à la déliquescence du pays. La liste des signataires de cet appel figure sur le site Place d’armes, à l’origine de l’initiative. Les réactions dans les médias n’ont pas tardé. L’Observatoire du journalisme fait le point sur cette affaire qui ne cesse de prendre de l’ampleur.
« Pour un retour de l’honneur de nos gouvernants » : un appel au courage
Que des femmes et des hommes qui ont consacré leur vie professionnelle à la défense de la nation prennent la plume pour alerter nos gouvernants sur la gravité de la situation en France pourrait être interprété comme un signe de vitalité de notre démocratie. Délitement de notre identité sous les coups de boutoir des indigénistes et des décoloniaux, délitement du pays avec la montée de l’islamisme, zones de non-droit qui gangrènent le territoire, délitement de la confiance en les forces de l’ordre parfois utilisées mal à propos par le pouvoir politique : les constats dressés par les généraux et plus largement par tous les militaires qui les ont rejoints sont sévères. Mais ils font écho à la réalité et aux préoccupations de nombreux citoyens.
Est-ce pour cela que le pouvoir politique et une grande partie de la gauche ont réagi très vivement à cette tribune ? La revue de presse que nous en faisons montre non seulement une volonté de censure de cette expression, mais également le souhait de voir les signataires de l’appel sanctionnés.
Des critiques au vitriol
L’extrême gauche est vent debout contre les signataires de la tribune. Il est vrai que pointer du doigt une partie de son électorat de substitution ne pouvait pas passer inaperçu.
Le journal Regards, dans lequel officie notamment Clémentine Autain, n’y va pas par 4 chemins dans un article du 25 avril : « c’est un texte séditieux qui menace la République ». D’ailleurs, cet appel part d’« une analyse politique d’extrême droite ». La rédaction du journal signataire de l’article attend une réaction de l’Elysée à cette tribune. On subodore un appel à peine voilé à des sanctions.
Encore plus pressant, Libération se demande « ce qu’attend l’exécutif pour réagir ». Le journal souligne que cet appel intervient « soixante ans jour pour jour après la tentative du putsch d’Alger, le 21 avril 1961 », rien que ça.
L’Humanité nous apprend le 26 avril que « les Insoumis saisissent la justice ». A défaut d’une réaction rapide de l’exécutif, qui avait sous la pression de l’extrême gauche fini par céder à la demande de dissolution de Génération identitaire, c’est donc de la gauche que les demandes de sanctions émanent.
Message reçu 5 sur 5 par la ministre des armées, Florence Parly, qui qualifie les signataires de « généraux en charentaises » et annonce que « que le recensement des signataires est en cours et que « des sanctions tomberont » si certains sont encore en exercice dans l’armée », nous informe Ouest-France le 27 avril.
Puis c’est le président de la République lui-même dont la réaction devant ses conseillers a, par on ne sait quel hasard, « fuité » dans la presse. Valeurs actuelles nous informe de son commentaire sur la maladroite demande de ralliement qu’a faite Marine Le Pen aux signataires de l’appel :
« Le RN est toujours le FN ! Des années d’efforts pour faire croire que Marine Le Pen n’est pas son père et, en quelques heures, son vrai visage réapparaît : celui des milices et des putschistes ! ».
Les mots sont lâchés. Ils sont définitifs et sans appel. L’ombre du doute ne traverse pas Jupiter.
Les critiques sous couvert de l’explication de texte
D’autre critiques plus subtiles voient le jour. Elles sont parfois présentées dans des articles comme permettant de « tout comprendre » sur la tribune des militaires ou viennent opportunément en conclusion d’un article.
Le Parisien nous donne le 26 avril « 5 minutes pour comprendre la tribune des ex-militaires » et estime que « l’hypothèse d’un coup d’Etat est quant à elle à peine dissimulée ».
BFMTV termine un article assez détaillé, écrit à partir d’une dépêche de l’AFP, par une déclaration de la ministre des armées : « Cette tribune, “est une insulte jetée à la figure de milliers de militaires ».
Plutôt que de s’interroger sur la pertinence des arguments développés par les signataires, Ouest France se lance dans une analyse des risques encourus par les initiateurs de l’appel.
Sud-Ouest donne la conclusion d’un article sur ce sujet à Benoit Hamon, qui décidément a la côte dans ce journal, « « 60 ans après le début du « putsch d’Alger, 20 généraux menacent explicitement la République d’un coup d’État militaire ».
Tant la place donnée aux détracteurs de l’appel paru dans Valeurs actuelles que la construction des articles aboutissent à présenter négativement la tribune des ex-militaires.
Ce que vous ne trouverez pas dans les médias de grand chemin
Le devoir de réserve auquel seraient astreints les militaires en retraite est un sujet essentiel dans la couverture médiatique de cet appel par les médias de grand chemin. Est-ce pour autant le sujet central ?
Fdesouche rappelle que « la vice-présidente de l’assemblée nationale, Laetitia Saint Paul (LREM) faisait campagne alors qu’elle était officier d’active ». On apprend — dans l’article du magazine Elle mentionné — que la députée « s’est mise en disponibilité de l’armée (…) sitôt élue ». Le fait qu’elle ne l’était pas lors de sa campagne électorale ne semble donc pas avoir posé de problèmes. Comprenne qui pourra…
Elisabeth Levy, directrice de la rédaction de Causeur, pointe une autre contradiction dans l’argumentaire de Jean-Luc Mélenchon qui demande des sanctions contre les signataires de la tribune. Elle exhume l’un de ses message sur Twitter écrit en septembre 2019 :
Souvent l’insoumis varie bien fol qui s’y fie #militaires pic.twitter.com/XZNEd6FOBN
— Elisabeth Lévy (@ELevyCauseur) April 27, 2021
Cela n’a pourtant pas empêché le mouvement du leader de la France Insoumise de faire un signalement auprès de procureur de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale des signataires de la tribune parue dans Valeurs actuelles. Faites ce que je dis…
Qu’ont à nous dire les signataires de la tribune ?
Que cela vienne du président de la République, de Jean-Luc Mélenchon ou d’autres, ils sont nombreux à faire un procès d’intention aux signataires de la tribune, en évoquant une volonté de « putsch » et de sédition.
Quelques médias ont eu l’honnêteté de donner la parole à certains signataires de la tribune, ce qui leur permet de récuser toutes les accusations et interprétations extravagantes à leur tribune.
Parmi ceux-ci, Front Populaire permet à Jean-Pierre Fabre-Bernadac de souligner la contradiction de dépeindre les signataires comme ayant « des charentaises aux pieds et des kalashnikov à la main ».
Sur LCI, le général Emmanuel de Richoufftz explicite face à des éditorialistes inquisiteurs, Serge July en tête, ce qu’il entend par le terme de « hordes de banlieue » contenu dans la tribune. Il donne pour exemple des policiers municipaux qui ont du refluer suite à l’attaque en règle d’une quarantaine de racailles. « Les agents sont partis, ils ne reviendront pas. La République perd encore du terrain », ajoute-t-il.
Le 28 avril matin, le compteur des militaires signataires de l’appel s’affolait sur le site Place d’armes et comptait 7 343 signataires. Sans transition, après l’attentat islamiste à Rambouillet le 23 avril, le ministre de l’intérieur a annoncé « une sécurité renforcée aux abords des commissariats », nous informait 20 Minutes. Des policiers affectés à la sécurité de leur commissariat plutôt qu’au maintien de l’ordre dans la cité. Rien de spécial. Dans un reportage de France TV, un syndicaliste de Unité SGP Police affirme que, depuis le 13 avril, « 100 faits de violences urbaines ont touché les Yvelines dont 66 faits d’attaques aux mortiers et projectiles contre des policiers nationaux, municipaux et des bâtiments de police” ». Toujours rien de spécial.
Sur Twitter, Force Solidaire commente avec amertume :
Plutôt que de fantasmer sur un Putsch imaginaire, la gauche et nos dirigeants devraient écouter ceux qui n’ont que l’intérêt de la France au cœur. Comprendre leur colère et proposer des mesures au service du pays, au lieu de lutter contre des ennemis imaginaires #militaires
— Force Solidaire (@ForceSolidaire) April 27, 2021