Le traitement journalistique d’un récent fait-divers vient de nous le rappeler, le racisme anti-blanc est un angle mort des médias de grand chemin. La réaction de Laurence Ferrari face à un déchainement de violence à Rezé contre un « blanc », désigné comme tel, en dit long sur leur embarras à ce sujet.
Lynchage à Rezé : what else ? (mais encore ?)
Le 12 décembre, dans la banlieue de Nantes, à Rezé, un homme de 52 ans a voulu récupérer la moto volée à son fils. Il a été sauvagement lynché par une bande de jeunes de la cité. Ouest-France relate l’événement dans l’édition du 14 décembre de la façon suivante : « ça se bagarrait durement, salement ». Le quotidien de l’ouest reprend à son compte les propos d’un témoin de la scène en évoquant une « bagarre ». En fait de « bagarre », il s’agit à la vue des images filmées par un habitant du quartier plutôt d’un lynchage en règle avec un appel à tuer le père de famille.
Souhaitant récupérer la moto de son fils, un homme de 52 ans armé d’un coupe-coupe se fait massacrer par une bande de jeunes à Rezé pic.twitter.com/C8hJmjV0YU
— Jean-Robert (@Jean_Robert_29) December 15, 2020
L’avocat Gilles William-Goldnadel a voulu évoquer cette agression sauvage sur le plateau de Laurence Ferrari, sur CNews le 16 décembre. Alors que l’on peut distinctement entendre « Wallah ! Nique le ! Tue le ! Sale Gwer! ( sale blanc) » dans la vidéo, Laurence Ferrari réagit au quart de tour :
« On n’a pas encore toutes les explications sur cette affaire, mais vous avez le droit d’en parler. (…) Oh n’exagérez pas, il faut juste savoir de quoi on parle dans cette affaire (…). On ne connaît pas encore les tenants et les aboutissants. Point à la ligne (…). Je pense que vous ne comprenez pas le sens général de cette histoire et qu’on attend d’en avoir les éclaircissements du côté de la police et de la justice, si vous le permettez. Voilà ».
Il faut toute la ténacité de Gilles William-Goldnadel pour que l’évocation de cette agression et son caractère possiblement raciste ne passent pas trop rapidement à trappe sur le plateau de CNews.
On ne se souvient pas d’autant de précautions lors de l’accusation de racisme d’un arbitre qui a désigné un joueur de football par sa couleur de peau, lors du match PSG-Basaksehir mardi 8 décembre. Comme L’Équipe le relate le 9 décembre, « toute l’Europe (en a) parlé ». Pour L’Équipe, c’était aussi immédiatement le lendemain de l’incident « le ras le bol ».
Peut-importe qu’il n’y avait peut-être pas de connotation raciste dans la désignation du joueur de couleur. On aura compris que désigner un français de souche comme un « blanc », c’est normal, tandis que désigner un homme de couleur par sa couleur de peu, c’est mal.
Flagrant délit de déni
Le déni du racisme anti-blancs n’est pas une nouveauté. En 2012, le sociologue Stéphane Beaud et l’historien Gérard Noiriel publiaient une tribune dans le journal Le Monde pour dénoncer « l’imposture du racisme anti-blancs ».
France Culture a consacré en 2018 une émission sur le sujet. La radio affiliée à l’État français choisit toujours précautionneusement ses invités. Éric Fassin est catégorique : « le racisme anti-blancs n’existe pas pour les sciences sociales ». Si l’on peut comprendre que choisir ce sujet d’étude recueillera difficilement l’approbation d’un directeur de recherche ou d’une commission accordant des crédits de recherche, est-ce pour autant que le racisme anti-blancs n’existe pas ? Le sociologue poursuit :
« Si on commence à reprendre à son compte le discours de l’extrême-droite qui nous dit qu’au fond tous les racismes se valent, on est en train de nier la réalité de l’expérience d’une partie importante de nos concitoyens et concitoyennes ».
Il y aurait donc une hiérarchie dans le racisme à établir. Nous y voilà…
Dans les colonnes de Libération en octobre 2018, un politologue est catégorique : « le racisme anti-blancs n’existe pas ». La raison : « Les insultes dont peuvent être victimes les membres de la population majoritaire ne correspondent pas à une idéologie essentialisante ». Il fallait y penser…
Pour balayer d’un revers de main la possibilité de racisme anti-blancs, le député LFI Adrien Quatennens répond du tac au tac à Jean-Jacques Bourdin qui l’interroge sur le sujet le 11 septembre 2019 sur RMC :
Racisme anti-blancs : “Vous connaissez des personnes blanches qui ont été victimes de discriminations à l’emploi ?” demande Adrien Quatennens@AQuatennens #BourdinDirect 🎙️ https://t.co/CD1Ftdppy0 pic.twitter.com/SCjkU46Qwd
— RMC (@RMCInfo) September 11, 2019
Sur France Inter, l’humoriste Fréderick Sigrist prend la défense de Lilian Thuram qui a affirmé le 13 septembre 2019 que « les blancs se sentent parfois supérieurs ». L’occasion était trop belle sur la radio de service public pour tourner en dérision ceux qui se posent en opposant au racisme anti-blancs. Mais l’on n’en attendait pas moins de France Inter.
L’inévitable Edwy Plenel ne pouvait également manquer de s’exprimer sur la question. C’est chose faite sur Médiapart le 24 septembre 2019 :
« Le « racisme anti-Blancs » est une construction idéologique destinée à relativiser le racisme systémique, social et culturel, subi en France par les Noirs et les Arabes. Son ascension dans le débat public témoigne de l’aveuglement français à la question coloniale, à sa longue durée comme à sa persistante actualité ».
Il aurait été effectivement étonnant que le directeur de la publication de Médiapart ne se saisisse pas de l’occasion pour se livrer à un exercice de dénigrement de la France dont il a l’habitude.
White lives don’t matter ? (les vies blanches ne comptent pas ?)
Depuis l’affaire George Floyd aux États-Unis, on ne compte plus les tentatives pour importer en France le mouvement Black lives matter, bien qu’il soit né outre-Atlantique dans un contexte bien particulier. Ainsi, le New York Times se félicitait le 15 juillet de la « prise de conscience raciale en France ». Plus récemment, le Time faisait d’Assa Traoré la « gardienne de l’année ». Le soft power américain diffusé dans les médias français commence donc à porter ses fruits.
Si l’accusation de racisme est immédiatement validée quand la victime, ou supposée telle, est de couleur, le racisme anti-blanc est un angle mort des médias de grand chemin. Comme s’il fallait appartenir à l’immigration d’origine africaine pour pouvoir utiliser cette qualification.
Face à ce déni dans les médias, les langues commencent à se délier, timidement. Une association a vu le jour il y a deux ans afin d’agir contre tous les racismes, y compris le racisme anti-blanc.
Plusieurs faits divers de racisme anti-blanc sont relatés sur son site, comme l’agression de trois ingénieurs à Nouméa, parce que blancs, l’agression au couteau à Argentan dans l’Orne en juillet 2019 d’un homme parce que blanc, etc. L’association a porté plainte contre l’ancienne ministre de la culture Françoise Nyssen pour ses propos sur les « hommes blancs ».
Plus récemment, un collectif appelé « French lives matter » (les vies des Français comptent aussi) s’est constitué. Partant du constat que « personne ne s’intéresse aux victimes françaises ou plus largement n’appartenant à aucune minorité », le collectif a décidé « de trier, cartographier et comptabiliser les victimes de ces crimes, en commençant par les plus emblématiques d’entre-deux ».
On pourrait conseiller à celles et ceux qui auraient des doutes sur le phénomène du racisme anti-blancs à bas bruit médiatique de consulter les articles accessibles sur le site Fdesouche à la requête « racisme anti blancs ». 48 pages d’articles, excusez du peu. Qui pourraient peut-être être communiqués pour info à Laurence Ferrari…