Ojim.fr
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Le rap, c’est chic pour le Mouv et les Inrocks

22 septembre 2020

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | Le rap, c’est chic pour le Mouv et les Inrocks

Le rap, c’est chic pour le Mouv et les Inrocks

Temps de lecture : 4 minutes

La chose n’est pas nouvelle : le bourgeois aime s’encanailler. En ce début de 21e siècle, le rap est pour une partie de la classe médiatique un genre de musique qu’il convient de promouvoir. Pour le meilleur (parfois ?), mais surtout pour le pire.

Le gansta rap a gagné

Les plus anciens ont con­nu l’évolution tour­men­tée du rap, con­stam­ment tirail­lé entre un mod­èle dom­i­nant, le « gans­ta rap » (rap de gang­ster) et un rap accor­dant de l’importance aux textes et par­fois même à la mélodie (MC Solar, Arrest­ed devel­op­ment, etc.).

Le rap de rue col­lec­tion­nant les stéréo­types les plus éculés – homme body­buildé, fille sexy, grosse bag­nole – et emprun­tant de nom­breux sym­bol­es aux délin­quants des cités, per­met à une frange de bour­geois bohèmes de s’accoquiner à bon compte avec les voyous.

L’appel à la violence va crescendo

En 2016, un cer­tain Jo le Phe­no se défoulait dans une « chan­son » : «  Je bais­erai la France jusqu’à ce qu’elle m’aime. Il faut se défouler sur la fli­caille. Ce qu’on veut c’est la guerre, pas la bataille ». 

Peu après, Nick Con­rad appelait en 2018 à « pen­dre les blancs », ce qui lui a valu …une amende avec sur­sis. Il y a deux ans, l’OJIM soulig­nait la vio­lence des paroles d’une chan­son de Médine, qui pré­tendait faire un con­cert au Bat­a­clan, prob­a­ble­ment pour y chanter : « Cru­ci­fions les laï­cards comme à Gol­go­tha ».

On pen­sait donc avoir tout vu et surtout tout enten­du dans le domaine de l’abject, éton­nement toléré ou très faible­ment con­damné par la jus­tice. Alors que dans le même temps, les con­damna­tions pleu­vent con­tre Renaud Camus, Chris­tine Tasin, etc.. Une asymétrie que souligne le doc­u­men­taire « le dji­hâd judi­ci­aire » dont l’OJIM a inter­viewé le réal­isa­teur récemment.

Le business de Freeze Corleone

Cha­cun aura com­pris que le rap est un busi­ness et que la provo­ca­tion, ça rap­porte. Ça rap­porte d’autant plus quand les paroles des chan­sons versent dans l’abject. Un cer­tain Freeze Cor­leone a com­mis récem­ment une de ses œuvres. Apolo­gie du nazisme, éloge du ter­ror­iste islamiste Mol­lah Omar, etc. Le quo­ti­di­en pour un rappeur qui veut gag­n­er sa vie honnêtement.

Jusqu’ici, rien d’étonnant. Ce qui l’est plus, c’est l’attention portée par cer­tains médias à l’« œuvre » de cet « artiste ».

Très tôt, les albums de Freeze Cor­leone ont sus­cité l’intérêt des Inrocks. Ce jour­nal qui n’a de cesse de nous faire la morale, sur l’accueil des migrants, la diver­sité, le respect des LGBT, etc. soulig­nait en 2017 qu’il s’agissait d’ « une autre idée du rap français ». En 2018, le jour­nal nous invi­tait à plonger dans son « univers cinglé ».

Le Mouv a véri­ta­ble­ment plongé dans l’univers cinglé du rappeur. La radio affil­iée à l’État français, payée donc par vos impôts, dif­fuse comme un robi­net d’eau tiède une cer­taine « cul­ture jeune ».

Le nou­v­el opus de Freeze Cor­leone « ne déçoit pas » pour la radio publique. La radio souligne dans un arti­cle du 14 sep­tem­bre que « la Track List est riche » (oublions le français sur le ser­vice pub­lic) et que « le nou­v­el album de Freeze Cor­leone réalise des ventes con­sid­érables ». Voilà un argu­ment qui à lui seul mérite que la radio publique en fasse la promotion…

Pour se jus­ti­fi­er de faire la pro­mo­tion d’un album dont cer­taines paroles sont pour le moins trou­blantes, la radio a répon­du sur Twit­ter à Clé­ment Weill-Ray­nal qui l’a interpellé :

« Mer­ci de citer notre arti­cle. Ne pas par­ler d’un artiste, n’est pas la solu­tion. Mais par con­tre, citer l’in­té­gral­ité du pas­sage nous parait être la bonne solu­tion. ».

Suiv­ent des expli­ca­tions alam­biquées sur les « métaphores » et les « name drop­ping » (vous êtes bien sur la radio publique) dans la discogra­phie du rappeur.

L’affaire en serait restée là si, pour une rai­son qui nous est incon­nue, des par­lemen­taires ne s’étaient pas sai­sis de l’affaire. Dans un com­mu­niqué de presse, de nom­breux députés deman­dent que « l’auteur de ce clip abject soit puni ».

Qua­si­ment immé­di­ate­ment après, Voici nous apprend le 17 sep­tem­bre que « le gou­verne­ment saisit la jus­tice pour apolo­gie du nazisme et antisémitisme ».

En con­clu­sion, la Sauce réag­it sur Twit­ter, dans un com­men­taire oscil­lant entre cynisme et amusement :

« Freeze Cor­leone il va pren­dre son disque d’or, faire quelques dates, amass­er une maxi kich­ta et retourn­er à Dakar, il en a stricte­ment rien à foutre de l’avis des Jean Pierre DeLaFrance ».

Une affaire ron­de­ment menée…

Voir aussi

Vidéos à la une

Derniers portraits ajoutés