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Le service public et les interdits ambiants

13 décembre 2024

Temps de lecture : 5 minutes
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Le service public et les interdits ambiants

Temps de lecture : 5 minutes

Lorsque les émis­sions ou les reportages du ser­vice pub­lic se soumet­tent aux inter­dits ambiants, ils per­dent une grande par­tie de leur intérêt et de leur capac­ité à informer. En voici deux exem­ples récents, ou deux manières de vider une ques­tion intéres­sante de sa substance.

Premier exemple : un plateau fondamentalement déséquilibré

C ce soir du mer­cre­di 4 décem­bre : « Barnier : la chute et l’in­cer­ti­tude ? ». Invités :

  • Vir­ginie Calmels, anci­enne vice-prési­dente déléguée des Répub­li­cains, cheffe d’entreprise ;
  • Marine Ton­de­lier, secré­taire nationale des Écol­o­gistes, con­seil­lère régionale des Hauts-de-France, élue d’op­po­si­tion au con­seil munic­i­pal de Hénin-Beau­mont, autrice de Nou­velles du Front aux édi­tions Les liens qui libèrent (18.09.24) ;
  • Syl­vain Bourmeau, jour­nal­iste, pro­fesseur asso­cié à Paris I, directeur du jour­nal AOC, pro­duc­teur de l’émis­sion « La Suite dans les idées » sur France Cul­ture ;
  • Math­ieu Lefèvre, député Renais­sance du Val-de-Marne, vice-prési­dent du groupe Ensem­ble pour la république (EPR) ;
  • Mar­i­anne Max­i­mi, député LFI du Puy-de-Dôme ;
  • Charles de Cour­son, député LIOT de la Marne.

Au final, deux représen­tants du NFP, un macro­niste, un indépen­dant, une ex-répub­li­cain retraitée de la poli­tique et qui inter­vient dans l’émis­sion comme représen­tante du monde économique, et un jour­nal­iste net­te­ment mar­qué à gauche.

Ce plateau penche à gauche, comme il se doit dans cette émis­sion, mais le plus stupé­fi­ant est qu’il n’y ait aucun représen­tant du Rassem­ble­ment nation­al ou apparenté.

Il aurait été intéres­sant de savoir si le RN n’avait pas été invité, ou s’il avait décliné une invi­ta­tion. Mais nous n’en saurons rien. Dans l’introduction et le tour de table des invités, tout est présen­té comme si cette absence était par­faite­ment normale.

Pour­tant, le RN et sa prési­dente ont joué le rôle que l’on sait dans la cen­sure, et tout naturelle­ment ils sont cités fréquem­ment durant l’émis­sion ; dif­fi­cile de traiter de « la chute du gou­verne­ment Barnier », titre de l’émis­sion, sans leur point de vue.

D’ailleurs, les échanges évo­quent « les 3 blocs » qui ont été envoyés à l’assem­blée par les Français, et qui doivent com­pos­er ensem­ble… sauf que l’un de ces 3 blocs étant absent, cela com­mence mal pour com­pos­er ensemble.

Dans ces con­di­tions, le débat présente bien peu d’in­térêt. Les représen­tants de la gauche jouent à domi­cile et peu­vent tran­quille­ment accu­muler les poncifs.

Petit flo­rilège :

  • Marine Le Pen « qui a objec­tive­ment intérêt à ce que les gens con­tin­u­ent à déviss­er sociale­ment » (Marine Ton­de­lier, pour qui l’autre Marine sera tou­jours le dia­ble incarné) ;
  • « moi j’ai des maires écol­o­gistes qui aident des enfants à la rue » (M. Ton­de­lier, voir Les Mis­érables, avec Cosette à la rue et Jean Val­jean en maire écolo) ;
  • « dans le paysage poli­tique Français, il y a des gens qui béné­fi­cient par principe d’une pré­somp­tion de crédi­bil­ité, la droite, les macro­nistes, ça fait sérieux, ils ont fait des études de ban­quier, tout ça » (M. Ton­de­lier, un brin aigrie et méprisante) ;
  • « les gens qui ont voté pour nous (le NFP), ils ont voté pour l’e­spoir, pour l’en­t­hou­si­asme, pour un élan ! » (M. Max­i­mi, un brin lyrique, mal­heureuse­ment pour elle cet élan n’ex­is­tait pas avant le sec­ond tour des élec­tions et il s’est rapi­de­ment éva­poré après) ;
  • « il y a aujour­d’hui des forces du cap­i­tal qui sont à l’œuvre pour main­tenir ce qu’elles ont obtenu c’est à dire une poli­tique qui leur en met plein les poches » (M. Max­i­mi, le marx­isme pour les nuls) ;
  • « les patrons n’ont pas d’emplois s’il n’y a pas de salariés, mais les salariés peu­vent tra­vailler sans patron » (M. Max­i­mi, là on touche le fond, il est temps que le débat se termine).

Le résul­tat, c’est une monot­o­nie prévis­i­ble et quelque peu agaçante.

Amis téléspec­ta­teurs, passez votre chemin, il n’y avait rien à voir, et rien à appren­dre sur le thème annon­cé de « Barnier : la chute et l’incertitude ? ».

Deuxième exemple : l’autocensure dans les commentaires et l’analyse

Envoyé spé­cial du 28 novem­bre 2024 : « La voiture nous rend-elle fous ? ». 

Le reportage ouvre sur l’écrase­ment par une voiture d’un jeune cycliste (Paul Var­ry, 27 ans) le 15 octo­bre dernier à Paris, puis enchaine sur plusieurs exem­ples d’al­ter­ca­tions et de com­porte­ments vio­lents sur la route.

L’aug­men­ta­tion des vio­lences au volant est mal­heureuse­ment une réal­ité qu’il est facile d’observer.

Mais, au-delà du sim­ple con­stat, peut-être ce phénomène pou­vait-il être mis en lien avec l’augmentation de la vio­lence dans d’autres secteurs de la société ? Peut-être eût-il été intéres­sant de s’in­ter­roger davan­tage sur ces con­duc­teurs vio­lents ? Non, le respon­s­able n’est pas le con­duc­teur vio­lent, mais c’est la voiture, ce coupable idéal « qui nous rend fous ».

À l’appui de cette démon­stra­tion, une expéri­ence sci­en­tifique qui con­state, à l’aide d’un sim­u­la­teur de con­duite et de dif­férents cap­teurs placés sur le corps, que des sit­u­a­tions ten­dues de con­duite peu­vent rapi­de­ment génér­er beau­coup de stress. Ce con­stat est une évidence.

Mais dans le reportage, cela per­met de dére­spon­s­abilis­er le con­duc­teur ; s’il est devenu vio­lent c’est bien qu’il a été stressé par la voiture. Ce qui évite de ques­tion­ner le pas­sage à l’acte, c’est-à-dire le pas­sage de la sit­u­a­tion de stress au com­porte­ment vio­lent. Un peu comme si le pis­to­let était respon­s­able du meurtre et évi­tait de s’interroger sur le tireur.

Vous espériez que les jour­nal­istes du ser­vice pub­lic fassent preuve de davan­tage de curiosité dans l’ob­ser­va­tion des faits ? Ce sera (qui sait) pour une prochaine fois…

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