Nous publions avec l’aimable autorisation de notre confrère suisse Antipresse le texte suivant qui atteste de mœurs journalistiques en Suisse romande peu différentes de celles de la France.
Les Suisses sont l’un des seuls peuples d’Europe à ne pouvoir s’évader hors de l’UE, ayant refusé d’y adhérer en 1992. Or le Swissexit est possible et même nécessaire. C’est une libération qu’il est urgent d’accomplir si ce peuple entend conserver sa démocratie, ses libertés et son visage.
La dictature dont il est question ici n’est pas visible au premier abord. Elle entrave pourtant les habitants de ce pays à chaque pas, prétend modeler chacun de leurs comportements, juge chacune de leurs pensées, raille leurs décisions et met en doute leur jugement. Cette dictature virtuelle et très réelle, particulièrement en Suisse romande, c’est celle du système médiatique. Un système de coercition et de censure vivant largement aux dépens de ceux-là mêmes qu’il s’emploie à rééduquer contre leur gré.
Dans une partie des rédactions — celle qui se pique le plus d’influencer la vie publique — l’ambition de contrôler la pensée a pris le pas sur la mission d’information. Leur activité réelle illustre pleinement la question que pose Noam Chomsky en ouverture de son essai sur le Media Control :
« Le rôle des médias dans la politique contemporaine nous oblige à nous interroger dans quel monde nous voulons vivre et, particulièrement, quel sens il faut donner au “démocratie” dans notre société démocratique.»
La chasse aux sorcières lancée cette semaine par le journal Le Temps à l’encontre du conseiller d’État Oskar Freysinger donne une belle illustration du pouvoir de nuisance grotesque de ce quotidien, véritable Politburo de la pensée unique dans notre coin de pays. Rien ne vaut le témoignage direct. Étant moi-même visé dans cette cabale, il m’a paru utile de livrer ici quelques réflexions en temps réel sur l’opération d’intimidation totalitaro-foutraque dont nous faisons l’objet.
Le gourou
Avant le résumé des faits, une remontée aux sources. Le dimanche 27 novembre, je faisais partie des Beaux parleurs du sympathique Michel Zendali sur RTS1. L’invité du jour était Jean Ziegler. L’«insumbersible» bateleur marxiste, mais aussi professeur à l’Université et grand apparatchik des Nations-Unies, a nié obstinément, аu mépris de la plus simple évidence, que son ami à peine décédé Fidel Castro fût un dictateur. La réinvention de la réalité, avec un pathos parfois digne de Victor Hugo, est une «signature» de JZ. Signature appropriée pour un écrivain et un militant, mais pour un professeur titulaire de sciences humaines ? Il y a longtemps que personne n’ose plus poser franchement la question, de peur de se faire traiter de réac et de larbin des banques.
Or si Ziegler est un opposant dans sa tête, il est un possédant dans sa vie. La révolution ? Oui, mais depuis sa résidence dans l’arc lémanique, et avec ses émoluments de grand mandarin international. La lutte contre la faim dans le monde et l’esclavagisme des multinationales ? Bien sûr! Mais aussi les sorties à ski avec Peter Brabeck, le patron de Nestlé. Celui-là même pour qui veut privatiser l’accès à toute l’eau potable ! La démocratie ? Oui, mais en compagnie des Mugabe, Kadhafi, Ben Ali et de toute la galerie des dictateurs du Tiers-Monde : des fréquentations pour lesquelles il n’est pas même égratigné par les médias suisses.
Lorsque je lui ai platement demandé s’il se classait lui-même parmi les pauvres ou les riches, Ziegler a eu un court-circuit de quelques secondes, puis m’a répondu par une esquive de jésuite.
Cet écart quasi-poétique entre l’idéal et le réel, entre les mots et les actes, m’a inspiré une Ode à Jean Ziegler. J’y peins l’illustre maître à penser en Robin des Bois qui adresse toujours, avec sa grâce innée / à l’épouse du shériff une boîte de pralinés.
Car la boussole de JZ n’est pas dans son cœur comme il le prétend, elle est dans sa moelle épinière et le guide sans faille vers les centres du pouvoir. (N’a‑t-il pas, dans sa jeunesse où le gauchisme n’était pas encore «branché», pétitionné pour l’exclusion de sa société d’étudiants d’un vrai intellectuel communiste, André Bonnard ?) Ziegler est un cheval de cirque qui ne se cabre que sous les feux de la rampe. Tout bien pesé, son bilan intellectuel et moral s’approche du néant, et il le sait. D’où sa hantise de la mort et son obsession avec les thèmes de la foi.
Depuis les années 70, Jean Ziegler a inspiré, sinon formé, toute une génération de gauchistes universitaires helvétiques. Si le modèle idéologique est périssable, l’exemple comportemental est essentiel. L’impudence de Ziegler constitue une formidable désinhibition. Il aura marié la carpe et le lapin, la rébellion et le confort matériel, la respectabilité sociale et la subversion. Il est cette passerelle entre le capital et la révolution qui cimente le système médiatico-politique suisse du XXIe siècle. Il est un pionnier du nihilisme habillé de bons sentiments.
Pendant notre émission, Jean Ziegler a menti sans vergogne et s’est fièrement déclaré « polchévique » dans son inénarrable accent bernois. À mes yeux, les polchéviques sont responsables de 60 millions de morts à l’Est. Dans le pays où je suis né, ils sont venus parachever le travail d’extermination des nazis et installer une chape de plomb politiquement correcte qui s’est résolue par une guerre sanglante. Mais je n’aurais jamais songé à quitter la table ni à réclamer son éviction de l’ONU et des universités. Les mots ne sont pas des balles, dit-on chez moi. Les disciples de Ziegler, eux, n’ont pas cette coolness à l’égard des écarts verbaux.
L’affaire San Giorgio
Le 29 novembre dernier, le conseiller d’État valaisan Oskar Freysinger, dont je suis le chargé de communication, présentait en conférence de presse les travaux d’une commission qu’il avait initiée pour étudier les « crises sociétales », en particulier les risques liés à d’éventuels effondrements financiers et aux mouvements migratoires. Ces travaux s’inscrivaient dans l’analyse et la gestion routinières des risques et des dangers affectant le territoire. Ils étaient motivés par l’absence de doctrine cohérente en la matière au niveau fédéral suisse.
L’un des consultants externes, Piero San Giorgio (auteur d’un ouvrage très connu, Survivre à l’effondrement économique), participait à la conférence. Il y a parlé peu (voir la vidéo). Les premiers échos médiatiques étaient factuels et sereins jusqu’à ce que Le Temps, le lendemain, s’empare du sujet et s’attaque à San Giorgio, à cause de ses idées et de ses fréquentations. Dans la foulée, les réseaux sociaux déterraient une vidéo filandreuse où le survivaliste exprime des vues stupides et inacceptables. Emboîtant le pas au Politburo du Temps, la cabale médiatique s’est ensuite déchaînée. Le Temps, menant la meute, a publié un deuxième article quasi-identique au premier, puis, le 3 décembre, un éditorial appelant au renversement du ministre élu Freysinger. Dans l’intervalle, ses journalistes houspillaient la population sur les réseaux sociaux. Et la fameuse vidéo sur YouTube était devenue l’argument capital de la «compromission avec le nazisme».
On reprochait donc à Freysinger (ainsi qu’à moi-même) d’avoir recruté San Giorgio au début de cette année à cause d’une vidéo vieille… d’une dizaine de jours (publiée le 22 novembre 2016) ! Nous n’aurions pas seulement dû être vigilants à l’égard de notre consultant, mais encore voyants et prédire tous ses dérapages à venir. Dans la foulée, la collègue socialiste de Freysinger au gouvernement valaisan a rompu la collégialité et dénoncé son choix, puis la présidence du parti dont elle est membre a appelé à la démission d’Oskar Freysinger (qui est par ailleurs de loin le mieux élu des ministres de l’actuel gouvernement).
Survenant à trois mois des prochaines élections, cette chasse aux sorcières charrie bien entendu des motivations politiques évidentes qu’on n’a pas besoin de détailler ici : Freysinger est membre du parti souverainiste (UDC), populaire et délié de tout conflit d’intérêt par où l’on pourrait le tenir. Mais elle révèle surtout des mécanismes d’amalgame, d’emballement grégaire et d’obscurcissement mental qui mettent en question l’appartenance d’un tel «journalisme» à la sphère de l’information.
Une anthologie du délire
La guerre du Temps contre la « révolution conservatrice » valaisanne est une vieille scie. Elle a pris par moments des tournures burlesques, ainsi le 20 avril 2011, lorsque ce « journal de référence » a cru bon d’annoncer un « putsch » de l’« ultra-droite » en Valais. Une conspiration dont j’aurais été une cheville ouvrière et que Pascal Décaillet a résumée de manière ironique et hilarante :
Un pronunciamiento, composé du rédacteur en chef [du Nouvelliste, Jean-François Fournier], d’un Serbe fou [Slobodan Despot], d’un Saviésan semi-Habsbourg [Oskar Freysinger] et d’un peintre non-dégénéré [Jérôme Rudin] se prépare à prendre le pouvoir en Valais.
Cette « enquête » était à la fois un monument de conspirationnisme halluciné et le fruit d’un véritable travail de harcèlement policier sur plus de deux mois dont j’ai rendu compte dans une lettre ouverte au délateur en chef de ces Dupond-Dupont du journalisme. La filature avait pour but de prouver des connexions entre les éditions Xenia dont je suis le directeur et d’obscurs milieux ultracatholiques. Jamais Le Temps ne m’avait consacré autant de place (comme éditeur ou comme auteur) dans ses pages culturelles que dans ses fumeries d’opium politiques.
Puis, en 2013, j’ai été nommé conseiller en communication du ministre brillamment élu! Le putsch cauchemardé deux ans plus tôt par les médiums du Temps commençait-il à se réaliser ? Prise de panique, la rédaction n’a pas hésité à tomber dans l’amalgame raciste. C’était à la fois grotesque et pernicieux. J’y ai donc répondu en deux phases, une ludique et une grave.
Cet autre chef‑d’œuvre du journalisme de gouttière s’appuyait sur une accusation au napalm. On m’accusait de négationnisme à propos de Srebrenica. Le malheur est que cet argument, repris d’un article hostile paru dans un journal suisse allemand, ne pouvait se fonder que sur une seule source : une tribune de ma plume publiée… par Le Temps lui-même, le 1er juin 2011, et largement rediffusée sans susciter de polémique. Si j’étais négationniste, mes procureurs étaient mes complices !
Le but de la manœuvre était de me compromettre suffisamment pour obliger Freysinger à me répudier et donc de l’isoler dans sa nouvelle fonction. Mais la révélation de ce sublime autogoal a diffusé une vague d’hilarité sur les réseaux sociaux et a fait cesser les attaques du Temps contre ma personne. De mon côté, j’ai interrompu toute collaboration avec cette officine complotiste qui pratiquait la discrimination ethnique.
La nuit américaine
On pourrait dire que mon cas de « Serbe de service » est particulier. Entendu. Prenons-en un autre qui ne me concerne pas. Comme la plupart des journaux bien-pensants, Le Temps s’est lourdement trompé dans ses ses pronostics sur l’élection américaine. Si sa rubrique financière avait manifesté un aveuglement et une partialité comparables dans ses analyses boursières, il y a longtemps que le quotidien n’existerait plus. Car les pages économiques sont le vernis de respectabilité de ce pamphlet déclinant, ainsi que son seul argument de vente publicitaire. L’horlogerie de luxe, la bijouterie et la banque qui portent ce journal à bout de bras n’ont pas d’autre motif de s’y afficher que la promesse qu’il se retrouvera sur le bureau des classes de revenus à 250’000 francs et plus. Lesquelles classes passeront avec un léger sourire sur ses éloges de la révolution socialiste «chic & soft» sponsorisés par les joailliers et se rendront directement sur les pages sérieuses où l’on caresse leur hyperfortune dans le sens du poil.
Mais passons : juste avant de foirer totalement sur les élections U. S., Le Temps avait publié un « supplément papier imprimé à New York », destiné soi-disant à prendre la température sur place. Faute de servir de thermomètre, c’était au moins un «numéro collector qui se veut aussi un magnifique objet de design». Et il était sponsorisé par… l’ambassade des États-Unis à Berne ! Autrement dit, par Mme Suzi LeVine, qui est une « fervente supportrice de Barack Obama et a levé plus d’un million de dollars de fonds pour son élection en 2008 et sa réélection en 2012 ». En d’autres termes, Le Temps s’est fait tout simplement l’agent de relations publiques du camp démocrate !
« Si l’ambassade d’Union soviétique, à Berne, avait sponsorisé à l’époque le supplément d’un quotidien suisse sur les “élections” en URSS, tout le monde aurait crié au scandale. Si celle de Russie l’avait fait dernièrement, on aurait entendu les donneurs de leçons parler d’atteinte à la liberté d’expression… Là, c’est celle des USA à Berne qui passe — entre autres — à la caisse pour nous permettre d’entendre de belles paroles sur l’élection présidentielle américaine. Et rien. Pas de débat. Les temps changent…» écrira Patrick Vallélian, le fondateur de Sept.info, le sanctuaire du journalisme sérieux et sans préjugés en Suisse romande.
De fait, la prostitution affichée du Temps n’a suscité aucun débat. Une fois qu’un vice est ancré dans les mœurs, il devient une vertu.
On apprenait ainsi, dans la foulée de la victoire de Trump, que l’État suisse, par l’entremise de sa ministre Micheline Calmy-Rey, avait versé un demi-million de francs à la Fondation Clinton. Ce n’était en tout cas pas la rédaction du Temps qui allait enquêter sur cet étrange emploi de l’argent du contribuable. Elle n’y aurait même pas vu un soupçon d’irrégularité. Juste un subside aux nécessiteux du « camp du Bien ».
Au lendemain de ce Fukushima de l’information qu’était la victoire de Trump, les médias anglo-saxons se sont livrés, parfois, à de profondes et graves remises en question. Celle du Temps fut publiée, sous l’habituelle forme burlesque et insultante, par son rédacteur en chef. A première vue, cela ressemblait à une parodie :
« Les médias, qu’ils le veuillent ou non, évoluent dans le monde de l’élite. Ils ne se frottent pas assez à la population aux mains calleuses, aux petits employés ou aux plus jeunes dont les opportunités se réduisent considérablement. Le journaliste ne sait plus être curieux des aspirations des habitants à sa périphérie. » (Stéphane Benoît-Godet, « À quoi servent les élites ?», Le Temps, 10.11.2016).
Avait-il jamais vu une main calleuse, ce Jean-Vincent Placé du journalisme ? En lisant de telles âneries, j’imaginais les petits marquis surpoudrés de Que la fête commence !), les noceurs lourdement maquillés du Satyricon de Fellini et tout ce que l’histoire a charrié de précieux benêts pour annoncer les fins d’époques.
De la presstitution et de son usage
Leur idiotie n’est pas circonstancielle ni momentanée, elle est systémique et structurelle, écrivais-je dans Antipresse 50. Mais les compromet-elle vraiment ? Oui, dans la mesure où ils perdent de plus en plus de lecteurs et doivent le remplacer par des publicités contraignantes et des recapitalisations. Non, dans la mesure où leur fonction n’est pas d’être intelligents, ni curieux, ni perspicaces, ni intègres. Ni même articulés.
Leur fonction est uniquement de servir, comme le larbin manucuré du Temps l’a avoué malgré lui. « Les médias, qu’ils le veuillent ou non, évoluent dans le monde de l’élite. » Quelle est donc cette élite où vous êtes, professionnellement, obligé d’évoluer, « que vous le vouliez ou non » ? Celle de l’argent qui vous entretient, bien entendu, les élites culturelles ou sportives ne retenant personne contre son gré. Une élite que vous servez de trois manières :
A) En flinguant les «ennemis» qu’elle vous désigne, ou plutôt que vous identifiez du bas de l’échine (Freysinger, par exemple, qui fut l’un des rares parlementaires suisses à n’être acheté — pardon: recruté — par aucun groupe d’intérêt et qui déposa des motions contre les manigances bancaires).
B) En escamotant les turpitudes de ceux que vous servez et de leurs alliés, clients ou obligés.
C) En accaparant l’esprit du bon peuple avec des peurs fabriquées et des indignations factices, lui évitant ainsi de réfléchir à sa condition réelle et à la responsabilité de ladite «élite» dans cette condition.
En l’occurrence, dans l’affaire Freysinger-San Giorgio, la mission A a également servi pour les missions B et C. Pendant que Le Temps orientait l’attention de l’ensemble des médias suisses romands sur l’affaire anodine du survivaliste présent à la conférence de presse du DFS valaisan, il jetait dans l’ombre, entre autres :
- le contenu de ladite conférence, à savoir la première étude sérieuse menée à un niveau officiel sur deux types de crises hautement probables et jamais encore traitées en tant que telles dans ce pays;
- la trahison, par le gouvernement fédéral, du vote populaire du 9 février 2014 contre l’immigration de masse;
- la mainmise sur les deux chambres du parlement suisse d’un géant de l’assurance maladie, dont les employés siègent dans les commissions de santé en plus de présider désormais le législatif (voilà un sujet de la plus haute importance pour leur bourse que les citoyens suisses n’auront même pas vu passer).
Je ne parlerai même pas du plan international : les nominations intéressantes et avisées annoncées par Trump ou la déconfiture des islamistes alliés de l’Occident à Alep.
Je mentionnerai en revanche, car c’est significatif, le plan local : deux jours avant cette conférence, l’émission Mise au point divulguait une affaire troublante à l’hôpital de Sion : la mort d’un bébé suite à une erreur de diagnostic, suivie de dysfonctionnements gravissimes de procédure impliquant la disparition de preuves. Si la Santé, en Valais, avait été du ressort d’Oskar Freysinger, il aurait déjà été contraint à la démission par le feu médiatique. Mais comme elle est du ressort d’une femme socialiste, Le Temps a préféré compter les poils de la barbe de San Giorgio. Une mort d’enfant, c’est tellement moins important que des propos «nazifiants» !
La négation même du journalisme
Je me repose donc ma question de 2013, en l’actualisant: à quoi Le Temps passe-t-il son temps ?
- à pointer les compromissions morales imaginaires chez ses adversaires tout en s’essuyant concrètement le derrière avec la déontologie de sa profession.
- à épingler le racisme et la discrimination ethnique potentiels chez ses adversaires tout en y recourant pour les discréditer !
- à dénoncer les dérives policières et sécuritaires hypothétiques de ses adversaires tout en mettant en place un flicage du plus bas étage.
- à cataloguer les «milieux conspirationnistes» tout en vendant à ses lecteurs des spéculations conspirationnistes échevelées.
En somme, nous voyons ici l’incarnation même de Tartuffe au XXIe siècle et la parfaite illustration du paradoxe d’Orwell : « la vérité, c’est le mensonge et la guerre, c’est la paix ».
Cette absence totale de recul sur soi, cette résistance endurcie aux faits et cette impudence dans la compromission témoignent de l’influence comportementale que le grand enfumeur Jean Ziegler a eue sur toute une génération d’«intellectuels». Ce n’est pas du journalisme : c’est une industrie du chantage et de la manipulation gérée par des « démons de petite envergure » et d’aucune conviction au profit d’un système ni humain, ni moral, ni de gauche, ni de droite. Au profit du profit et de la transformation d’un vieux pays d’Europe en société anonyme.
Malgré son lectorat limité, ses pertes chroniques, sa vacuité et ses partis pris caricaturaux, Le Temps, à cause de son extrémisme même, donne le ton de tout le système médiatico-politique en Suisse romande. Ses chasses aux sorcières recouvrent de sordides règlements de comptes, dont l’affaire exposée ici n’est qu’un exemple. Il ne s’agit ni de principes, ni d’idées, ni de morale : il s’agit d’intimidation et de pouvoir.
Au cours de cette semaine, plusieurs journalistes de métier et de talent dans ce pays m’ont appelé pour me témoigner leur solidarité clandestine, comme au temps de l’URSS. S’exprimer publiquement ? Risqué. Les petits délateurs du Temps sèment dans leur corporation une réelle terreur.
C’est peut-être pour cela que M. Blocher, le patron de l’UDC, est intéressé à racheter ce journal. Vu leur absence d’échine et de dignité, il sait que ces eurocrates mondialistes peuvent se transformer du jour au lendemain en isolationnistes patriotes. Il n’y aura même pas besoin de les virer. Il faudra juste leur enseigner un peu de sérieux et de crédibilité et ils pourront flinguer avec zèle les causes qu’ils défendent aujourd’hui.
Slobodan Despot