L’éducation aux médias et à l’information (en abrégé EMI) est à la mode. Parfois pour de bonnes raisons, faire lever un instant les jeunes têtes blondes (de moins en moins) de leurs smartphones pour réfléchir un peu. De moins bonnes, aussi quand il s’agit de combattre les infox alias fake news par un cordon sanitaire protégeant le bon peuple des « mauvaises informations » qui lui font tant de mal. L’ouvrage des jeune gauchistes bon teint de La Friche tient des deux, mais l’essentiel de la leçon à en tirer n’est pas là.
Des médias à défricher
La Friche est un collectif roubaisien de quatre journalistes indépendants, EDUmédias est un collectif de chercheuses (les messieurs se tairont, s’il vous plaît, aurait dit la charmante Audrey Pulvar) actives dans leur domaine principalement en région des Hauts-de-France. Ce gentil petit monde est inclusif (pour l’écriture), intersectionnel en diable, s’occupe des « quartiers prioritaires », comprenez de l’immigration extra-européenne, de groupes sociaux « minoritaires » ayant bizarrement tendance à être majoritaires dans certains des quartiers sus-nommés. Ils veulent « construire une communauté d’apprentissage critique », ce qui part d’un bon sentiment. Ils dénoncent le complotisme, ça ne mange pas de pain. Ils répètent à l’envi les lieux communs du marxisme dilué dans l’idéologie du genre et quelques poncifs à la mode, rien de très nouveau ni d’ailleurs de très méchant.
Subventions nous voilà !
Ce qui est plus intéressant c’est l’écosystème financier sous-jacent. Il ne nous vient pas à l’idée de prétendre que ce petit monde s’enrichit, ce n’est certainement pas le cas, et la bonne volonté militante est évidente. Mais à y regarder de plus près entre postes bien au chaud à l’université (qui est bonne fille pour le gauchisme intellectuel style Terra Nova mâtiné transgenre) et subventions diverses, le métier n’est pas si mauvais.
Outre les signataires les différentes associations étudiées reçoivent directement ou indirectement des subventions ou des aides de : Rennes métropole, région Bretagne, région Nord Pas-de-Calais, Ministère de la culture, France Télévisions, Arte, on doit en oublier. Une obscure association (Carmen) dans la web télévision, se fait financer quatre salariés pour des émissions trois soirs de suite tous les trois mois. Une autre association autour du cinéma pour les prisons, Les Lucioles, se fait salarier deux personnes. Une troisième, Labo 148 (audio-visuel) est soutenue par TV5 Monde et une école de la région, sans compter les résidences de journalisme. Au total ce nuage d’associations, de collectifs qui veulent dénoncer l’espace public dominant en ont créé un autre, bien à eux. Collectifs d’un côté, grandes sociétés des GAFAM de l’autre, partagent plus ou moins les mêmes valeurs libérales libertaires, chacun des deux ingrédients en proportions variées. Mais, au bout du bout, ce sont les pratiques dites libertaires qui permettent de faire passer les réalités du monde libéral, sonnantes et trébuchantes, comme un cache-sexe.
Friche/EDUmédias, Petit manuel critique d’éducation aux médias, Éditions du commun, 2021, 175 p., 12 €