Jean-Luc Mélenchon a réussi un coup de maître en affichant sa volonté de se voir nommé premier ministre à l’issue des élections législatives, s’il obtient un nombre de députés suffisants. Il s’est ainsi placé en premier opposant à Emmanuel Macron, bien qu’il n’ait pas été qualifié au second tour de l’élection présidentielle. Mais un autre facteur, bien plus déterminant, lui donne un atout majeur : la surreprésentation du temps de parole des candidats de l’union de la gauche (la « NUPES ») dans de nombreux médias de grand chemin.
Mélenchon, trotskyste un jour…
Jean-Luc Mélenchon a une longue expérience politique. Son passage dans les années 1970 au parti trotskiste OCI lui a permis d’acquérir une solide formation au militantisme. Il est rompu à l’« entrisme », qui consiste à mettre en œuvre un plan d’action visant accéder aux plus hautes responsabilités de l’appareil d’État afin d’y appliquer « son » socialisme. Avec une habileté certaine, il conduit une stratégie qui ne doit rien au hasard. Il utilise à profit les moyens que les médias de grand chemin mettent à sa disposition avec générosité. Durant la campagne électorale des élections législatives, ceux-ci lui ont en effet donné un sacré coup de pouce.
La NUPES, grand champion des temps de parole
L’ARCOM, le successeur du CSA, établit un décompte régulier des temps de parole et d’antenne en fonction des tendances politiques. Ces informations doivent permettre de quantifier en durée les interventions des différents partis politiques sur les chaines de radio et de télévision.
Un internaute a fait un précieux travail de mise en perspective des données de l’ARCOM, qui permet de constater un temps de parole particulièrement important pour les candidats de la NUPES pendant le mois de mai 2022. Les informations qu’il a mises en ligne sur Twitter se passent de tout commentaire. La NUPES suclasse très souvent en temps de parole les autres formations politiques, en particulier sur France 2 (47% du temps de parole), France 5 (73%), C8 (76%), RMC (71%), TV5 Monde (53%), BFMTV (57%), LCI (71%), Eurononews (70%).
À la radio, la disproportion en faveur de la NUPES par rapport à son poids électoral est tout aussi manifeste : France Info (55%), France Inter (62%), Europe 1 (39%).
Des réactions en série
Plusieurs médias se sont étonnés d’une telle disproportion du temps d’antenne en faveur de l’union de la gauche. Le Figaro souligne le 22 mai que « les mélenchonistes monopolisent l’antenne ». Le 7 juin, le site d’information Atlantico consacre un article au « déséquilibre du temps de parole en faveur des mélenchonistes ».
L’ARCOM, que l’on avait connu plus diligent et parfois plus autoritaire, s’est contentée de rappeler les « règles d’équité des temps de parole » à l’occasion des élections législatives. Il en ressort que chaque média peut appliquer cette règle d’«équité » en fonction de critères très flous, notamment en prenant en compte « la contribution des partis à l’animation du débat électoral », l’ARCOM se limitant à « apprécier, a posteriori, si l’exposition accordée dans cette période apparaît conforme au principe d’équité ». L’autorité de régulation ne dit pas un mot sur le service public de l’information qui foule une nouvelle fois au pied son cahier des charges qui lui impose de respecter le pluralisme des opinions.
Favoritisme quantitatif et qualitatif
Mais le traitement de faveur par de nombreux médias de grand chemin de la NUPES emmenée par Jean-Luc Mélenchon ne se limite pas à lui accorder un temps de parole excessivement favorable. Sa formation politique n’est jamais désignée comme appartenant à l’extrême-gauche.
Si le mouvement d’Éric Zemmour « Reconquête ! » et le Rassemblement national sont invariablement stigmatisés comme appartenant à « l’extrême droite », Jean-Luc Mélenchon n’est en effet jamais présenté comme étant comme un leader d’extrême gauche.
Le programme économique de la NUPES serait-il si modéré que cela ? Challenges souligne dans un article du 10 juin que « la rafale d’impôts confiscatoires sur les plus riches et les entreprises promis par la Nupes s’ajouterait à des prélèvements obligatoires record ».
Anne de Guigné et Manon Malhère estiment dans un article du Figaro du 7 juin qu’avec l’« explosion des impôts, (la) retraite à 60 ans, (le) blocage des prix… S’il arrive à Matignon, le patron de la Nupes mettra le pays à genoux »
La dérive islamo-gauchiste de LFI
Les récentes prises de position de Jean-Luc Mélenchon permettent-elles également, comme le font quasiment tous les médias, de ne pas le rattacher à l’extrême gauche ?
Lors de la perquisition des locaux de LFI en 2018, il s’oppose aux policiers en hurlant : « la république, c’est moi ! ». En décembre 2020, il participe à une manifestation « contre l’islamophobie » dont l’appel contient des dénonciations des lois « liberticides visant les musulmans » : loi de 2004 sur le voile à l’école, loi de 2010 sur la burqa, etc. Cela lui vaut le qualificatif de « prise de guerre » par la militante indigéniste Houria Bouteljda.
En novembre 2021 sur BFMTV, Jean-Luc Mélenchon se pose en défenseur des musulmans vivant en en France : « Je suis excédé de voir comment sont traités les musulmans dans notre pays ».
Voir aussi : L’Arcom se félicite de son action, et pourtant…
En juin 2021, comme le rapporte La Dépêche, il laisse entendre que des évènements sont inventés ou exagérés comme les attentats perpétrés par Mohamed Merah, « afin de prendre une nouvelle fois pour cible les musulmans ».
Ses critiques frontales contre la police sont désormais fréquentes, comme lorsqu’il dénonce « «une police violente […] qui fait ce qu’elle veut quand elle veut» lors de l’émission Face à Baba en janvier 2022 ou, comme le rappelle La Dépêche, lorsqu’il affirme le 4 juin 2022 « la police tue » après un contrôle de police qui a entrainé la mort d’une personne, suite au refus d’obtempérer du conducteur de la voiture dans laquelle elle se trouvait.
On aurait pu multiplier les exemples de positions extrêmes de Jean-Luc Mélenchon. Rien n’y fait, LFI et plus largement la NUPES, emmenées par Jean-Luc Mélenchon, bénéficient de la bienveillance de nombreux médias, une bienveillance qui s’exprime tant dans le temps de parole qui lui est accordé que dans la présentation de LFI comme d’une banale formation dite « de gauche ».