L’école de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM), demande à ses étudiants de nombreux travaux pratiques. Mais, et c’est là que le bât blesse, ces travaux ne sont pas exempts d’idéologie conformiste.
Première diffusion le 27 février 2023
L’OJIM prend ses quartiers d’été : du dimanche 28 juillet au dimanche 25 août nous republions les articles les plus significatifs du premier semestre.
Une école ancienne
L’École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM) a changé de nom à plusieurs reprises mais existe depuis 1982. À l’époque nommée Centre TransMéditerranéen de la communication (CTMC), elle est reconnue par la CPNEJ (Commission paritaire nationale de l’emploi des journalistes) en 1985. En 1989, elle est renommée École de journalisme et de communication de Marseille (EJCM), avant de prendre son nom actuel en 2012.
L’EJCAM propose entre autres une licence Information-communication et un master de Journalisme en deux ans. On entre dans ce dernier par un concours ouvert à toute personne détentrice d’une licence ou équivalent. Ce concours comporte un dossier et une épreuve orale et admet chaque année vingt étudiants. Leur parcours comporte faire stages de huit semaines, mais le cursus peut aussi être suivi en alternance. Les débouchés professionnels sont principalement en presse régionale, notamment au Dauphiné Libéré. L’école peut toutefois se vanter d’avoir placé quelques personnes dans des titres nationaux, notamment à BFMTV et Libération.
À l’EJCAM, la liberté d’expression à géométrie variable
En tant que journaliste, on est en général attaché à la liberté d’expression. C’est elle qui permet la publication d’articles, même s’ils gênent certaines personnalités parfois influentes. Car après tout, si les journalistes n’informent pas les citoyens de ce qu’on voudrait leur cacher, à quoi servent-ils ? Mais à l’EJCAM, la liberté d’expression n’est bonne qu’à certaines conditions. C’est ainsi que l’école a fermé son compte X (ex-Twitter) le 23 octobre 2023, « Conformément aux recommandations d’Aix-Marseille Université », organe dont elle dépend. En effet, le réseau social, depuis son rachat par Elon Musk, ne répondait plus à « ses valeurs de respect, de tolérance et d’humanisme ». Le communiqué de l’université affirmait ‑sans rire — que « X est devenu un lieu de propagation de fake news, de contenus haineux, illicites ou violents, rentrant en contradiction avec notre mission de transmission des savoirs et de la science, d’ouverture aux autres et de tolérance. »
Les « fake news », meilleures ennemies de l’EJCAM
Il est vrai que quand on est journaliste, on n’aime guère les fake news, et c’est normal, puisque l’on a pour objectif d’informer, de dispenser honnêtement les faits à ses lecteurs et auditeurs pour qu’ils agissent selon leur conscience et leurs connaissances. Seulement, parfois, si l’on n’aime pas les fake news, c’est surtout parce qu’elles entrent en conflit avec notre logiciel de pensée, que l’on aimerait partager, voire imposer. Toujours en octobre 2023, l’EJCAM promouvait un cycle de conférences proposé par les bibliothèques universitaires d’Aix-Marseille et intitulé « La vérité en question : comprendre les mécanismes de la désinformation ». Un cycle taillé sur-mesure pour des étudiants en journalisme. En se penchant sur le programme, on trouve notamment une conférence intitulée « La langue de Trump : désinformation, politique et traduction ». Ne cherchez pas son pendant, il n’existe pas. Les fake news n’ont jamais été utilisées que par Trump ou ce qu’il représente, c’est bien connu.
École de journalisme ou de militantisme ?
Ces positions deviennent plus compréhensibles lorsqu’on envisage que l’EJCAM soit plus une école de militantisme que de journalisme. L’école promeut sur Facebook une conférence organisée par ses étudiants du master Communication des organisations et développement durable (CODD) sur le thème « Militantisme, engagement, écologie et communication », et rappelle que « Le 11 janvier 2024, des experts en science, politique et communication ont exploré le sujet du “Militantisme à l’ère des réseaux sociaux numériques”. Il s’agissait de souligner l’importance de la sensibilisation à l’écologie avec l’utilisation des moyens de communication digitaux. L’objectif de cette conférence était de comprendre les défis du militantisme en ligne. » Pour une école de journalisme, il est dommage de n’avoir pas envisagé que l’objectif n’était pas seulement de « militer » mais aussi, et peut-être surtout, « d’informer », mots qui n’est d’ailleurs nulle part dans l’intitulé. Peut-être le militantisme de gauche, friand de cancel culture et de mise au ban des adversaires, se conjugue-t-il mal avec l’information, sensée se concentrer sur les faits, même lorsqu’ils s’accommodent mal avec la thèse que l’on défend.
Des travaux étudiants orientés
Qu’il s’agisse de podcasts, de conférences, de journaux, etc., l’école propose de nombreux travaux étudiants dont elle fait la promotion, ce qui est tout à fait louable. Ce qui est plus étonnant, ce sont les thèmes abordés. On trouve ainsi « une exposition sur le thème des stéréotypes de la masculinité qui touchent les garçons dès l’enfance », des articles sur la transidentité dans le journal web école, une exposition sur les fake news ou la « Journée des droits humains ». Selon le compte de l’école, cette journée met en lumière « les droits des migrants », avec la participation des ONG Amnesty International, SOS Méditerranée et de La Cimade. On espère simplement qu’aucun étudiant en journalisme n’a participé à l’organisation de cette journée, car on pourrait alors regretter l’absence de confrontation et de débats sur un thème qui en a bien besoin.
Entre nous et entre soi
On trouve enfin des podcasts, notamment la série « Entre Nous », avec un premier épisode sur l’engagement politique des jeunes. L’une des invitées y parle notamment de la guerre entre Israël et le Hamas, regrettant que l’on soit « influencés à soutenir qu’un côté, avec des informations que sur un côté, au lieu d’avoir les deux parties, et nous prendre notre décision sur qui on a envie de soutenir ou pas. » À l’EJCAM, on trouve donc que la parole n’est pas suffisamment donnée aux terroristes, et ce n’est pas les étudiants qui diront le contraire, puisqu’aucun de ceux qui gèrent le podcast n’apporte de confrontation à l’invitée qui tient ces propos.
À l’EJCAM, les étudiants sont abreuvés de projets qui vont tous dans le même sens, que ce soit pour en observer les livrables dans les couloirs de l’école ou pour y travailler eux-mêmes. De quoi s’inquiéter des idéologies qu’ils porteront dans les titres qui les embaucheront. Soyons cependant rassurés. En 2016, Chloé témoignait que « Pour le Master Journalisme, l’EJCAM est vraiment en train d’évoluer et de se remettre en question. La formation est top et permet tout de même une certaine liberté de penser. » Une certaine seulement, la nuance est riche de sens.Car tout de même, quand on est journaliste, il ne faut pas uniquement ou pas toujours recracher des idées apprises. Il s’agit de les vérifier ‑parfois — avec une certaine rigueur.