Patrick Drahi a la réputation d’être un as de la négociation du crédit auprès des banques et encore plus de son refinancement quand il devient nécessaire. Une acrobatie financière possible en période de taux très bas, mais qui devient périlleuse en cas de remontée comme depuis le début de l’année 2023.
Effet de levier et dette colossale
On se perd un peu pour évaluer la dette totale de l’empire Drahi ; 50 milliards d’euros ? 60 milliards ? Celle de SFR est mieux connue. Lorsque l’homme d’affaires rachète SFR en 2014, il le fait à crédit et emprunte 13,5 milliards d’euros. Fin 2023 la dette pour le seul SFR se situerait presque au double, entre 22 et 24 milliards d’euros. Car il a fallu financer les rachats, entre autres d’opérateurs plus petits comme Coriolis ; le tout par le mécanisme classique de l’effet de levier : j’emprunte pour racheter et je rembourse avec les profits de l’affaire.
Argent quatre fois plus cher
C’est Le Monde qui donne un exemple concret à la fois de remontée des taux et de la baisse de confiance des banques envers Altice. La filiale internationale d’Altice avait négocié une ligne de crédit en juillet 2020 au taux de 2,25%. Cette ligne de 800M€ a bien été renouvelée mais au taux de 10,5%, un taux quasi usuraire qui entraîne un surcoût de plusieurs dizaines de millions d’euros par an pour la filiale.
Des résultats médiocres pour SFR
C’est la valse des directeurs généraux chez SFR, cinq en quelques années sur fond de résultats insuffisants … et de dette à rembourser. Sur fond de performances commerciales moyennes voire médiocres.
Les gros crédits remboursables à venir sont certes en 2027 et 2028. Mais les banques peuvent renâcler à accorder des financements au jour le jour à un taux acceptable. Le vrai patron de SFR c’était Armando Pereira, arrêté en juillet pour de possibles malversations, qui avait passé les fournisseurs (et les employés) à la paille de fer, avec des économies substantielles mais qui ne remplacent pas une stratégie d’acquisition de valeur client.
C’est pourquoi rien n’est exclu chez Altice/SFR pour alléger le poids de la dette. Une prise de participation minoritaire pour l’opérateur téléphonique ? La cession des participations dans les médias ? Drahi est sorti ou va sortir de l’Express, a passé de facto le fardeau de Libération à Daniel Křetínský. Le bel actif pour les médias c’est la chaîne en continu BFMTV, plus de 3,3% de part de marché et bénéficiaire. On verrait bien Xavier Niel, Daniel Křetínský, Rodolphe Saadé, ou une alliance à deux entre ces personnes pour s’y intéresser… dans la perspective des élections à venir.
Voir aussi : Patrick Drahi, portrait