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Les anciens pays de l’Est refusent de voir la censure revenir par les médias sociaux américains

23 septembre 2020

Temps de lecture : 6 minutes
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Les anciens pays de l’Est refusent de voir la censure revenir par les médias sociaux américains

Temps de lecture : 6 minutes

L’Observatoire du Journalisme s’était déjà fait l’écho des actions engagées en Pologne contre la censure politique et idéologique exercée par les médias sociaux américains et par le géant Google via sa plateforme YouTube. Cette censure provoque des réactions également en Hongrie et en Tchéquie.

Pologne

En Pologne, un groupe par­lemen­taire a été créé en décem­bre 2019 «pour la défense de la lib­erté d’expression», avec notam­ment pour but de com­bat­tre le phénomène de la cen­sure préventive.

Pen­dant la récente cam­pagne prési­den­tielle polon­aise, le 24 juin dernier, le leader du PiS, Jarosław Kaczyńs­ki, cla­mait que «la Pologne est et doit rester un îlot de lib­erté » alors que « la lib­erté est men­acée (…) et recule dans nom­bre de pays qui garan­tis­sent cette lib­erté sur le plan juridique et où, il y a encore peu de temps, cette lib­erté était effec­tive­ment préservée, elle était une pra­tique sociale. Mais aujourd’hui le poli­tique­ment cor­rect et la cen­sure de fait, et même sou­vent aus­si de droit, qui l’accompagne con­duisent à met­tre en œuvre des moyens de répres­sion con­tre les gens qui dis­ent des choses inap­pro­priées du point de vue de ce poli­tique­ment cor­rect.» Le can­di­dat du PiS, le prési­dent sor­tant Andrzej Duda (réélu le 12 juil­let), avait annon­cé une «Charte de la lib­erté sur Inter­net», avec la promesse d’agir con­tre la cen­sure par les médias sociaux.

Hongrie

En Hon­grie, la min­istre de la Jus­tice Judit Var­ga affir­mait le 14 sep­tem­bre :

« Beau­coup de gens me deman­dent : sur la base de quelles lois et en ver­tu de quelles garanties de l’État de droit Face­book a‑t-il le droit de cen­sur­er des citoyens hon­grois ? ».

La min­istre, qui sor­tait d’une réu­nion de la Com­mis­sion des lib­ertés numériques con­sti­tuées au sein de son min­istère, assur­ait tra­vailler à « assur­er que ces garanties de l’État de droit exis­tent aus­si dans l’espace numérique ». La min­istre Var­ga avait déjà déclaré il y a un an qu’il fal­lait trou­ver un moyen de régle­menter l’action des géants améri­cains pour stop­per la cen­sure (d’où la créa­tion d’une com­mis­sion spé­ciale au sein de son min­istère) et que ce serait un des plus grands défis de la décen­nie à venir.

Le sujet de la cen­sure préven­tive exer­cée par les géants améri­cains du Net s’est toute­fois propul­sé sur le devant de la scène hon­groise à la faveur de plusieurs cas de cen­sure qui ont choqué les Hon­grois cette année. En févri­er, un tabloïde pro-Fidesz, Pesti Srá­cok, avait protesté con­tre le « cyber-stal­in­isme » de Google après la sup­pres­sion de sa chaîne YouTube. En juin, un père fran­cis­cain hon­grois de Roumanie voy­ait la retrans­mis­sion de sa messe pour l’anniversaire du traité de Tri­anon cen­surée par Face­book. En août, Lás­zló Toroczkai (qui avait acquis une renom­mée mon­di­ale en 2015 avec sa vidéo visant à décourager les migrants de pass­er dans la com­mune frontal­ière dont il était maire), le leader du par­ti nation­al­iste Mi Hazánk, issu d’une scis­sion avec le Job­bik (qui est devenu un par­ti cen­triste), annonçait qu’il allait présen­ter un pro­jet de loi pour lim­iter « la cen­sure poli­tique stricte » de Face­book qui représen­terait à ses yeux un risque pour la sécu­rité nationale dans la mesure où le réseau social améri­cain cherche à influer sur la poli­tique hon­groise par une «cen­sure dic­ta­to­ri­ale». Le chef de l’office hon­grois de pro­tec­tion des don­nées pro­po­sait lui aus­si le mois dernier une « loi Face­book » afin que les médias soci­aux ne puis­sent exclure les util­isa­teurs de leurs ser­vices qu’avec un motif val­able, et aus­si pour que les autorités hon­grois­es puis­sent ren­vers­er les déci­sions de cen­sure pris­es par ces médias soci­aux. Cette propo­si­tion a juste­ment été for­mulée lors d’une ses­sion de tra­vail de la Com­mis­sion des lib­ertés numériques du min­istère de la Justice.

Tchéquie

En République tchèque, un groupe de musi­ciens, écrivains, uni­ver­si­taires, développeurs de jeux vidéos et entre­pre­neurs, ont récem­ment signé une péti­tion con­tre la cen­sure par les médias soci­aux. Les sig­nataires de la péti­tion souhait­ent con­train­dre le par­lement, le gou­verne­ment et le prési­dent à s’intéresser au prob­lème dans la mesure où, selon eux, «la restric­tion de la lib­erté com­mence à faire obsta­cle à la com­péti­tion poli­tique et au fonc­tion­nement des proces­sus démoc­ra­tiques». C’est pourquoi ils exi­gent la créa­tion immé­di­ate «d’une com­mis­sion par­lemen­taire avec la par­tic­i­pa­tion de tous les par­tis de la Cham­bre des députés ain­si que des experts juridiques. Son objec­tif serait de traiter les cas de citoyens et per­son­nes morales dont les comptes ont été blo­qués et les mes­sages effacés». Il s’agirait aus­si, sur la base des con­stata­tions, de mod­i­fi­er la loi afin d’empêcher à l’avenir ce type de censure.

D’une part, les sig­nataires de la péti­tion s’inquiètent du risque d’influence des médias soci­aux améri­cains sur les élec­tions tchèques, par le biais de la cen­sure qu’ils exer­cent. D’autre part, ils con­sid­èrent qu’«il est inad­mis­si­ble que des salariés mal payés tra­vail­lant aux Philip­pines, qui ne par­lent sou­vent pas la langue et se basent sur des tra­duc­tions automa­tiques, déci­dent de ce qui est vrai et de ce qui n’est pas vrai. Il est inad­mis­si­ble que, sur la base d’instructions incon­nues, un étu­di­ant anonyme employé à temps par­tiel déter­mine quelles opin­ions poli­tiques peu­vent être dif­fusées». En juil­let dernier, YouTube avait sus­pendu la chaîne du par­ti Lib­erté et Démoc­ra­tie directe (SPD) du Tché­co-Japon­ais Tomio Oka­mu­ra, qui a 20 représen­tants à la Cham­bre des députés, apparem­ment à cause de ses vidéos cri­ti­quant l’immigration de masse. Oka­mu­ra avait réa­gi en appelant cette déci­sion une « attaque grossière con­tre la lib­erté d’expression » et « con­tre les droits civiques fon­da­men­taux », une attaque qui « fausse la libre com­péti­tion entre les par­tis poli­tiques garantie par la Con­sti­tu­tion tchèque ».

D’une manière générale, dans ces trois pays qui ont déjà con­nu la cen­sure com­mu­niste, la cen­sure des géants améri­cains du Net vise surtout les opin­ions classées à droite, les opin­ions con­ser­va­tri­ces, chré­ti­ennes, sou­verain­istes, patri­o­tiques, etc. Curieuse­ment, le même genre d’opinions qui étaient inter­dites sous la dic­tature com­mu­niste. Alors que la France et l’Allemagne cherchent à ren­forcer leur arse­nal juridique pour con­train­dre les médias soci­aux à accentuer leur cen­sure préven­tive, les anciens pays de l’Est s’inquiètent pour leurs lib­ertés dure­ment acquis­es à un moment où ils voient ces lib­ertés reculer à l’Ouest.

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