Libération, son profil libéral-libertaire, son atlantisme militant, ses pertes abyssales, ses riches mécènes qui le maintiennent à flot. D’un Édouard de Rothschild à un Patrick Drahi en passant par un Bruno Ledoux, les deux derniers y ayant trouvé peut-être quelques avantages fiscaux.
Drahi aide Libé mais y trouve un peu de réconfort fiscal
Nous résumons notre précédent article du 9 octobre 2022. En 2020, Drahi apporte Libération à un fonds de dotation, le FDPI. Il loge le fonds non pas dans SFR presse (société modeste dédiée justement à la presse) mais bizarrement dans SFR télécoms. Pourquoi ? Les sommes apportées à un fonds de dotation sont déduites à hauteur de 60% de l’impôt sur les sociétés jusqu’à 2M€ puis 40% au-delà. Mais avec un plafond de 0,5% du chiffre d’affaires. D’où l’utilité d’adosser le fonds à une très grosse société (les télécoms) plutôt qu’à une petite (la presse). Plus joli encore, Drahi aurait pu abandonner ses créances sur Libé ou céder ses parts pour un euro symbolique. Que nenni, en apportant successivement 55M€ pour effacer les dettes puis 20M€ pour la trésorerie du fonds, au total 75M€, il pourrait bénéficier d’un crédit d’impôt d’environ 30M€. Chapeau l’artiste !
Ledoux est doux pour Ledoux
Remontons quelques années en arrière. En 2014, Libé est exsangue, aux abois, une fois de plus le dépôt de bilan est proche. Miracle, un financier providentiel venu de l’immobilier, Bruno Ledoux, apporte de la fraîche (source Le Monde). Ledoux était entré au capital en 2011, avait pris la direction du journal en 2014 et revendra le tout à Altice/SFR de Drahi en 2016. L’aspect fiscal concerne les années 2014 et suivantes et le renflouement (un de plus) de Libé par Ledoux et son associé François Moulias. En jeu également, les conditions peut-être étranges dans lesquelles une holding personnelle de Bruno Ledoux est sortie du capital de Altice Media (société basée au Luxembourg) de Patrick Drahi en 2016.
Un siège immobilier qui se balade
Au cœur de l’enquête, la revente du siège de Libération à un fonds immobilier pour 80M€ (mazette !), intervenue en 2022 et après moult péripéties. Les enquêteurs s’intéressent à de multiples va et vient entre la Suisse, Guernesey et le Luxembourg. Des mouvements qui auraient permis de juteuses économies entre autres (mais pas seulement) sur les taxes sur les biens immobiliers détenus par des sociétés étrangères. Des données transmises en février 2022 par un groupe criminel opérant via une cyberattaque ont révélé que le siège luxembourgeois d’Altice avait fait l’objet d’une perquisition en août 2022 en même temps que certaines sociétés de Ledoux et Moulias en France. Un malheur n’arrivant jamais seul, le statut fiscal de Monsieur Drahi – en théorie demeurant à Zermatt dans le canton du Valais – est remis en question par les autorités suisses qui le soupçonnent de résider plutôt à Genève, un canton nettement moins avantageux sur le plan fiscal. Une illustration du proverbe, charité bien ordonnée commence par soi-même, diront les philosophes…
Voir aussi : Libération, infographie