Filiale d’Euronews SA, la chaîne Africanews a été lancée mercredi 20 avril avec pour but de couvrir tout le continent. Un projet aussi ambitieux que risqué.
Pour le moment, la rédaction est installée à Pointe-Noire, capitale économique du Congo. Celle-ci est bilingue, francophone et anglophone, et compte une cinquante de journalistes de quinze nationalités ainsi que 45 correspondants répartis sur le continent. « Nous prévoyons de produire une quarantaine de sujets par jour. Nous avons conçu Africanews comme une chaîne d’information en continu qui soit généraliste avec un prisme économique assez fort. Nous n’avons pas vraiment de concurrents, car notre ambition est continentale », a déclaré au Monde Michael Peters, président du directoire d’Euronews et président d’Africanews.
Bien que détenue à 100 % par Euronews SA, la chaîne a été lancée « sous une marque propre (…) car cette chaîne est africaine ». Le siège définitif est toujours en construction. C’est le Congo, seul pays qui aurait rempli toutes les conditions de respect de la liberté éditoriale et ayant aidé à implanter les locaux, qui a été choisi. Le nouvel immeuble, flambant neuf, sera donc situé à Brazzaville, capitale du pays. Il a été offert en « cadeau » par le régime du président Denis Sassou-Nguesso, au pouvoir depuis plus de 32 ans.
Un cadeau sans contrepartie ? Du côté de Michael Peters, on assure que oui. « Africanews est incontestablement un atout pour le Congo qui construit notre siège et nous aide sur le plan logistique, mais aussi au niveau des douanes pour importer le matériel », explique-t-il. Et d’ajouter : « Africanews est une société de droit congolais, mais nous sommes libres d’aborder tous les sujets sans aucune ingérence dans notre ligne éditoriale, c’est une condition claire dès le départ. »
Malgré tout, comment demeurer indépendant et totalement libre dans un pays classé 115e au classement mondial de la liberté de la presse selon RSF et qui participe financièrement et matériellement (siège, fibre optique…) au lancement ? C’est toute la question…
Depuis une quinzaine de jours, l’armée et la police congolaises participent à une opération militaire dans la région du Pool, entre Brazzaville et Pointe-Noire. Pour l’heure, aucun journaliste n’a pu pénétrer dans la zone. Du côté du régime, on explique qu’il s’agit d’opérations menées contre des bandes armées favorables à un ancien chef de guerre, le pasteur Ntumi, décrit comme un « illuminé ». Mais d’après Amnesty International, les frappes aériennes menées par l’armée auraient tué de nombreux civils et contraint beaucoup d’autres à fuir.
Si Africanews venait à avoir des images du théâtre d’opération, il s’agirait d’un véritable scoop. Or pas un article ne figure sur le site de la chaîne, lancé depuis janvier dernier. « On n’a pas prévu d’envoyer des reporters dans le Pool pour l’instant, mais nous n’hésiterons pas à le faire si on le décide. L’objectif n’est pas de couvrir le Congo en particulier, mais bien tout le continent », tente de se justifier Nathalie Wakam, rédactrice en chef adjointe d’Africanews… peu convaincante.
Cependant, celle-ci assure que le Congo n’a pas participé directement au financement de la chaîne, qui repose sur la publicité, et que « si notre ton ne plaît pas aux autorités congolaises, on continuera d’émettre. On s’est tout de même assurés de cela ». Quoi qu’il en soit, ce projet qui se présente comme totalement indépendant ne convainc pas grand monde, surtout du côté de la jeunesse congolaise de Brazzaville, qui surnomme déjà la chaîne « Télé-Sassou ».
Dans ce contexte compliqué, « Africanews pourrait bien être l’un des défis éditoriaux parmi les plus risqués – et les plus excitants – du continent », conclut Le Monde.