Le Fonds pour une presse libre (FPL), détenant le capital de la société éditrice de Médiapart via une structure intermédiaire, vient d’annoncer les résultats de son troisième appel à projets destiné à soutenir financièrement des « titres indépendants ».
Les projets soutenus jusqu’à présent
Par le passé, le FPL a déjà soutenu sept médias : dans le cadre du premier appel à projets (décembre 2020), la Revue Far Ouest à hauteur de 20 000 euros, Guiti News à hauteur de 15 000 euros et Orient XXI à hauteur de 20 000 euros ; dans le cadre du deuxième appel (juillet 2021), Le Poulpe à hauteur de 20 000 euros, Disclose à hauteur de 17 000 euros, Le Ravi à hauteur de 17 000 euros et Radio Parleur à hauteur de 17 000 euros.
Notons parmi ces médias soutenus par le FPL la présence de Guiti News, un site rédigé à moitié par des migrants/réfugiés et à moitié par des journalistes français. Le média Radio Parleur fait lui aussi la part belle à la promotion de l’immigration tout étant plus généraliste puisqu’il se dit « spécialisé dans la couverture des luttes sociales, féministes, antiracistes, migratoires et écologiques. »
Sans oublier l’inénarrable Le Ravi, mensuel spécialisé dans « l’investigation régionale » et diffusé dans le réseau presse en Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui a été accompagné dans sa transition numérique grâce au soutien du FPL. En mai 2022, ce « journal citoyen investi dans l’éducation aux médias et les quartiers populaires » s’est illustré par un article intitulé « Fachos, contre le virus fasciste, un seul vaccin : la liberté ! » :
« Mon voisin le facho. Il ne faut pas s’y faire. Mais il ne faut surtout pas non plus se voiler la face. Si la France avait voté comme en Paca, l’héritière de Jean-Marie Le Pen, de Pétain et autres sombres crétins, serait présidente de la République. Dans notre région, 1 237 813 électeurs ont plébiscité la candidate raciste. […] Il y a toujours pire. Au 1er tour, c’est également en Paca, Corse exceptée, que Zemmour a fait son meilleur score : 11,71 %. Le racisme est aussi le moteur de ses 310 837 électeurs mais s’y ajoute la haine de classe : celle des plus pauvres, que la plupart ne croisent pourtant pas souvent. Le tout couronné par le mépris et la crainte des femmes émancipées. »
FPL 2022, une cuvée généreuse
Le 1er juin 2022, à l’occasion de la publication des résultats de son troisième appel à projets, le FPL annonce avoir voulu « passer un cap ». La somme débloquée cette année est en effet de 165 000 euros, alors qu’elle était de 71 000 euros en 2021 et de 50 000 euros en 2020. Le nombre de projets primés a lui aussi augmenté et passe à neuf.
Ont été retenus pour un financement les médias suivants : Le Courrier des Balkans, Mediacités et StreetPress, qui bénéficieront chacun d’une avance remboursable de plus de 30 000 euros ; Inf’OGM, L’Empaillé, La Déferlante, Reflets.info, Splann ! et Transrural Initiatives, qui se voient attribuer des subventions, « généralement de 15 000 euros, parfois moins pour des projets plus limités. »
À l’assaut des provinces rétrogrades et corrompues !
L’Empaillé est un journal trimestriel basé sur l’Occitanie et relaie des « luttes sociales, écologiques, féministes ou anti-racistes, [et enquête] sur les pouvoirs locaux, qu’ils soient médiatiques, économiques ou politiques. »
Opposé à la presse locale financée par le groupe Baylet, son slogan est : « L’Empaillé aux barricades, La Dépêche aux ordres ». Ce journal fait partie d’une série de titre régionaux soutenus par la galaxie Médiapart considérant la PQR comme trop bourgeoise et réactionnaire.
Les médias locaux de ce type pullulent : La Ravi en PACA (soutenu par le FPL en 2021), Le Poulpe en Normandie (soutenu par le FPL en 2021), Le Postillon à Grenoble, La Brique à Lille, La Lettre à Lulu à Nantes ou encore Médiacités, un journal en ligne d’investigation indépendante à Lille, Lyon, Nantes et Toulouse.
Médiacités, qui compte 100 pigistes, est à l’origine de l’ouverture de plusieurs informations judiciaires et a mis en place un projet nommé Bibliocités, destiné à « favoriser l’accès à [ses] investigations locales dans les bibliothèques municipales ou universitaires », et consistant en « un levier pour démocratiser l’accès à l’information locale indépendante et pour sensibiliser de nouveaux publics au journalisme d’investigation. » Ce projet intègre aussi « l’organisation d’ateliers-débats sur le journalisme et l’utilité d’une presse indépendante en régions. »
#legislatives2022 « Cette candidature ne sort pas de nulle part. On peut vraiment gagner, on n’y va pas pour cueillir les coquelicots. »
👉 A #Lyon, un antifa à la conquête du palais Bourbon : un article de @Mediapart à retrouver sur @MediacitesLyon. https://t.co/PV2MZv1HJm— Mediacités (@Mediacites) May 30, 2022
Djihad vert
Parmi les lauréats FPL 2022, on retrouve aussi Splann ! [« clair », en breton], nouveau média d’investigation locale en Bretagne « qui travaille sur des sujets d’intérêt public. » Ce média revendique pour parrain Disclose, soutenu par le FPL en 2021, et se targue d’un fonctionnement sur le modèle ONG ayant pour pour objectif « d’éclairer des zones d’ombre en Bretagne pour raconter l’envers de la carte postale. » Ses enquêtes sont surtout axés sur les problématiques environnementales (pollution de l’air, industrie agro-alimentaire, entreprises du secteur de l’énergie, etc.). Les contenus de ce site sont disponibles en français et en breton.
Dans la promotion FPL 2022, on trouve aussi Transrural initiatives, « la revue des territoires ruraux », un bimestriel d’information sur le monde rural publié par l’ADIR (Agence de diffusion et d’information rurales), association d’édition du Réseau Civam, du MRJC (Mouvement rural de jeunesse chrétienne), du réseau Relier, de Cap rural et du réseau des Crefad. Cette revue se définit comme un « média participatif et indépendant, et [elle est] portée par des organisations de développement agricole et rural qui se reconnaissent dans les valeurs de l’éducation populaire, [et] réalisée par une équipe associant militants associatifs, animateurs et journalistes. »
Toujours dans la veine écologique, le FPL va également soutenir Inf’OGM, une « veille citoyenne […] qui décrypte l’actualité mondiale et propose un service unique d’information francophone sur les OGM, les biotechnologies, la privatisation du vivant, également sur les semences. »
Soutien au journalisme « post-#metoo »
La Déferlante est une revue trimestrielle papier fondée en 2021 « qui analyse notre société au prisme du genre, à l’appui de formats journalistiques variés. » Elle se présente comme étant « la revue des révolutions féministes » et « analyse l’époque dans une perspective féministe. » Sur son site, on peut lire cette présentation :
« La Déferlante est la première revue trimestrielle post-#metoo consacrée aux féminismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abonnement, elle raconte les luttes et les débats qui secouent notre société. Créée et dirigée exclusivement par des femmes, La Déferlante donne la parole aux femmes et aux minorités de genre et visibilise leurs vécus et leurs combats. »
Elles ont en commun des valeurs féministes qu’elles concilient sans peine avec leurs convictions religieuses. Rencontre entre deux personnalités qui luttent avec pragmatisme pour davantage de justice sociale. pic.twitter.com/8auvdY2jx5
— La Déferlante (@deferlanterevue) May 31, 2022
Les quatre fondatrices de cette revue viennent toutes du monde de la presse et de l’édition :
- Marie Barbier : Journaliste indépendante spécialisée dans les questions judiciaires. Après treize années au quotidien L’Humanité, elle collabore aujourd’hui avec Reporterre et Médiapart.
- Lucie Geffroy : Journaliste indépendante, elle a travaillé comme éditrice et cheffe de rubrique pour Courrier international puis Le Monde tout en collaborant à divers médias.
- Emmanuelle Le Josse : Coordinatrice éditoriale dans l’édition et la communication, et cofondatrice du P.A.F – Collectif pour une parentalité féministe.
- Marion Pillas : Productrice de documentaires et autrice, elle a travaillé pour les rédactions de France Télévisions puis au sein de différentes sociétés de production.
Voir aussi notre brochure papier : Le Néo-féminisme à l’assaut d’Internet
StreetPress, les Bolchéwokes mobilisés contre l’extrême droite !
StreetPress, primé dans la dernière promotion FPL, met un point d’honneur à se battre contre l’extrême droite, en a fait son leitmotiv.
Le soutien du FPL permettra, selon le fondateur du site, Johan Weisz-Myara, de fixer un nouveau cap vers la professionnalisation de StreetPress et de permettre à ce média de se financer par le membership.
Ce « média d’enquêtes et de culture urbaine » (« sur Paris et en banlieue ») est un bijou de bien-pensance et de journalisme d’extrême gauche militant. Tout y passe : promotion de l’immigration et des droits LBGT, émancipation par le voile, dénonciation de l’extrême droite, violences policières (la spécialité du rédacteur en chef de StreetPress Mathieu Molard), islamophobie, éloge du rap de banlieue, etc. Une liste complète serait impossible à dresser tant StreetPress n’en rate pas une pour donner dans le progressisme radical et la déconstruction de tout ce qui irrite la gauche bien-pensante.
Je propose le premier entretien du nouveau ministre de l’Education sur @streetpress
— Johan Weisz-Myara (@joweisz) May 20, 2022
Le coup de pouce apporté par le FPL à StreetPress arrive alors que le média annonçait il y encore peu ses difficultés financières. Point intéressant : dans sa vidéo de remerciement au FPL, « Jo » Weisz explique que « le modèle de financement par la communauté » représente à l’heure actuelle 25% des revenus du média. Selon lui, ce soutien par les lecteurs est celui qui assure « réellement l’indépendance par rapport à tous les autres modèles de revenus ». Est-ce à dire que 75% des revenus de StreetPress ne permettent pas une réelle indépendance ?
Voir aussi, à propos de StreetPress
Les Balkans inclusifs
« Plus d’abonné.e.s, plus d’autonomie financière, de meilleurs contenus ». C’est sous ce titre que l’équipe du Courrier des Balkans, « site de référence sur l’actualité des pays des Balkans », a tenu à présenter son projet auprès du FPL.
Fondé en 1998 pour « faire connaître en français l’actualité de treize pays de l’Europe du Sud-Est », ce média compte une vingtaine de correspondants établis dans ces pays. Selon Simon Rico, co-rédacteur en chef du Courrier des Balkans, l’accent est mis sur les questions de société actuelles : l’écologie, les luttes citoyennes et la défense des droits des femmes et des minorités.
Le site est en effet très fourni en contenus pro-LGBT, à tel point que ces derniers jouissent d’une rubrique dédiée introduite comme suit :
« Belgrade, Split, Sofia, Zagreb, Podgorica, Skopje, Sarajevo… Les « marches des fiertés » sont régulièrement menacées ou attaquées par des « hooligans » néo-fascistes, voire interdites par des autorités politiques frileuses et complaisantes. Malgré cela, les mouvements gays des Balkans entendent poursuivre leur combat. Le point sur les droits et les mobilisations des personnes LGBT dans les différents pays de la région. »
Le Courrier des Balkans ne fait pas grand mystère de sa ligne éditoriale :
« Média engagé, résolument antinationaliste, Le Courrier des Balkans accorde une attention particulière aux questions sociales et environnementales, aux droits des femmes et des minorités, à la transition économique et énergétique, aux solutions innovantes. Sans oublier les dossiers qui plombent toujours l’avenir de ces pays, comme le recul de l’État de droit, la corruption ou le crime organisé […] »
Le directeur de la publication du site est Amaël Cattaruzza, docteur en géographie, membre du comité de rédaction des revues Espace politique et Balkanologie et professeur des universités à l’Institut français de géopolitique (IFG), un institut duquel est diplômé Corentin Léotard, le rédacteur en chef du Courrier d’Europe centrale.
Le Courrier d’Europe centrale et Le Courrier des Balkans sont aux côtés de Novastan (média sur l’Asie centrale) à l’initiative du Collectif pour un nouveau journalisme international. Ce réseau rassemble des sites d’information francophones d’actualité internationale partageant les mêmes modèles éditorial et économique (des médias qui privilégient « la coopération sur la compétition et les archipels éditoriaux sur la concentration des médias »). Font aussi partie de ce réseau Asialyst (Asie), La Dame de Pique (journal culturel dédié à la Russie), Gare de l’Est (Europe de l’Est), Lettres persanes (Iran), Orient XXI (Proche-Orient, média soutenu par le FPL en 2020) et Rojinfo (Kurdistan, Moyen-Orient).
On retrouve aussi Le Courrier des Balkans et Le Courrier d’Europe centrale parmi près d’une centaine de médias signataires de « l’Appel des Indépendants ». Une liste qui donne un bon aperçu de la nébuleuse Plenel.
Pour couronner le tout : un soutien à un projet d’OSINT
Le journal d’investigation et d’information-hacking Reflets.info a lui aussi été choisi par le FPL cette année. Pour être plus précis : la somme allouée par le FPL à ce site sera destinée au développement d’un « vaste outil » d’aide à l’investigation pour les journalistes de médias indépendants. Il s’agit de l’utilisation d’outils d’OSINT (renseignement de sources ouvertes).
Ce média, qui « produit des enquêtes au long cours et des analyses visant à mettre les faits en perspective », utilise Datashare (un outil fourni par le Consortium international des journalistes d’investigation [ICIJ]) pour regrouper toutes ses données récoltées au fil de ses enquêtes depuis le lancement du site en 2011. Y sont également intégrées des données issues d’internet et de sites situés sur le réseau Tor.
Reflets.info a pour objectif de relier ces données avec celles d’un autre outil de renseignement en sources ouvertes qu’elle utilise, Maltego, pour à terme « mettre ces développements à disposition d’autres médias indépendants. » C’est cet outil qui avait notamment permis à Reflets.info de réaliser un graphique fouillé sur la présence d’Éric Zemmour sur Internet. Toujours les mêmes marottes.
@_reflets_ obtient le soutien du @Fondspresslibre pour le développement d’un outil d’aide à l’enquête. Merci au FPL.https://t.co/fspgaQzNle
— reflets.info (@_reflets_) June 1, 2022
Les donateurs du FPL en 2019 et en 2020
Les médias soutenus par le FPL se plaisent à remercier les donateurs sans qui les sommes n’auraient pu être débloquées. En réalité, ils pourraient très bien les nommer, tant les hommes forts de Médiapart trustent les campagnes de dons.
Le FPL a récolté 55 700 euros en 2019 (du 14 août au 31 décembre) et 150 338,80 euros en 2020 (du 1er janvier au 31 décembre). Voici la répartition des dons sur les années 2019 et 2020 :
- Monsieur Olivier Legrain : 50 000 euros en 2019, 50 000 euros en 2020
- Monsieur François Divoux : 5 000 euros en 2019
- Monsieur Edwy Plenel : 50 000 euros en 2020
- Monsieur Laurent Mauduit : 20 000 euros en 2020
- Monsieur François Bonnet : 10 000 euros en 2020
- Plus une centaine de dons inférieurs à 5 000 euros.