L’immigration a‑t-elle des effets bénéfiques pour l’économie ? Un article mis en ligne sur le site Vie-publique.fr vient de prétendre trancher la question. Avec cette spécificité notable que ce site est financé par les pouvoirs publics…
Vie-publique.fr : « des clés pour comprendre »
Vie-publique.fr est un site édité par la Direction de l’information légale et administrative (DILA) rattachée aux services du Premier ministre. Il se présente comme « donnant des clés pour comprendre les politiques publiques et les grands débats qui animent la société ». De fait, Vie-publique.fr est une précieuse source d’informations sur de nombreux sujets.
Parmi ses différentes rubriques, celle consacrée aux « Points de vue » est présentée comme donnant la parole à des experts. Dans un article mis en ligne le 8 mars 2023, une économiste tente de répondre à l’épineuse question des effets économiques de l’immigration en France.
Le papier, solidement charpenté, comprend quatre parties. L’une d’entre elles aborde les effets de l’immigration sur le marché du travail, les salaires, les inégalités, le niveau de vie, la croissance économique et les finances publiques. L’auteur y assène en conclusion plusieurs « vérités » :
- « Dans l’ensemble, les analyses menées sur le marché du travail ne trouvent pas d’impact négatif de l’immigration sur les salaires ou sur l’emploi en France ou dans les principaux pays développés »,
- « L’immigration contribue positivement au niveau de vie moyen et à la croissance économique »,
- « L’immigration ne pèse pas sur les finances publiques ».
Parmi les études citées, aucune ne va bien sûr dans un sens contraire à ces conclusions. L’article vise donc, non pas à répondre de façon contradictoire à une question, mais à soutenir une thèse, celle selon laquelle, comme indiqué dans le sous-titre de l’article, « l’immigration contribue positivement à la croissance économique, augmente l’emploi et ne pèse pas sur les finances publiques ».
Une étude de l’OCDE en question
Une étude récente citée dans l’article de Vie-publique.fr aurait pu apporter un point de vue différent sur cette question. La contributrice du site de la DILA cite en effet une étude de l’OCDE parue en 2021 intitulée « Perspectives des migrations internationales ». Elle précise que celle-ci « présente une revue des études qui se sont attelées à l’évaluation empirique des effets de l’immigration sur les finances publiques des pays d’accueil OCDE et elles concluent à un impact faible, voire positif des immigrés récents lorsque les effets indirects sont pris en compte ».
Dans un dossier paru il y a quelques semaines, consacré aux politiques migratoires en Europe, la Fondation pour l’Innovation Politique s’était attardée sur les résultats de cette étude pour la France. Quelle en est son interprétation ? « On notera que la conclusion sur les effets économiques positifs est contredite par les données de l’OCDE ». Et Dominique Reynié de préciser en s’appuyant sur cette étude en introduction de son panorama : « en France, l’immigration coûte plus cher qu’elle ne rapporte ».
On peut regretter que l’article de Vie-Publique.fr. n’ait pas détaillé plus avant cette étude spécifiquement pour la France, a fortiori quand « l’impact faible » serait en fait un impact négatif dans deux cas de figure sur trois (« séries de spécifications »).
Des études aux conclusions différentes
Car si effectivement, des analyses concluent à un impact positif de l’immigration sur les différents sujets mentionnés (salaires, emploi, finances publiques, etc.), d’autres ne vont pas dans ce sens.
On peut les retrouver notamment sur le site de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID) qui a consacré en juillet 2020 un article sur le coût de l’immigration pour les finances publiques. Les conclusions de l’analyse de plusieurs études ne vont pas dans le sens de l’article paru sur Vie.Publique.fr : « Si la majorité des publications s’accordent à conclure que l’immigration constitue une charge pour les finances publiques en France, le montant de cette charge varie fortement selon la méthode de calcul choisie ». L’OID précise toutefois avec prudence que « ces études demeurent parcellaires et se fondent sur des données peu fiables ».
On peut citer les travaux de Jean-Paul Gourévitch pour Contribuables Associés publiés en avril 2022 aboutissant à un coût annuel de l’immigration de 40 milliards d’euros, ceux d’André Posokhow statuant sur un montant supérieur. On peut enfin pu citer les travaux d’universitaires qui ne valident pas les thèses présentées sur le site de Vie-publique.fr, les conclusions de chaque étude étant tributaires des paramètres retenus et n’échappant pas à de multiples biais inhérents à la recherche scientifique. Le débat est donc loin d’être clos.