En 2017, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán déclarait : « Bien sûr, nous pouvons accueillir les vrais réfugiés : Allemands, Néerlandais, Français, Italiens, […] chrétiens qui auront dû fuir leur pays, ces personnes qui veulent retrouver ici l’Europe qu’elles ont perdue chez elles ». Si, pour des raisons économiques, nous sommes loin d’une inversion des flux migratoires intra-européens, les émeutes récentes en France marquent clairement une rupture psychologique dans l’image de la France à l’étranger. En Hongrie, pays dirigé par un gouvernement opposé à l’immigration illégale, le ton donné dans la presse sur ces événements semble bien plus libre que dans les médias de grand chemin français.
« La France à nouveau en flammes »
Ce ne sont pas les mots d’un média conservateur pro-gouvernemental, mais bien ceux de HVG, un hebdomadaire et site d’information de centre-gauche anti-gouvernemental. Dans l’ensemble, les médias anti-Orbán ont d’ailleurs adopté une posture moins biaisée que leurs équivalents libéraux-libertaires français, même si, il est vrai, ils n’en ont pas fait leurs gros titres.
Telex, 444 et Népszava, les sites les plus radicalement pro-UE et pro-immigration du paysage médiatique hongrois se sont montrés factuels, évoquant des troubles, des émeutes, des pillages, des violences, etc. Sans pour autant insister sur les origines du « petit ange » Naël et celles des émeutiers, les médias hongrois de gauche ont fait un travail d’information tournant assez peu le dos au réel en comparaison de ce qu’est capable de produire la presse subventionnée française. Le très à gauche 444 est même allé jusqu’à affirmer que ces émeutes mettaient en danger le pouvoir d’Emmanuel Macron.
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Une infime minorité woke face à la population hongroise
La presse hongroise de gauche ne peut raisonnablement aller sur un terrain consistant à voir des supporters anglais là où il n’y en a pas. Tout au plus peut-elle donner dans le qualificatif « jeune » ou « adolescent » pour conserver sa réputation de gardienne du temple de la bien-pensance.
Mais en situation exceptionnelle, les Hongrois d’opposition ne sont pas plus dupes que les Hongrois pro-Fidesz. Ils savent quels sont les auteurs des pillages et des violences, et ont aussi des positions fermes sur l’immigration extra-européenne. C’est pourquoi l’infime minorité woke budapestoise traînant ses guêtres dans les salles de rédaction de la presse libérale-libertaire et les théâtres de la capitale ne peut aller trop loin et doit se contenter de rester factuel.
À ce stade, il paraît impossible de faire avaler aux Hongrois l’idée d’une immigration « chance pour la Hongrie ». Tout comme il y avait eu un consensus large sur la crise migratoire de 2015, il y en a un aujourd’hui sur ce que les syndicats Alliance et Unsa-Police ont appelé des « hordes sauvages ». Dans le même registre, une majorité allant au-delà de la droite (77% des interrogés d’un sondage) est contre l’idée récente de Bruxelles d’imposer des quotas de migrants à la Hongrie.
Une autoroute pour les forces pro-gouvernementales
La situation actuelle en France pose évidemment moins de cas de conscience à la presse pro-Orbán. Cette dernière y voit une opportunité de rappeler que tout ce qu’elle assène depuis des années n’est pas un mensonge mais la dure réalité.
Le quotidien pro-Orbán Magyar Nemzet évoque une situation proche de la guerre civile, des experts se relaient pour faire un lien direct entre immigration et émeutes, le média Mandiner explique que la France est fracturée en deux tandis que le site Pesti Srácok, qui a par le passé fait l’objet de la censure des GAFAM, ne prend aucun gant quand il s’agit de parler des origines des émeutiers.
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Liberté de ton totale chez les influenceurs pro-gouvernementaux
Aucun gant pris non plus du côté des influenceurs conservateurs hongrois. Zoltán Koskovics, en charge des questions géopolitiques au Centre pour les droits fondamentaux, le think-thank ayant organisé la CPAC Hungary, tape à bras raccourcis sur les promoteurs de l’immigration de masse et autres adorateurs de l’agenda bruxellois. Selon lui, la France brûle et c’est le moment pour les Hongrois de réaffirmer leur opposition frontale à la politique migratoire voulue par Bruxelles.
So ask them to put down the revolt in #France. https://t.co/1Qv5QIDyU8
— Koskovics Zoltán (@KoskovicsZ) July 1, 2023
Le directeur de l’École de Journalisme du Mathias Corvinus Collegium partage quant à lui les résultats d’un sondage lancé sur sa page Twitter, comme un pied de nez aux donneurs de leçons occidentaux.
All things considered, would you prefer to live in
— Boris Kálnoky (@bkalnoky) June 30, 2023
L’influenceur et analyste Dániel Deák, lui aussi plusieurs fois victime de la censure des GAFAM, relaie copieusement les images les plus violentes des émeutes en affirmant clairement que c’est de cette immigration que les Hongrois ne veulent pas.
Même ambiance en Pologne
En Pologne, le rejet de l’immigration extra-européenne est similaire à celui que l’on peut constater en Hongrie. Il va au-delà de la droite conservatrice et touche aussi les électeurs d’opposition. La politique de quotas voulue ouvertement par Bruxelles est d’ailleurs une aubaine pour la coalition au pouvoir, qui jouera sa sélection à l’automne.
67% des Polonais sont contre le nouveau Pacte migratoire de l’UE avec relocalisation des migrants ou 20000€ par migrant refusé, plus de 50% veulent un référendum sur la question. https://t.co/fvRBfpUwiD
— Olivier Bault (@Olivier_Bault) June 19, 2023
Le gouvernement polonais a saisi l’occasion de cristalliser cette position sur l’immigration des Polonais et a produit un clip comparant la situation en termes de sécurité en France et en Pologne. Cette publication a eu son succès et s’est répandue en dehors de Pologne, les Français opposés à l’immigration n’ayant pas manqué de la relayer copieusement sur les réseaux sociaux.
Sur son compte Twitter, le Premier ministre polonais publie une vidéo illustrant la différence entre un pays avec immigration et un pays sans immigration (MàJ)
https://t.co/qikrOazW4R pic.twitter.com/dYtfheBLlS— Fdesouche.com est une revue de presse (@F_Desouche) June 30, 2023
Les pays d’Europe centrale à un moment fatidique ?
Si les médias polonais et hongrois ont réagi si fortement à la situation désastreuse et chaotique en France, c’est aussi parce que le sujet migratoire devient chaque jour plus important dans ces pays. Pour pallier à un manque de main d’œuvre, ces pays font en effet appel à des travailleurs extra-européens, dans des proportions de plus en plus importantes.
À ce stade, il s’agit d’une immigration de travail et non de peuplement, même si légalement rien ne permet à Varsovie et à Budapest de s’opposer au regroupement familial. Ces communautés ne posent à l’heure actuelle pas de problèmes majeurs en matière de sécurité, mais des analystes émettent l’hypothèse d’une situation qui pourraient rapidement déraper. En Europe de l’Ouest aussi, tout avait débuté avec une immigration de travail il y a près d’un demi-siècle…
Sous la pression de l’#UE, #Pologne et #Hongrie voient une hausse de l’#immigration légale en provenance de pays non européens. Tentative de contrôle du processus, en se concentrant sur l’immigration de travail, mais les lois de l’UE pourraient entraîner un plus grand afflux.
1/5— Ferenc Almássy (@almassy_ferenc) June 26, 2023