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Les Européennes approchent : L’Opinion lance la propagande

24 août 2018

Temps de lecture : 6 minutes
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Les Européennes approchent : L’Opinion lance la propagande

Temps de lecture : 6 minutes

Mardi 21 août, le quotidien libéral et mondialiste L’Opinion lançait sa campagne pour les Européennes, autrement dit pour l’Européisme officiel. Pour cela, quoi de mieux que de désigner du doigt des « ennemis » ?

Ouverte­ment pro-libéral, mon­di­al­iste, ferme défenseur des rich­es vrai­ment rich­es, sou­tien affir­mé des oli­garchies minori­taires qui diri­gent l’économie européenne, le quo­ti­di­en L’Opinion sem­ble s’inquiéter de ce qui pour­rait se pass­er lors des élec­tions européennes du pre­mier semes­tre 2019. C’est sans doute pourquoi il lance la cam­pagne, du moins sa cam­pagne con­tre toute con­cep­tion non oli­garchique et mon­di­al­iste de l’Union Européenne.

La une se veut agressive

« L’Europe, com­bi­en d’ennemis ? ». Le ton est don­né, avec un trait qui se veut d’humour par­lant à un pub­lic cul­tivé, celui sup­posé con­naître l’expression « Le pape, com­bi­en de divi­sions ». La for­mule est de Staline, et for­mait une réponse à Pierre Laval. Que le quo­ti­di­en L’Opinion, en reprenant la for­mule, se con­sid­ère, quant au libéral­isme, un peu à l’image de ce que fut Staline quand au com­mu­nisme ne manque pas de sel. Sans doute la phrase a‑t-elle été choisie un peu légère­ment. Un lecteur trop pressé pour­rait croire que L’Opinion se veut le Staline du libéral­isme. L’accroche ? « Don­ald Trump et Vladimir Pou­tine appuient les mou­ve­ments pop­ulistes de droite qui remet­tent en cause l’intégration de l’UE. Une alliance d’adversaires intérieurs et extérieurs qui tétanise Brux­elles ».

Deux remar­ques :

  • la pre­mière phrase de cette accroche n’est en rien jour­nal­is­tique. Elle est mil­i­tante et donne un aperçu de l’axe pos­si­ble d’une cam­pagne européenne libérale : jouer sur la peur des ingérences sup­posées des deux dia­blotins que seraient Pou­tine et Trump. Si l’axe fixé ici par L’Opinion est celui des médias offi­ciels dans les mois qui vien­nent, les obser­va­teurs français risquent de « manger » beau­coup d’anti trump­isme et anti pou­tin­isme pri­maire. Con­cer­nant le chef d’État russe, l’OJIM a récem­ment enquêté sur la rus­so­pho­bie ambiante, ain­si sur Arte ou France 5 entre autres.
  • sans dévoil­er ce dont L’Opinion par­le dans ses pages intérieures, il y a d’emblée, dès la Une, fort à pari­er que le quo­ti­di­en du libéral­isme offen­sif évoque le grand méchant qui par­court l’Europe afin de détru­ire d’UE, Steve Ban­non. Le troisième diable.

Le Bien libéral, le Mal populiste

Les choses sont claires d’entrée de jeu : le Bien de la (pré­ten­due) démoc­ra­tie libérale et de son (pré­ten­du) chemin unique vers le Pro­grès con­tre le Mal des pop­ulistes. Si la cam­pagne des européennes se tient à ce niveau, il va y avoir quelques mois binaires dans les médias français. D’après l’article qui com­mence en Une, l’Europe « ferait sa révérence devant le krem­lin ». On peine à croire à une telle affir­ma­tion. Même inquié­tude du quo­ti­di­en quant à des États-Unis con­sid­érés comme « enne­mis de l’Europe » par Don­ald Trump, ce qui serait, d’après le jour­nal­iste, con­fir­mé par une déc­la­ra­tion de l’ambassadeur améri­cain à Berlin, selon lequel son pays sou­tiendrait les « forces de droite » en Europe. Autrement dit, les pop­ulismes. Tout con­verg­erait ain­si con­tre le Bien (l’Union Européenne et sa forme con­sid­érée comme unique chemin pos­si­ble). La preuve par Salvi­ni, lequel aurait eu l’indécence d’accuser la poli­tique de l’UE après l’effondrement du pont de Gênes. Il ne sem­ble pas venir à l’esprit de L’Opinion que l’homme poli­tique ital­ien puisse avoir rai­son, tout comme pour­raient avoir rai­son de cri­ti­quer l’UE les retraités grecs dont les retraites ont été amputés de plus de 50 %, ou les jeunes du même pays con­traints de s’enfuir afin de sur­vivre (départs éval­ués à 400 000,).

Une agressivité qui se prolonge sur près de trois pages

Le lecteur com­prend mieux le choix du jeu de for­mule à par­tir de la célèbre phrase pronon­cée par Staline. En effet, le ton de L’Opinion ressem­ble à s’y mépren­dre à celui de L’Humanité des années du petit père des peu­ples. À part le fait que l’agressivité sert ici le libéral­isme effréné, tan­dis qu’elle ser­vait le com­mu­nisme total­i­taire autre­fois. En changeant un peu leur vocab­u­laire, des jour­nal­istes du sec­ond pour­raient sans peine se recon­ver­tir dans les pages du pre­mier (si jamais une baisse de sub­ven­tion mon­trait ce qu’est réelle­ment le jour­nal L’Humanité aujourd’hui : un fan­tôme sous per­fu­sion d’État). Le dan­ger sem­ble partout, si l’on pour­suit la lec­ture en pages intérieures : la Hon­grie, la Pologne, l’Italie, le Rassem­ble­ment Nation­al en France, l’Autriche… Le tout soutenu (ça y est !) par « l’idéologie trump­iste et guest-star du RN Steve Ban­non », lequel devrait « lancer début sep­tem­bre sa fon­da­tion européenne visant à fédér­er les mou­ve­ments pop­ulistes de droite du vieux con­ti­nent » (The Move­ment). Pour L’Opinion, « la droite pop­uliste a le vent en poupe en Europe », et cela s’explique par les sou­tiens de Trump, Pou­tine ou Ban­non. Rien d’autre ? Un peu d’austérité ? De rejet des racines de l’Europe ? De migra­tions déli­rantes ? Non, rien de tout cela. L’open soci­ety c’est le Bien, le reste c’est le Mal. D’ailleurs, indique le quo­ti­di­en du CAC 40, le réel est dic­té par Macron qui a indiqué que les Européennes opposeront « nation­al­istes » (c’est la guerre, il a dit) au « pro­gres­sisme » (c’est En Marche, il a dit, et la paix, il suf­fit de regarder le monde con­tem­po­rain pour s’en con­va­in­cre). L’article se ter­mine avec un vocab­u­laire mil­i­tant devenu habituel dans ce quo­ti­di­en : ceux qui osent cri­ti­quer l’UE sont sup­posés être les « idiots utiles » de ses enne­mis. Là aus­si, la reprise du vocab­u­laire de l’ancien monde com­mu­niste peut éton­ner. Elle paraît être le signe d’un courant libéral dépassé, inca­pable de rem­plir ses promess­es, et qui ne sait plus à quel saint se vouer. Sinon, Macron.

Le « complotiste Salvini »

Vient ensuite une série de petits arti­cles au sujet de régions qui, avec le sou­tien de Trump, Pou­tine ou Ban­non, chercheraient à « dis­lo­quer une Europe frag­ilisée ». La men­ace est donc partout : Cat­a­logne, Bav­ière, Lom­bardie, Irlande du Nord (avec l’habituelle pho­to d’un sup­posé anti européen en uni­forme noir lev­ant le bras droit)… Et une spé­ciale dédi­cace à Salvi­ni, lequel sem­ble pani­quer la rédac­tion de L’Opinion. L’italien serait « d’extrême droite », userait de « tac­tiques » pour « grimper dans les sondages », pra­ti­querait un « chan­tage per­ma­nent » au sujet des migrants, serait « com­plo­tiste ». Com­plo­tiste car il sem­ble con­scient qu’en effet l’UE est capa­ble de tout faire pour l’expulser du pou­voir dans son pays, cette UE ayant déjà large­ment démon­tré ce qu’elle pense de la sou­veraineté des peu­ples (référen­dum de 2005, tutelle de la Grèce…)… Salvi­ni aurait un « enne­mi par­fait » en la per­son­ne de Macron.

Ain­si, L’Opinion fixe le cap de la pro­pa­gande : Macron ou le chaos Salvi­ni. La cam­pagne des Européennes de l’oligarchie assoif­fée de cap­i­tal est lancée. Ses prospec­tus ont un nom : L’Opinion.

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