Mardi 21 août, le quotidien libéral et mondialiste L’Opinion lançait sa campagne pour les Européennes, autrement dit pour l’Européisme officiel. Pour cela, quoi de mieux que de désigner du doigt des « ennemis » ?
Ouvertement pro-libéral, mondialiste, ferme défenseur des riches vraiment riches, soutien affirmé des oligarchies minoritaires qui dirigent l’économie européenne, le quotidien L’Opinion semble s’inquiéter de ce qui pourrait se passer lors des élections européennes du premier semestre 2019. C’est sans doute pourquoi il lance la campagne, du moins sa campagne contre toute conception non oligarchique et mondialiste de l’Union Européenne.
La une se veut agressive
L’Europe, combien d’ennemis ? https://t.co/nT7HPHeIx7 pic.twitter.com/pBVQ0jMl2T
— l’Opinion (@lopinion_fr) 20 août 2018
« L’Europe, combien d’ennemis ? ». Le ton est donné, avec un trait qui se veut d’humour parlant à un public cultivé, celui supposé connaître l’expression « Le pape, combien de divisions ». La formule est de Staline, et formait une réponse à Pierre Laval. Que le quotidien L’Opinion, en reprenant la formule, se considère, quant au libéralisme, un peu à l’image de ce que fut Staline quand au communisme ne manque pas de sel. Sans doute la phrase a‑t-elle été choisie un peu légèrement. Un lecteur trop pressé pourrait croire que L’Opinion se veut le Staline du libéralisme. L’accroche ? « Donald Trump et Vladimir Poutine appuient les mouvements populistes de droite qui remettent en cause l’intégration de l’UE. Une alliance d’adversaires intérieurs et extérieurs qui tétanise Bruxelles ».
Deux remarques :
- la première phrase de cette accroche n’est en rien journalistique. Elle est militante et donne un aperçu de l’axe possible d’une campagne européenne libérale : jouer sur la peur des ingérences supposées des deux diablotins que seraient Poutine et Trump. Si l’axe fixé ici par L’Opinion est celui des médias officiels dans les mois qui viennent, les observateurs français risquent de « manger » beaucoup d’anti trumpisme et anti poutinisme primaire. Concernant le chef d’État russe, l’OJIM a récemment enquêté sur la russophobie ambiante, ainsi sur Arte ou France 5 entre autres.
- sans dévoiler ce dont L’Opinion parle dans ses pages intérieures, il y a d’emblée, dès la Une, fort à parier que le quotidien du libéralisme offensif évoque le grand méchant qui parcourt l’Europe afin de détruire d’UE, Steve Bannon. Le troisième diable.
Le Bien libéral, le Mal populiste
Les choses sont claires d’entrée de jeu : le Bien de la (prétendue) démocratie libérale et de son (prétendu) chemin unique vers le Progrès contre le Mal des populistes. Si la campagne des européennes se tient à ce niveau, il va y avoir quelques mois binaires dans les médias français. D’après l’article qui commence en Une, l’Europe « ferait sa révérence devant le kremlin ». On peine à croire à une telle affirmation. Même inquiétude du quotidien quant à des États-Unis considérés comme « ennemis de l’Europe » par Donald Trump, ce qui serait, d’après le journaliste, confirmé par une déclaration de l’ambassadeur américain à Berlin, selon lequel son pays soutiendrait les « forces de droite » en Europe. Autrement dit, les populismes. Tout convergerait ainsi contre le Bien (l’Union Européenne et sa forme considérée comme unique chemin possible). La preuve par Salvini, lequel aurait eu l’indécence d’accuser la politique de l’UE après l’effondrement du pont de Gênes. Il ne semble pas venir à l’esprit de L’Opinion que l’homme politique italien puisse avoir raison, tout comme pourraient avoir raison de critiquer l’UE les retraités grecs dont les retraites ont été amputés de plus de 50 %, ou les jeunes du même pays contraints de s’enfuir afin de survivre (départs évalués à 400 000,).
Une agressivité qui se prolonge sur près de trois pages
Le lecteur comprend mieux le choix du jeu de formule à partir de la célèbre phrase prononcée par Staline. En effet, le ton de L’Opinion ressemble à s’y méprendre à celui de L’Humanité des années du petit père des peuples. À part le fait que l’agressivité sert ici le libéralisme effréné, tandis qu’elle servait le communisme totalitaire autrefois. En changeant un peu leur vocabulaire, des journalistes du second pourraient sans peine se reconvertir dans les pages du premier (si jamais une baisse de subvention montrait ce qu’est réellement le journal L’Humanité aujourd’hui : un fantôme sous perfusion d’État). Le danger semble partout, si l’on poursuit la lecture en pages intérieures : la Hongrie, la Pologne, l’Italie, le Rassemblement National en France, l’Autriche… Le tout soutenu (ça y est !) par « l’idéologie trumpiste et guest-star du RN Steve Bannon », lequel devrait « lancer début septembre sa fondation européenne visant à fédérer les mouvements populistes de droite du vieux continent » (The Movement). Pour L’Opinion, « la droite populiste a le vent en poupe en Europe », et cela s’explique par les soutiens de Trump, Poutine ou Bannon. Rien d’autre ? Un peu d’austérité ? De rejet des racines de l’Europe ? De migrations délirantes ? Non, rien de tout cela. L’open society c’est le Bien, le reste c’est le Mal. D’ailleurs, indique le quotidien du CAC 40, le réel est dicté par Macron qui a indiqué que les Européennes opposeront « nationalistes » (c’est la guerre, il a dit) au « progressisme » (c’est En Marche, il a dit, et la paix, il suffit de regarder le monde contemporain pour s’en convaincre). L’article se termine avec un vocabulaire militant devenu habituel dans ce quotidien : ceux qui osent critiquer l’UE sont supposés être les « idiots utiles » de ses ennemis. Là aussi, la reprise du vocabulaire de l’ancien monde communiste peut étonner. Elle paraît être le signe d’un courant libéral dépassé, incapable de remplir ses promesses, et qui ne sait plus à quel saint se vouer. Sinon, Macron.
Le « complotiste Salvini »
Vient ensuite une série de petits articles au sujet de régions qui, avec le soutien de Trump, Poutine ou Bannon, chercheraient à « disloquer une Europe fragilisée ». La menace est donc partout : Catalogne, Bavière, Lombardie, Irlande du Nord (avec l’habituelle photo d’un supposé anti européen en uniforme noir levant le bras droit)… Et une spéciale dédicace à Salvini, lequel semble paniquer la rédaction de L’Opinion. L’italien serait « d’extrême droite », userait de « tactiques » pour « grimper dans les sondages », pratiquerait un « chantage permanent » au sujet des migrants, serait « complotiste ». Complotiste car il semble conscient qu’en effet l’UE est capable de tout faire pour l’expulser du pouvoir dans son pays, cette UE ayant déjà largement démontré ce qu’elle pense de la souveraineté des peuples (référendum de 2005, tutelle de la Grèce…)… Salvini aurait un « ennemi parfait » en la personne de Macron.
Ainsi, L’Opinion fixe le cap de la propagande : Macron ou le chaos Salvini. La campagne des Européennes de l’oligarchie assoiffée de capital est lancée. Ses prospectus ont un nom : L’Opinion.