Aux assises du Journalisme à Metz, le cinéaste Yves Jeuland avait présenté en avant-première son film alors intitulé Ainsi va le Monde, après une expérience d’immersion au sein de la rédaction du quotidien. Rebaptisé Les gens du Monde, le documentaire sort aujourd’hui en salle.
Yves Jeuland est un cinéaste de talent déjà auteur de nombreux documentaires dont un prodigieux portrait de Georges Frêche « Le Président ». Il s’est immergé dans la rédaction du quotidien seul, « à la fois réalisateur, cameraman et preneur de son » pendant cinq mois en 2012 à l’occasion de l’élection présidentielle. Avec deux parti-pris : pas d’entretiens pour éviter la proximité, pas d’images volées pour éviter le voyeurisme. Le résultat est passionnant pour qui s’intéresse à la presse de près ou de loin.
Le film est dédié à Erik Izraelewicz, disparu fin 2012, qui avait autorisé Jeuland à tourner. Sa figure paternelle incarne un consensus parfois difficile à trouver. Car la vie du journaliste politique n’est pas simple en période électorale. Tiraillé entre les « pools », véritables « poulaillers » organisés par les deux grands candidats et ses obligations d’investigation, devant résister à un peu trop de proximité avec le candidat suivi, twittant, écrivant pour le journal, la version numérique mais aussi pour son blog.
Certaines figures crèvent l’écran : Didier Pourquery avec son visage matois, son reste d’accent du sud-ouest et sa grande expérience ; le duo de grands reporters Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, vives et aiguisées, le « couple » rubricard Revault d’Allones/Thomas Wieder qui suit Hollande, sans oublier le comique involontaire et la trogne allumée de Caroline Monnot.
Nous assistons au quotidien, presque minute par minute, à la confection du journal. Faut-il prévoir la « nécro » de Michel Rocard, victime d’un AVC ? (il survivra). Peut-on mettre en parallèle Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ? Le journal doit-il appeler clairement à voter Hollande au deuxième tour ? Ceux qui suivent Hollande et la plupart des plus jeunes sont contre ; la vieille garde, dont Josyane Savigneau, est pour « la gauche qui défend nos valeurs ». Le directeur écrira finalement un éditorial mesuré appelant… à ne pas voter Sarkozy.
Un regard parfois trop bienveillant mais un exercice d’équilibriste assez réussi.