Ojim.fr
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Les gilets jaunes dans les hebdomadaires. Deuxième partie

18 décembre 2018

Temps de lecture : 6 minutes
Accueil | Veille médias | Les gilets jaunes dans les hebdomadaires. Deuxième partie

Les gilets jaunes dans les hebdomadaires. Deuxième partie

Temps de lecture : 6 minutes

Dans un premier article, nous avons analysé les réactions de L’Obs, Le Point, L’Express dans leurs parutions de la première moitié de décembre 2018. Des réactions que l’on pourrait qualifier de globalement hostiles au mouvement des gilets jaunes et macrono-compatibles. Voyons maintenant ce qu’on écrit Le Figaro Magazine, Marianne et Valeurs Actuelles.

Le Figaro Magazine

Après avoir pro­posé une analyse intéres­sante des racines de la crise, signée Alain Finkielkraut, qui sou­tient les gilets jaunes et pour qui « l’ancien monde fait de la résis­tance », dans son édi­tion du 7 décem­bre, le Figaro Mag­a­zine fait sa cou­ver­ture du 14 décem­bre sur l’allocution télévisée du prési­dent et inter­roge : « Peut-il encore réformer ? Macron face au mur ». La réforme, autrement dit la mise en con­for­mité de la France à l’idéologie libérale lib­er­taire (dans sa com­posante surtout libérale sur le plan éonomique) de Brux­elles est la préoc­cu­pa­tion prin­ci­pale du Figaro Mag­a­zine.

Pour le Figaro Mag­a­zine, la France n’explose pas et ne souf­fre pas du fait des actions du prési­dent Macron mais avant tout du manque de réformes, juste­ment ; une France qui, en ter­mes de dépens­es publiques, est le mau­vais élève de l’Europe et dans laque­lle il y a des emplois mais pas de moyen de les pour­voir. Le prob­lème est le « mod­èle Français ». Posi­tion sur le fil de l’hebdomadaire qui com­prend les gilets jaunes, à grand ren­fort de pho­tos mon­trant com­bi­en ils sont le peu­ple, tout en con­sid­érant que la source du mal est a con­trario de ce qu’ils veu­lent. Le vrai souci ce seraient les 35 heures, le trop plein d’aides sociales, le trop d’État… Rien de bien neuf au fond dans le Figaro Mag­a­zine, sur le plan de l’analyse des mou­ve­ments soci­aux, quels que soient ces derniers. Une défense des pos­sé­dants, assez clas­sique (avec par­fois des excep­tions) dans ce journal.

Marianne

Depuis l’arrivée de Nat­acha Polony, en rem­place­ment de Renaud Dély, à la tête de la rédac­tion, Mar­i­anne est en grande par­tie rede­venu l’hebdomadaire qu’il fut autre­fois, ne mâchant ni ses mots ni ses tabous. Un peu de vent frais dans la presse heb­do­madaire française. C’est évi­dent avec la cou­ver­ture datée du 7 décem­bre 2018, met­tant en avant une douzaine de pho­tos de gilets jaunes, claire­ment issus de divers­es caté­gories sociales, avec en plein cen­tre : « Nous sommes le peu­ple et nous ne nous tairons plus ». Mar­i­anne a saisi de quoi il s’agit, d’autant que toutes les pho­tos sont celles de « de souche ». La ques­tion est bien ici celle de la sou­veraineté pop­u­laire, laque­lle ne doit pas être masquée par des « pil­lards oppor­tunistes » ou des « grou­pus­cules vio­lents ». Surtout, Mar­i­anne note que la vio­lence est par­fois vio­lence en retour, tant les class­es moyennes ne sont pas écoutées en France. Ce qui est véri­ta­ble­ment en cause c’est la chape de plomb qui pèse sur la France : le refus de débat­tre « sere­ine­ment » d’un choix de société pos­si­ble en dehors de « l’intégration européenne » et de « la mon­di­al­i­sa­tion heureuse », autrement dit de la dia­boli­sa­tion de toute pen­sée autre que celle des ten­ants du libéral­isme cul­turel et politique.

Pour Mar­i­anne, la réponse passe par la réaf­fir­ma­tion des valeurs de la République et un véri­ta­ble jeu démoc­ra­tique non pol­lué par une oli­garchie mimant la démoc­ra­tie à son seul prof­it. Être ou ne pas être « pop­uliste », dif­fi­cile équa­tion pour l’hebdomadaire, qui reste cepen­dant logique­ment sur sa ligne sou­verain­iste répub­li­caine, autrement dit celle de la gauche jacobine. Surtout, le « Bien com­mun » doit primer sur « les intérêts par­ti­c­uliers ». La ques­tion est bien celle de la pré­da­tion exer­cée par une minorité sur la masse du peu­ple. L’édition du 14 décem­bre enfonce le clou, dans la foulée de l’intervention télévisée du prési­dent : « Tout ça… pour ça ! Et pour­tant on pour­rait tax­er les multi­na­tionales en France, intro­duire la pro­por­tion­nelle et le tirage au sort, con­tester les traités européens ». Macron a peut-être « éteint l’incendie mais sur le fond n’a apporté aucune réponse ». Autrement dit, le peu­ple en gilets jaunes ou non est de nou­veau le din­don d’une farce. Le prochain épisode risque de gag­n­er en violences.

Valeurs Actuelles

L’édition du 6 décem­bre titre « Au bord du gouf­fre. Prési­dent dépassé, État débor­dé… Com­ment l’insurrection des gilets jaunes révèle la fail­lite d’un sys­tème ». L’axe de départ s’apparente à celui de Mar­i­anne. Cepen­dant, Valeurs Actuelles insiste sur une « prési­dence périmée », avec une pho­to choc de Macron marchant dans un « Paris dévasté », et rap­pelle une des sources loin­taines et cepen­dant effi­ciente : la trahi­son des « élites » de 2005, quand le peu­ple Français ayant voté « non » s’est retrou­vé pourvu d’un « oui » suite à usage de poudre de per­limp­in­pin. Les gilets jaunes, c’est le peu­ple qui a de la mémoire. L’hebdomadaire indique aus­si que 40 % des électeurs des prési­den­tielles de 2017 ne sont finale­ment représen­tés, aux lég­isla­tives, que par 24 députés sur 577. Autrement dit, le fond du prob­lème réside dans la main­mise anti­dé­moc­ra­tique d’une oli­garchie sur le pays « La pop­u­la­tion refuse d’être gou­vernée par ceux qui incar­nent à leurs yeux une minorité : la majorité en sièges ne suf­fit plus à la légitim­ité. La France est malade et le médecin de per­ma­nence dépassé ».

L’édition du 13 décem­bre donne à voir un prési­dent le regard ten­du et per­du vers l’horizon, avec comme accroche « Macron sur le vol­can français ». Les autres mots de la cou­ver­ture dis­ent bien le fond du malaise « insur­rec­tion, réformes, dépens­es publiques, immi­gra­tion… L’impossible équa­tion du quin­quen­nat ». Valeurs Actuelles donne longue­ment la parole à Patrick Buis­son, lequel mon­tre, à l’instar de Mar­i­anne, que la « révolte des ronds-points réclame une restau­ra­tion de la sou­veraineté pop­u­laire ». L’hebdomadaire pré­cise cepen­dant, et il est le seul, que Macron, après son inter­ven­tion télévisée, n’a pas arrêté de trahir ce peu­ple, pour­tant dans la rue con­tre les trahisons, en sig­nant le pacte de Mar­rakech sur les migra­tions, pacte au sujet duquel les « élites » mentent à longueur d’ondes.

Point peu noté, que toutes les images mon­trent pour­tant : la révolte des gilets jaunes est en effet celle du petit peu­ple Français blanc, le poor white trash à la française, et ce fait sim­ple devrait amen­er à s’interroger sur la ques­tion iden­ti­taire, ce que les heb­do­madaires ne font pas, à l’exception de Valeurs Actuelles, et d’une cer­taine manière de Mar­i­anne. L’échec du macro­nisme est celui de l’incarnation d’une idéolo­gie sociale libérale, dite pro­gres­siste, dépassée. Les heb­do­madaires s’en font l’écho, par­fois à leur corps défen­dant. Le monde nou­veau du jeune prési­dent ressem­ble au vieux monde. En pire.

Voir aussi

Vidéos à la une

Derniers portraits ajoutés