Alain Pucciarelli, ancien journaliste et lecteur fidèle des médias, publie sur internet un essai roboratif et nourri sur l’état de l’information en France en 2016. Son sous-titre : « Fausse objectivité, vrai assujettissement : le poids déterminant de la finance et de l’idéologie mondialiste sur les médias français publics et privé » précise un propos argumenté sur 369 pages annexes incluses. Analyse.
La disparition apparente de la déontologie professionnelle au sein des grands médias éclaire la crise politique, économique et sociale que la France — et l’Europe ajouterons nous – subissent. Une stratégie éditoriale militante paraît être devenue la règle, et, souligne l’auteur : « les grands médias sont sans doute majoritairement devenus les troupes de choc du conservatisme, de l’austérité et de l’atlantisme promus par les oligarchies financières occidentales ».
Le livre, articulé comme un jardin, insiste sur le couple argent/pouvoir et son double : asservissement/aliénation. Dans le chapitre journalisme Alain Pucciarelli découpe au scalpel l’évolution de Libération passé des maos aux bobos et de l’autogestion aux mains d’oligarques internationaux. Alors que les regards alternatifs (Maurice Allais, Jacques Sapir et bien d’autres) sont passés aux oubliettes, une certaine bien-pensance écrase les débats sur de nombreux sujets (l’Ukraine, la Syrie) et l’oligarchie remplace avantageusement le Comité des Forges d’avant-guerre.
Analysant en détail les différentes formes de ce qu’il appelle « le système idéologique mondialisé », Pucciarelli en désosse une de ses variantes : l’atlantisme généralisé. À travers de nombreux vecteurs comme le club Le Siècle, l’US Aid, la French American Foundation, Aspen ou les riches fondations de Georges Soros, les néoconservateurs « américanomorphes » font souche en Europe. Les « figures de proue de l’hyper classe médiatique mondiale » s’appellent Arianna Huffington, fondatrice des sites éponymes, Anne Sinclair, sa créature en France ou Jean-Marie Colombani fossoyeur du quotidien Le Monde et dirigeant de Slate à Paris : « un staff néolibéral occidental est né, qui promeut une logique ultralibérale sans avoir à présent besoin de consignes du centre US. Ainsi en a‑t-il été de l’Empire romain, qui a peu à peu ouvert son centre décisionnel aux élites des marges précédemment conquises ».
L’auteur se fait une gourmandise de relever les moments où certains journalistes vendent la mèche comme à la suite du vote britannique du Brexit. Sur BFMTV, la journaliste Roselyne Dubois, dépitée et sans doute emportée par son élan, lâche le morceau face à Nadine Morano, et nous livre cette perle : « Nous, médias, comme vous, élus, n’arrivons pas à faire passer l’idée que l’Europe apporte quelque chose ; il y a un vrai mea culpa à avoir ! » Comment le formatage de l’opinion remplace l’information…
Dans sa conclusion l’auteur insiste sur la dimension sociale (présente tout au long de l’ouvrage) de son propos : « Nous sommes très vraisemblablement face à une nouvelle mouture de la lutte des classes (menée contre les salariés par les classes dirigeantes) version mondialisée ».
Malgré la valeur de son travail hyper documenté et écrit d’une plume alerte, Pucciarelli à ce jour n’a pas trouvé d’éditeur. Comme le dit George Orwell « Plus une société s’éloigne de la vérité, plus elle hait ceux qui la disent ». Le livre d’Alain Pucciarelli est disponible en ligne ici.
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