Trouvent-ils leur inspiration en France avec la suppression récente de C8 de la télévision numérique terrestre ?
La coalition gauche-libérale menée par le premier ministre Donald Tusk, ancien président du Conseil européen, se sent en tout cas très proche de la France macronienne depuis l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Un traité d’amitié franco-polonais devrait même être signé prochainement à Nancy, ville où se trouve la sépulture de Stanislas Leszczynski, beau-père de Louis XV qui fut roi de Pologne avant de devenir duc de Lorraine.
L’élection présidentielle polonaise faussée
Toujours est-il que, après la Roumanie et la France, la Pologne est aujourd’hui candidate pour devenir le troisième pays européen où la démocratie libérale européiste pourrait renoncer à des élections présidentielles pleinement libres et démocratiques face à la montée des « populismes » souverainistes, et cela bien sûr avec la bénédiction de Bruxelles.
Des élections présidentielles auront lieu le mois prochain en Pologne, et après la suspension par le ministre des Finances de Donald Tusk de la subvention versée au principal parti d’opposition – le parti Droit et Justice (PiS) de Jarosław Kaczyński – voilà qu’un juge administratif ouvertement hostile à ce parti vient d’annuler la décision du Conseil national de la radio et de la télévision (KRRiT), l’Arcom polonais, d’accorder une place sur la TNT à deux chaînes d’information en continue à la ligne conservatrice pro-PiS : TV Republika et wPolsce24.
Il se trouve que TV Republika notamment, mais aussi dans une moindre mesure wPolsce24, a énormément bénéficié de la prise de contrôle spectaculaire des médias publics, par la force et dans le mépris le plus total de la loi, par le gouvernement de Donald Tusk quelques jours seulement après sa prise de fonctions, en décembre 2023. Tellement, même, que TV Republika, de petite chaîne sans grande importance est devenue en un peu plus d’un an la chaîne d’information en continue la plus regardée du pays, juste devant TVN24, chaîne libérale-progressiste massivement favorable à la coalition gaucho-libérale de Donald Tusk, et surtout très loin devant TVP Info, la chaîne d’information en continue du service public contrôlée par le gouvernement.
En juillet dernier, le KRRiT, qui n’était pas encore contrôlé par le régime gaucho-libéral de Donald Tusk (vu ses méthodes de « démocratie militante » revendiquées, l’appellation « régime » semble ici appropriée), a accordé une place sur la TNT à TV Republika, qui émettait auparavant sur le câble et le satellite, et à wPolsce24, qui jusqu’alors diffusait ses émissions uniquement sur Internet sous le nom de wPolsce.pl.
D’après ce qu’on peut lire sur le site de l’Observatoire de l’État de droit récemment réactivé par le think-tank juridique polonais Ordo Iuris, les critères de la décision du KRRiT étaient clairs et la décision prise par ce Conseil, qui a toute discrétion en la matière, était soutenue par un argumentaire détaillé. Mais on y lit aussi que « la juge [qui a pris le 9 avril la décision d’invalider la décision du KRRiT] a récemment soutenu publiquement les appels à des mesures radicales pour « restaurer l’État de droit », en ligne avec la rhétorique de la coalition dirigée par le Premier ministre Donald Tusk, qui gouverne le pays depuis décembre 2023 après huit années passées dans l’opposition ».
Voilà qui rappelle donc furieusement les décisions d’une justice engagée dans le cas roumain et français, même s’il ne s’agit pas ici d’interdire le principal candidat d’opposition, mais uniquement de le priver de télévisions « amies » après avoir privé le parti qui le soutient de fonds publics. Certes, un pourvoi en cassation des deux chaînes est encore possible, ce qui suspendrait leur exclusion de la TNT et empêcherait la décision de la juge du Tribunal administratif de voïvodie à Varsovie d’avoir un impact sur la campagne présidentielle en cours. En revanche, cela permettra prochainement à la coalition de Donald Tusk, si la décision est maintenue, de supprimer tout pluralisme à la télévision. Et si elle n’est pas maintenue, cette coalition ne reconnaît de toute façon que les verdicts de la Cour suprême (la cour de cassation polonaise) qui lui conviennent. Ainsi, par exemple, dans le cas de la subvention due au PiS, le gouvernement de Donald Tusk refuse obstinément d’appliquer la décision de la Cour suprême qui avait renversé le refus de la Commission électorale nationale d’accepter les comptes de campagne du PiS, et c’est parce qu’il conteste la légitimité de cette cour de cassation que le gouvernement de Tusk refuse toujours de verser sa subvention au PiS.
Il est donc hautement probable que les deux chaînes d’information en continue hostiles au gouvernement de Donald Tusk vont bientôt disparaître de la TNT en Pologne. Il n’y aura donc plus de télévisions conservatrices, souverainistes et anti-immigration de masse sur la TNT dans ce pays, et ce d’autant plus que le premier ministre polonais semble être parvenu à bloquer la vente du groupe TVN, propriétaire de TVN24, à un propriétaire qui risquerait d’en changer la ligne rédactionnelle. Et comme c’est le « camp du bien » qui est au pouvoir, Reporters sans frontières n’y trouvera probablement rien à redire et vous n’en entendrez même pas parler dans les grands médias français, contrairement à ce qui se passait à l’époque des gouvernements du PiS.
Précisons encore que, indépendamment de cette récente décision de la justice administrative à leur encontre, les caméras et journalistes de TV Republika et wPolsce24 se voient toujours barrer l’accès aux conférences de presse du premier ministre, en violation de la loi et de la Constitution.
Voir aussi : Pologne : un deux poids, deux mesures assumé par nos médias
Patrick Regalski