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Les libéraux polonais veulent exclure de la TNT les télévisions hostiles

17 avril 2025

Temps de lecture : 5 minutes
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Les libéraux polonais veulent exclure de la TNT les télévisions hostiles

Temps de lecture : 5 minutes

Trouvent-ils leur inspiration en France avec la suppression récente de C8 de la télévision numérique terrestre ?

La coali­tion gauche-libérale menée par le pre­mier min­istre Don­ald Tusk, ancien prési­dent du Con­seil européen, se sent en tout cas très proche de la France macroni­enne depuis l’élection de Don­ald Trump à la prési­dence des États-Unis. Un traité d’amitié fran­co-polon­ais devrait même être signé prochaine­ment à Nan­cy, ville où se trou­ve la sépul­ture de Stanis­las Leszczyn­s­ki, beau-père de Louis XV qui fut roi de Pologne avant de devenir duc de Lorraine.

L’élection présidentielle polonaise faussée

Tou­jours est-il que, après la Roumanie et la France, la Pologne est aujourd’hui can­di­date pour devenir le troisième pays européen où la démoc­ra­tie libérale européiste pour­rait renon­cer à des élec­tions prési­den­tielles pleine­ment libres et démoc­ra­tiques face à la mon­tée des « pop­ulismes » sou­verain­istes, et cela bien sûr avec la béné­dic­tion de Bruxelles.

Des élec­tions prési­den­tielles auront lieu le mois prochain en Pologne, et après la sus­pen­sion par le min­istre des Finances de Don­ald Tusk de la sub­ven­tion ver­sée au prin­ci­pal par­ti d’opposition – le par­ti Droit et Jus­tice (PiS) de Jarosław Kaczyńs­ki – voilà qu’un juge admin­is­tratif ouverte­ment hos­tile à ce par­ti vient d’annuler la déci­sion du Con­seil nation­al de la radio et de la télévi­sion (KRRiT), l’Arcom polon­ais, d’accorder une place sur la TNT à deux chaînes d’information en con­tin­ue à la ligne con­ser­va­trice pro-PiS : TV Repub­li­ka et wPolsce24.

Il se trou­ve que TV Repub­li­ka notam­ment, mais aus­si dans une moin­dre mesure wPolsce24, a énor­mé­ment béné­fi­cié de la prise de con­trôle spec­tac­u­laire des médias publics, par la force et dans le mépris le plus total de la loi, par le gou­verne­ment de Don­ald Tusk quelques jours seule­ment après sa prise de fonc­tions, en décem­bre 2023. Telle­ment, même, que TV Repub­li­ka, de petite chaîne sans grande impor­tance est dev­enue en un peu plus d’un an la chaîne d’information en con­tin­ue la plus regardée du pays, juste devant TVN24, chaîne libérale-pro­gres­siste mas­sive­ment favor­able à la coali­tion gau­cho-libérale de Don­ald Tusk, et surtout très loin devant TVP Info, la chaîne d’information en con­tin­ue du ser­vice pub­lic con­trôlée par le gouvernement.

En juil­let dernier, le KRRiT, qui n’était pas encore con­trôlé par le régime gau­cho-libéral de Don­ald Tusk (vu ses méth­odes de « démoc­ra­tie mil­i­tante » revendiquées, l’appellation « régime » sem­ble ici appro­priée), a accordé une place sur la TNT à TV Repub­li­ka, qui émet­tait aupar­a­vant sur le câble et le satel­lite, et à wPolsce24, qui jusqu’alors dif­fu­sait ses émis­sions unique­ment sur Inter­net sous le nom de wPolsce.pl.

D’après ce qu’on peut lire sur le site de l’Observatoire de l’État de droit récem­ment réac­tivé par le think-tank juridique polon­ais Ordo Iuris, les critères de la déci­sion du KRRiT étaient clairs et la déci­sion prise par ce Con­seil, qui a toute dis­cré­tion en la matière, était soutenue par un argu­men­taire détail­lé. Mais on y lit aus­si que « la juge [qui a pris le 9 avril la déci­sion d’invalider la déci­sion du KRRiT] a récem­ment soutenu publique­ment les appels à des mesures rad­i­cales pour « restau­r­er l’É­tat de droit », en ligne avec la rhé­torique de la coali­tion dirigée par le Pre­mier min­istre Don­ald Tusk, qui gou­verne le pays depuis décem­bre 2023 après huit années passées dans l’opposition ».

Voilà qui rap­pelle donc furieuse­ment les déci­sions d’une jus­tice engagée dans le cas roumain et français, même s’il ne s’agit pas ici d’interdire le prin­ci­pal can­di­dat d’opposition, mais unique­ment de le priv­er de télévi­sions « amies » après avoir privé le par­ti qui le sou­tient de fonds publics. Certes, un pour­voi en cas­sa­tion des deux chaînes est encore pos­si­ble, ce qui sus­pendrait leur exclu­sion de la TNT et empêcherait la déci­sion de la juge du Tri­bunal admin­is­tratif de voïvodie à Varso­vie d’avoir un impact sur la cam­pagne prési­den­tielle en cours. En revanche, cela per­me­t­tra prochaine­ment à la coali­tion de Don­ald Tusk, si la déci­sion est main­tenue, de sup­primer tout plu­ral­isme à la télévi­sion. Et si elle n’est pas main­tenue, cette coali­tion ne recon­naît de toute façon que les ver­dicts de la Cour suprême (la cour de cas­sa­tion polon­aise) qui lui con­vi­en­nent. Ain­si, par exem­ple, dans le cas de la sub­ven­tion due au PiS, le gou­verne­ment de Don­ald Tusk refuse obstiné­ment d’appliquer la déci­sion de la Cour suprême qui avait ren­ver­sé le refus de la Com­mis­sion élec­torale nationale d’accepter les comptes de cam­pagne du PiS, et c’est parce qu’il con­teste la légitim­ité de cette cour de cas­sa­tion que le gou­verne­ment de Tusk refuse tou­jours de vers­er sa sub­ven­tion au PiS.

Il est donc haute­ment prob­a­ble que les deux chaînes d’information en con­tin­ue hos­tiles au gou­verne­ment de Don­ald Tusk vont bien­tôt dis­paraître de la TNT en Pologne. Il n’y aura donc plus de télévi­sions con­ser­va­tri­ces, sou­verain­istes et anti-immi­gra­tion de masse sur la TNT dans ce pays, et ce d’autant plus que le pre­mier min­istre polon­ais sem­ble être par­venu à blo­quer la vente du groupe TVN, pro­prié­taire de TVN24, à un pro­prié­taire qui ris­querait d’en chang­er la ligne rédac­tion­nelle. Et comme c’est le « camp du bien » qui est au pou­voir, Reporters sans fron­tières n’y trou­vera prob­a­ble­ment rien à redire et vous n’en enten­drez même pas par­ler dans les grands médias français, con­traire­ment à ce qui se pas­sait à l’époque des gou­verne­ments du PiS.

Pré­cisons encore que, indépen­dam­ment de cette récente déci­sion de la jus­tice admin­is­tra­tive à leur encon­tre, les caméras et jour­nal­istes de TV Repub­li­ka et wPolsce24 se voient tou­jours bar­rer l’accès aux con­férences de presse du pre­mier min­istre, en vio­la­tion de la loi et de la Constitution.

Voir aus­si : Pologne : un deux poids, deux mesures assumé par nos médias

Patrick Regal­s­ki

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