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Les magnats de la presse se payent l’ESJ Paris

22 novembre 2024

Temps de lecture : 4 minutes
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Les magnats de la presse se payent l’ESJ Paris

Temps de lecture : 4 minutes

S’il fallait encore une preuve de la mainmise croissante des oligarques sur le système médiatique européen et français tout particulièrement, le rachat de l’École Supérieur de Journalisme de Paris par un « groupe d’investisseurs propriétaires de médias » serait certainement celle-ci. Plus ancienne école de journalisme au monde, fondée en 1899, l’ESJ Paris est en effet désormais la propriété d’un consortium composé notamment de la Financière Agache (propriété de Bernard Arnault, détenant Le Parisien et Les Échos), du groupe Bayard presse (La Croix, Phosphore), de Koodenvoi (Habert Dassault finance, propriétaire du Figaro), de Pierre Gattaz, ancien président du Medef, de La Compagnie de l’Odet (propriété de Vincent Bolloré, actionnaire de Canal plus et Prisma média) et de CMA Média propriété de Rodolphe Saadé (La Provence, BFM, RMC…).

Une école prestigieuse mais non reconnue par la profession

Actuelle­ment instal­lée rue de Tol­bi­ac, dans le XII­Ie arrondisse­ment, l’ESJ est née au sein de l’École des Hautes Etudes Sociales (EHES), fondée sur les cen­dres de l’affaire Drey­fus par un groupe d’u­ni­ver­si­taires parisiens libéraux et laïcs voulant créer une « uni­ver­sité du qua­trième pou­voir », béné­fi­ciant notam­ment du sou­tien du grand soci­o­logue Émile Durkheim. Au cours de sa longue his­toire, elle a for­mé un grand nom­bre de jour­nal­istes recon­nus, dont, par­mi les plu récents, Samuel Éti­enne, Audrey Pul­var, Patrick de Car­o­lis ou encore l’iconoclaste Frédéric Tad­deï.

La certification professionnelle en ligne de mire

Les nou­veaux pro­prié­taires de l’établissement affir­ment vouloir faire franchir une nou­velle étape à l’école en en faisant « un haut lieu de l’ex­cel­lence jour­nal­is­tique, un cen­tre de for­ma­tion de référence où se dessi­nent les con­tours du jour­nal­isme de demain ». Dans cette optique, l’école aurait doré­na­vant pour ambi­tion d’obtenir un titre RNCP (Réper­toire nation­al des cer­ti­fi­ca­tions pro­fes­sion­nelles), et d’intégrer le club très fer­mé des écoles de jour­nal­isme recon­nues par la pro­fes­sion, aujourd’hui au nom­bre de 14.

Pour men­er à bien cette mis­sion, c’est Elhame Med­ja­hed, actuelle direc­trice péd­a­gogique qui a été nom­mée à la direc­tion (avant un pos­si­ble change­ment en jan­vi­er prochain) et la prési­dence, elle, a été con­fiée à Vian­ney d’Alançon, entre­pre­neur de 38 ans au pro­fil « con­ser­va­teur », notam­ment con­nu pour avoir un parc à thème sur la Provence, le Rocher Mis­tral, inau­guré en 2021.

La gauche inquiète pour son monopole idéologique

L’annonce de ce rachat a sus­cité un très vif émoi dans le petit monde des écoles de jour­nal­isme et au sein de la gauche qui voit dans cette opéra­tion une intolérable « incur­sion libérale-con­ser­va­trice » sur le ter­rain de sa chas­se gardée qu’est la for­ma­tion des futures « élites journalistiques ».

« L’ESJ Paris va-t-elle devenir la Bol­loré School of Jour­nal­ism ? La reprise de cette école de jour­nal­isme par un con­sor­tium de pro­prié­taires de médias nous inquiète. Nous aler­tons sur le risque de for­matage con­ser­va­teur, et favor­able aux intérêts des puis­sants. » s’est ain­si immé­di­ate­ment inquiété la branche Jour­nal­istes du syn­di­cat CFDT sur X (ex-Twit­ter). Il ne faudrait en effet surtout pas que, avec une école sur plusieurs dizaines en France, le « for­matage libéral-con­ser­va­teur » vienne un tant soit peu écorner le « for­matage libéral-lib­er­taire » rég­nant con­fort­able­ment depuis des lus­tres sur l’ensemble de ce paysage universitaire.

Les indicateurs de police angoissés

Même angoisse du côté des antifas indi­ca­teurs de police de Street­Press, par la voix de la jour­nal­iste Daph­né Deschamps qui s’est scan­dal­isée sur les réseaux soci­aux en déclarant, apparem­ment sans rire :

« Per­son­ne ne se rend compte du degré de folie de cette annonce. L’indépendance des écoles, c’est un des rares rem­parts qui restent dans notre pro­fes­sion qua­si com­plète­ment aux mains des mil­liar­daires et de leur ingérence ».

Par ailleurs, selon Medi­a­part, les étu­di­ant de plusieurs écoles « recon­nues » (par la pro­fes­sion), dont le CUEJ, le CFJ et l’ESJ Lille, envis­ageraient de « réa­gir col­lec­tive­ment » pour dénon­cer le rachat de l’ESJ Paris, au nom, bien enten­du, de la défense de la « plu­ral­ité de l’information » et de « l’indépendance des journalistes ».

Une brochure OJIM sur le formatage des écoles de journalisme

Un pro­jet qui ne manque pas de sel ni d’humour involon­taire lorsque l’on con­naît le degré de con­formisme et d’homogénéité idéologique de ces écoles qui con­stituent un véri­ta­ble réseau de « for­matage » poli­tique et moral, notam­ment étudié et décryp­té par Xavier Eman dans un opus récem­ment pub­lié par les édi­tions de la Nou­velle Librairie dans la col­lec­tion Dés­in­tox de l’OJIM.

En vente sur le site de la Nou­velle Librairie ou envoyé à tous nos dona­teurs à par­tir de 50 €

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