Rediffusion. Première diffusion le 10 juillet 2018
Le moins qu’on puisse dire, c’est que les « mâles blancs » n’ont pas bonne presse ces derniers temps. Sans parler de la dénomination désormais utilisée sans complexe (oserait-on évoquer les « femelles noires »), il devient courant dans certains milieux de fustiger ceux qui composent encore une large part de la population française. De quoi cette stigmatisation est-elle le nom et quel en est le traitement par les médias ? Il nous a paru important d’en faire une revue de presse.
Quelques précédents très médiatiques
En précurseur, avant qu’elle ne soit débarquée avec perte et fracas, la Présidente d’Areva affirmait en 2009 qu’« à compétences égales, eh bien désolée, on choisira la femme ou on choisira la personne venant de… autre chose que le mâle blanc, pour être clair ».
En septembre 2015, la Présidente de France Télévisions Delphine Ernotte estimait qu’ « on a une télévision d’hommes blancs de plus de 50 ans et ça, il va falloir que ça change ».
En février 2017, le candidat à l’élection présidentielle E. Macron faisait le constat au magazine Causette que « la société politique, elle est mâle. Ce sont des mâles blancs de plus de 50 ans. »
En mars 2018, le désormais Président de la République souhaitait au Collège de France, dans un discours sur l’intelligence artificielle, que les acteurs de ce secteur ne soient pas tous des « mâles blancs quadragénaires formés dans les universités européennes ou américaines ».
Plus près de nous, le 22 mai, le Président Macron pointait selon France Info « sans le nommer explicitement un rapport (sur les banlieues NDLR) remis par l’ancien ministre Jean-Louis Borloo » : « Que deux mâles blancs ne vivant pas dans ces quartiers s’échangent l’un un rapport, l’autre disant on m’a remis un plan, je l’ai découvert … Ce n’est pas vrai. Cela ne marche plus comme ça ».
RT Actu nous relate que le 4 juin, lors de la présentation de ses propositions pour « transformer l’audiovisuel public », la ministre française de la Culture a affirmé à l’adresse de Delphine Ernotte :
« Delphine, tu as dû te sentir bien seule lorsque tu portais un constat à la fois évident et courageux. “L’homme blanc de plus de 50 ans”, vous vous en souvenez. Tu n’es plus seule. Je porterai cette exigence avec autant de passion qu’au sein de mon ministère. Je n’aurai pas de tabou ».
Quelles ont été les réactions des médias aux propos du Président de la République concernant les « mâles blancs » incapables de résoudre les problèmes de la banlieue ?
Les réactions vont du constat et de l’explicitation à la dénonciation :
Parmi les médias qui ne s’offusquent pas du discours racialiste du Président de la République, on trouve la rubrique Désintox co produite par Arte et le journal Libération. Les journalistes de la chaine publique ne s’intéressent qu’à la paternité de l’expression « mâle blanc ». Celle-ci ne serait pas un vocable exclusif des Indigènes de la République, un mouvement dont Thomas Guénolé, un politologue proche de la France Insoumise, a accusé son leader d’être « raciste, misogyne et homophobe ». Le terme aurait pour origine les travaux sur le « privilège blanc » de l’universitaire Peggy Mac Intosh.
Le Huffpost indique de façon factuelle qu’« en huit ans, le discours de Macron sur les “mâles blancs” a bien changé : « En 2010, le futur président refusait de s’excuser d’être un jeune mâle blanc diplômé ».
Pour L’Humanité, le message du Président, c’est « un mâle blanc qui décide de tout mais se lave les mains en signifiant à des millions de citoyens qu’ils n’ont qu’à régler « leurs » problèmes eux-mêmes ». Le constat est social. Par contre, pas un mot sur les mâles blancs implicitement accusés d’incompétence. Même analyse dans une tribune publiée par Le Monde : « L’expression “mâles blancs” envoie aux banlieues le message que la République les abandonne ».
Ouest-France s’en tient au fait que « Macron ironise sur “deux mâles blancs” qui s’échangent un plan ». Europe 1, comme de nombreux autres organes d’informations, se limite à faire état « des critiques à droite et à l’extrême droite » au sujet de l’emploi de l’expression “mâles blancs” par le Président de la République.
Les analyses critiques
Les critiques du terme « mâle blanc » se trouvent essentiellement dans la presse d’opinion de droite, à l’exception notable d’une tribune d’un universitaire dans l’Obs. Celui-ci estime que « l’expression catégorise. Autant dire qu’elle caricature. Elle oppose les personnes de manière radicale et tranchée, sur la base d’un seul critère, physique de surcroît : la peau. Retour aux exclusions d’un autre temps. Ceux qui considèrent que cette distinction justifie et rend légitime un droit différentiel à prendre la parole oublient un peu vite qu’elle s’enracine dans le manichéisme sommaire des théories racistes du XIXe siècle ».
Sophie Coignard s’exprime dans Le Point : « Mâle blanc : voilà le président qui semble glisser sur la pente savonneuse du communautarisme sans corde de rappel. Car l’expression qu’il utilise emprunte au vocabulaire choisi par les chantres du séparatisme ethnique et autres organisateurs d’assemblées non mixtes ou interdites aux Blancs ».
Gilles William Goldnadel dans une tribune du Figaro affirme : « Il ne serait pas arrivé au cerveau du Président d’évoquer la couleur d’un Français blanc pour le complimenter, par exemple, pour un exploit sportif. Mais pour dénier à deux hommes blancs la compétence à statuer sur les banlieues, la chose était possible sans commettre une transgression médiatiquement, intellectuellement et politiquement insupportable ».
Barbara Lefebvre signe une tribune dans Valeurs actuelles du 31 mai : « L’élément de langage “racisé” du Président de la République indique l’horizon d’action de sa politique (du Président NDLR). Il nous dit que la France doit opter pour le tribalisme racialiste car ici ou là la sécession est actée ».
Causeur résume le buzz médiatique au fait que « les propos de Macron sur les “mâles blancs”, la presse de gauche n’en parle plus à l’exception peut-être de Marianne ». Le journaliste conclut au sujet de l’expression contestée : « Même inversé, le racisme reste pourtant du racisme ».
À lire
50 raisons de se sentir coupables
En poussant plus avant les recherches sur l’origine du terme « mâle blanc », une de ses inspiratrices, l’universitaire Peggy Mac Intosh, nous invite à une démarche en profondeur de contrition et de culpabilité. La créatrice du concept de « privilège blanc » propose pas moins de 50 examens de situations de la vie quotidienne où le Blanc peut (doit ?) ressentir ses privilèges indus. Nul doute que cet exercice de contrition bénéficie à la société dans son ensemble. Et qu’il aboutisse à amender nos comportements hautement mais inconsciemment fautifs.
Hormis les médias d’opinion catalogués à droite, l’emploi du terme de « mâle blanc » a suscité peu d’émoi dans les journaux et chaines d’information généralistes. On en oublierait presque l’essentiel : ce qui pointe dans ce novlangue est la stigmatisation, voire l’éviction d’individus – journalistes, professionnels – non parce qu’incompétents mais parce que Blancs. Pour paraphraser Barbara Lefebvre, on savait depuis Aristote que « l’homme est un animal politique ». À en juger l’absence de réactions de la société civile et de nombreux médias, on comprend maintenant que la France est un zoo.
À signaler dans ce contexte l’action en justice d’un collectif contre les propos de la Ministre de la Culture en soutien à la Présidente de France Télévisions. Nous conclurons sur une citation du philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein. « Les frontières de mon langage sont les frontières de mon monde ». C’était il y a un siècle, mais n’est-ce pas d’actualité ?