L’essayiste et poète Matthieu Baumier vient de faire paraître un remarqué Voyage au bout des ruines libérales libertaires (Pierre Guillaume de Roux éd.). Nous lui avons posé quatre questions sur les médias.
OJIM : Vous opposez la « vraie vie » d’un côté et ce que vous appelez « l’information contemporaine » de l’autre, comment voyez vous cette opposition ?
Le monde de « l’information contemporaine » est à la fois très éloigné de la vraie vie, du monde réel et des vrais gens. C’est un monde idéologique que l’on peut traduire par le terme de « libéral-libertaire ». Une idéologie qui s’inscrit dans une espèce de religion de l’illimité, du déracinement, et même du refus de toute forme de racines ou de critères de civilisation, du primat de l’individu, de l’apologie de la société ouverte, de la volonté d’une satisfaction immédiate du moindre désir individuel, du culte de la migration… Les libéraux-libertaires sont les tenants actifs de cette idéologie au pouvoir. On les trouve dans tous les rouages décisionnels de notre société : politique, économique, culturel ou encore médiatiques.
Dans ce dernier cas, l’immense majorité des médias véhicule une idéologie, un mode de pensée et une conception du monde unique, ou peu s’en faut, en tout cas des valeurs communes qu’il n’est pas de bon ton de mettre en doute. Au sein des médias, près de 90 % des journalistes votent pour ce qu’ils pensent être la gauche, partis socio-libéraux ou libéraux-socio, partis de gauche de la gauche, au premier tour des élections, avant de voter contre, au deuxième tour, une prétendue extrême-droite elle-même construite par l’idéologie libérale-libertaire. C’est un monde clos qui exclut tout ce qui voit le monde autrement : l’opposition se situe là. Cette « information contemporaine » parle de son propre monde et, pire, du monde qu’elle voudrait être le réel. Si ce réel ne lui convient pas, elle en invente un autre. Son problème est que le réel, cela résiste. Dans le réel, il y a de vrais gens et de vrais pays, des éléments charnels. Un enracinement, la vérité de la terre.
Vous citez quatre figures qui manquent Debord, Baudrillard, Bernanos et Heidegger, comment s’opposent-elles à la Modernité ?
Aussi différents qu’ils paraissent de prime abord, ces quatre penseurs essentiels ont des points communs dont celui, en effet, de penser contre ou face à la modernité issue de la conception du monde de la Révolution française, pour le dire rapidement. Le monde du « On », l’arraisonnement, le simulacre, le spectacle, l’âme contre les robots… autant de manières de réfuter le monde déréalisé dans lequel nous sommes plongés. Ce qui est passionnant c’est que ces penseurs ont non seulement pensé mais aussi annoncé ce monde déréalisé dans lequel nous sommes plongés.
Comment les médias réalisent ils ce que vous appelez « la déréalisation de nos vies » ?
La déréalisation de nos vies est un processus à l’œuvre qui ne concerne pas uniquement le numérique. Ce dernier n’en est du reste pas une cause mais plutôt une conséquence en même temps qu’une accentuation. Nos vies se déréalisent depuis que nous vivons dans une image du monde qui se prétend être le monde, ce faux qui est devenu un moment du vrai dont parlait Guy Debord. De ce point de vue, la manière dont l’homme du monde riche est actuellement construit, dès son éducation, en rupture avec le caractère sacré de la vie est un révélateur : cette construction est produite en dehors du réel, et plonge cet homme dans l’image d’un monde non sacré, je n’ai pas dit non religieux, qui n’est pas le vrai monde.
Pour important qu’il soit, cet exemple n’en est qu’un parmi d’autres. De façon plus concrète, la déréalisation est quotidienne dans les médias officiels : ces derniers n’informent pas, ou peu, se contentant de produire du contenu répétant en permanence la même conception du monde, ce que votre média d’ailleurs remarque sans arrêt. D’un certain point de vue, les médias des pays riches sont en premier lieu un outil de propagande en faveur de l’idéologie et du pouvoir libéraux libertaires.
Vous parlez du Grand mensonge généralisé des médias de grand chemin, pouvez vous nous donner quelques exemples ?
Les exemples en sont si nombreux et si quotidiens… Il n’est pas besoin de chercher de petites « fake news », cette dernière est la norme officielle. Depuis le mensonge par omission, quand ces médias ne relèvent pas combien il est incongru de mettre en place une commission de lutte contre les violences de l’extrême-droite dans un contexte où l’essentiel des violences sont imputables à l’ultragauche, un exemple récent avec le silence complet qui a entouré l’agression de La Nouvelle Librairie le 9 février dernier… en passant par le mensonge par propagande, ainsi en attribuant sans cesse le qualificatif d’extrême-droite à des gens qui sont simplement conservateurs et de droite, je pense par exemple à l’école de Marion Maréchal à Lyon, à la revue L’Incorrect, ou même à des médias difficilement identifiables au concept usuel de « droite », comme la revue Éléments en sa forme actuelle… Dans ce cas-là, c’est l’inculture qui prime. Et cela va jusqu’au mensonge le plus éhonté et jamais revisité une fois celui avéré.
Dans ces médias, l’on ment et l’on passe à autre chose. Pourquoi aucun de ces médias ne mène-t-il plus d’enquête sur ce Théo, prétendument agressé par la police et visité par l’ancien président Hollande sur son lit d’hôpital ? Où est passée Françoise Nyssen ? Pourquoi ces médias ne ressortent-ils pas ce qui a été dit et écrit en 2012 ou 2013 au sujet de La Manif Pour Tous, de la PMA/GPA et des « parents 1 et parents 2 », ou du Monde au Inrocks en passant par Libé ou Europe 1, France Inter etc, chacun accusait LMPT de délirer, que jamais une loi instaurant une parentalité 1 et 2 ne verrait le jour… Reste que le délire est devenu réalité… Tout comme réapparaît à chaque élection ce délire du retour du Mal en France… Mais bon, au fond, il suffit de lire quotidiennement l’OJIM, entre autres, ou d’écouter des médias différents, comme TVLIbertés, pour voir sans arrêt des exemples de ce mensonge !
Matthieu Baumier signera son livre le jeudi 21 février entre 18h et 20h à La Nouvelle Librairie, 11 rue Médicis 75006 Paris.
Matthieu Baumier, Voyage au bout des ruines libérales libertaires, Pierre Guillaume de Roux, 2019, 226p, 17 €