En Pologne, la gauche libérale pro-UE gouverne depuis maintenant 11 mois en prétendant rétablir la démocratie et l’État de droit après 8 années de gouvernements conservateurs. Pourtant, au lieu de favoriser le pluralisme médiatique que l’on croyait être une composante essentielle de toute démocratie libérale, le gouvernement de l’Européen Donald Tusk fait tout le contraire : il exclut les médias d’opposition de ses conférences de presse en faisant fi des décisions de justice et des appels de l’autorité des médias, et, après avoir pris brutalement le contrôle des médias publics dix jours seulement après son investiture le 13 décembre 2023, le voilà maintenant qui semble exercer de très fortes pression pour mettre au pas l’un des deux grands groupes privés de télévision, Polsat.
Polsat, les nouvelles les plus crédibles de Pologne
Non pas que le groupe Polsat soit à proprement parler une télévision d’opposition ou même une télévision conservatrice, mais au contraire de la télévision publique (groupe TVP) et des chaînes du groupe TVN (propriété de Warner Bros. Discovery), Polsat, dans ses émissions d’information et de débats, ne se fait pas le simple relais du narratif du gouvernement, préférant rechercher une ligne éditoriale plus ou moins équilibrée et donner la parole aussi bien au camp gouvernemental qu’à l’opposition. L’annonce du service d’information du soir sur Polsat commence toujours par les paroles : « Les nouvelles les plus crédibles de Pologne ». Et vu la taille du groupe Polsat, ce n’est pas le genre de média que le premier ministre Donald Tusk peut se permettre d’exclure de ses conférences de presse.
Les médias d’opposition mis au coin
Cette habitude très peu démocratique d’exclure les médias d’opposition des conférences de presse du premier ministre de la Pologne est une nouveauté introduite par ce gouvernement ouvertement soutenu par Bruxelles (qui a subitement débloqué tous les fonds européens avec l’arrivée du nouveau gouvernement) et cela affecte désormais la chaîne d’information en continu TV Republika (la deuxième chaîne d’information en continu la plus regardée, après TVN24 et devant Polsat News et TVP Info) et sa nouvelle consœur wPolsce24, qui a démarré en septembre, mais aussi, depuis peu, l’hebdomadaire du célèbre syndicat Solidarité, Tygodnik Solidarność, également propriétaire du site d’information et d’opinion tysol.pl qui a eu un temps sa déclinaison en langue française, tysol.fr (rapidement fermée sous la pression des syndicats français qui ne supportaient pas sa ligne éditoriale jugée trop à droite).
Tusk pris en flagrant déni de mensonge, sanction immédiate pour la journaliste
Ce qui est arrivé à la journaliste de Tygodnik Solidarność est caractéristique de l’attitude actuelle de ces libéraux qui, pendant 8 ans, avaient protesté, entre autres choses, contre les attaques supposées des conservateurs contre la liberté des médias et contre le pluralisme médiatique), et ce alors que les médias hostiles aux gouvernements du PiS n’ont jamais cessé de dominer en Pologne.
Le 7 novembre, la journaliste Monika Rutke de Tygodnik Solidarność a demandé au premier ministre polonais comment il entrevoyait ses futures relations avec Donald Trump dont il avait publiquement dit, pendant sa campagne électorale, qu’il était un agent russe et que les services américains en avaient la preuve (ce qui était totalement faux). Comme il bottait en touche, la journaliste a répété sa question, et Donald Tusk a alors répondu qu’il n’avait jamais proféré telle chose. Mais la vidéo de Donald Tusk affirmant exactement cela a alors immédiatement fait le buzz sur les médias sociaux, en conséquence de quoi la journaliste a reçu le jour-même un courriel du cabinet du premier ministre l’informant qu’elle ne serait désormais plus invitée aux conférences de presse.
L’Arcom polonaise proteste, mais en vain
L’autorité des médias, le KRRiT (équivalent de notre Arcom), a une nouvelle fois protesté contre cette sélection des médias autorisés à assister aux conférences de presse du premier ministre et ancien président du Conseil Européen Donald Tusk. Une sélection contraire à la loi polonaise et même au droit à l’information inscrit dans la constitution du pays. Le communiqué du KRRiT, publié le 8 novembre, indique que « Les organisateurs des conférences de presse du Premier ministre Donald Tusk empêchent certains journalistes d’exercer leurs fonctions en bloquant l’accès aux conférences et en rendant difficile le fait de poser des questions. En limitant le droit des journalistes à l’information publique et à la critique, et en entravant l’accès des citoyens à des informations fiables et véridiques, ils violent à la fois la Constitution polonaise et la loi sur la presse. » Précisons ici que le gouvernement de Tusk ne cache pas sa volonté de traduire le président du KRRiT devant le Tribunal d’État qui est l’instance chargée de juger les ministres et certains hauts fonctionnaires en cas de faits particulièrement graves dans l’exercice de leurs fonctions, mais dont les membres sont nommés par la Diète (la chambre basse du parlement polonais).
Une société privée de téléphonie en ligne de mire
En ce qui concerne le groupe Polsat, la ligne d’attaque est différente. La politique du cordon sanitaire n’est pas possible, et le milliardaire propriétaire de ce groupe, le Polonais Zygmunt Solorz, a toujours veillé à son indépendance tout en cherchant à conserver de bonnes relations avec le pouvoir en place, quel qu’il soit. Le groupe Polsat, c’est plusieurs chaînes de télévision, dont la chaîne d’information en continu Polsat News, une plateforme de télévision par satellite (Cyfrowy Polsat) et un des quatre grands opérateurs de téléphonie mobile en Pologne, la compagnie Polkomtel qui opère sous la marque Plus. Les libéraux aujourd’hui au pouvoir semblent mal supporter le fait que Polsat n’était pas ouvertement hostile au PiS comme l’était TVN dans les années 2015–2023, quand Donald Tusk et ses amis étaient dans l’opposition, et qu’il ne l’est pas non plus devenu avec le changement de gouvernement.
Les premiers signes de pressions exercées sur ce groupe sont venus d’articles publiés dans la presse amie du gouvernement, avec le journal Gazeta Wyborcza qui s’est mis, à la fin du mois de septembre, à relater le conflit entre Zygmunt Solorz et ses fils (perçus comme proches des libéraux), qu’il a finalement exclus du conseil de surveillance de ses sociétés. Après cette exclusion survenue à la fin du mois de septembre, Gazeta Wyborcza titrait par exemple : « Les enfants de Solorz espèrent que le gouvernement va les aider. Parce que leur père a marché sur les plates-bandes d’un proche collaborateur de Tusk ». Et les articles de ce journal contenaient des appels ouverts à une intervention du gouvernement dans les affaires de ce groupe privé.
« Puisque les choses vont si mal, le gouvernement de Donald Tusk doit intervenir », écrivait ainsi ce journal le 4 octobre. « La faction anti-PiS compte sur le gouvernement – elle parie que lorsqu’un signal fort sera envoyé pour montrer que ce sont les enfants [de Zygmunt Solorz] qui ont de bonnes relations avec les autorités, cela ne passera pas inaperçu sur l’état des intérêts de Cyfrowy Polsat et d’autres sociétés, et donc sur les décisions en matière de propriété. Et elle a des arguments qui devraient encourager le gouvernement à envoyer un tel signal. Après tout, le pouvoir sait – c’est un raisonnement que l’on peut soupçonner – que Cyfrowy Polsat est un point très important sur la carte économique et politique de la Pologne. »
Ont suivi des informations sur l’endettement des sociétés du groupe et la fuite d’un enregistrement où le milliardaire, âgé de 68 ans, semble s’exprimer avec difficulté. Une campagne médiatique qui peut paraître orchestrée et qui n’a pas manqué de faire chuter les actions du groupe. Et le 7 novembre, les médias polonais informaient d’une fouille du siège de Polsat par les agents de l’office centrale de lutte contre la corruption (CBA), sur ordre du parquet, pour saisir les contrats signés entre Polsat et la télévision publique sous le gouvernement précédent. Or le parquet polonais est désormais sous le contrôle direct du gouvernement de Donald Tusk depuis que le ministre de la Justice a changé le procureur national en janvier dernier en se passant de l’accord du président de la République pourtant requis par la loi.
Ce n’est en effet pas uniquement dans le domaine des médias que le rétablissement de la démocratie et de l’État de droit par les libéraux européistes passe visiblement par la violation des lois et de la Constitution. C’est même revendiqué par Donald Tusk lui-même qui s’est justifié le 10 septembre dernier lors d’une conférence au Sénat polonais en se référant au concept de « démocratie militante ». Un concept développé dans les années 1930 en réponse à l’arrivée au pouvoir des nazis en Allemagne par des moyens démocratiques.
Cette situation semble plaire aux médias de grand chemin français qui ont cessé de s’intéresser à la démocratie et à l’État de droit en Pologne avec l’arrivée au pouvoir du « Camp du Bien », c’est-à-dire de la gauche libérale libertaire LGBT-iste et européiste.
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