Depuis le temps qu’on en parlait, on commençait à douter de leur existence. L’Express les a rencontrés. Dans son numéro paru le 28 février, l’hebdomadaire consacre un dossier aux « petits blancs ». Nous avons voulu en savoir plus.
Le petit blanc, c’est à l’origine « un non diplômé qui ne vit pas dans les métropoles ni dans les quartiers et qui n’est pas issu de l’immigration récente ». Désormais, l’inquiétude de ces Français de souche s’étend à la périphérie des villes. Partant du constat de l’avènement du multiculturalisme en France, chacun étant renvoyé à son appartenance, L’Express estime que le « petit blanc » se revendique désormais comme tel. Les différents articles et reportages du dossier de l’hebdomadaire nous aident à mieux le connaitre.
Le petit blanc n’est pas favorable à l’immigration
C’est pour l’Express un « exutoire facile », l’étranger « suscite tous les fantasmes ». A ce niveau de généralités et de critiques gratuites, on se dit que ce dossier ne va pas nous aider à connaitre ce que pense le petit blanc, et surtout pourquoi il le pense. Il faut arriver à la lecture de l’article sur « les peurs populaires à Caen » pour connaitre un argument d’un petit blanc contre l’immigration : « L’Union européenne paie la France pour qu’elle prenne des réfugiés », « tout le monde le sait », affirme le petit blanc. Tout le monde, mais pas le journaliste de l’Express. Dommage qu’il n’ait pas poussé plus avant ses recherches : les subventions versées par l’Union européenne aux pays européens pour l’accueil des migrants ne sont pas un fantasme, mais une réalité depuis plusieurs années. Comme on peut le constater sur le site du Ministère de l’intérieur, ce dispositif créé en 2000 est toujours en vigueur à l’heure actuelle.
Le petit blanc n’est pas d’accord pour qu’on laisse entrer en France des migrants : « (le migrant) menace parce qu’il n’est pas comme nous ». Cette explication, ce n’est pas le petit blanc qui la donne, c’est le journaliste de l’Express. Le journaliste de l’Express considère peut-être que refuser d’accueillir des migrants dans des territoires rongés par le chômage ne relève pas d’un argument rationnel mais d’un fantasme et du rejet de l’autre.
Le petit blanc n’aime pas l’assistanat
Il s’énerve « contre ceux qui ne travaillent pas et à qui l’on donne tout ». Le petit blanc, qui « déborde d’amertume », ne devrait peut-être pas trouver choquant que le travail ne donne parfois pas beaucoup plus de moyens que l’assistance, comme le confirmait récemment un économiste de l’OFCE.
L’Express nous montre une solution trouvée par un maire face à la « colère protéiforme » : le dispositif « Territoires zéro chômeurs ». Il fallait y penser : créer des emplois subventionnés pour les offrir à des chômeurs de longue durée. Un vieux rêve communiste. Ne cherchez pas des informations sur le coût de cette mesure et la viabilité de sa généralisation, l’Express n’en dit pas un mot.
Le petit blanc ne s’informe pas, il se désinforme
La preuve : il ne s’informe pas sur les médias de grand chemin, il regarde la chaine « La France libre » animée par G.W. Goldnadel et A. Bercoff, TV Libertés « une vision d’extrême droite de l’actualité », qui se moque du pouvoir et des médias avec un « ton souvent lourd ». Il regarde aussi RT France, « le média pro Kremlin ».
Sur le web, « la plupart se contentent de partager des contenus sans toutefois être regardants sur leur origine, alors qu’ils sont parfois issus de la sphère d’extrême droite ou soralienne ».
Le petit blanc ne peut pas faire des choix éclairé : il est forcément manipulé. Il est sous l’influence de « l’algorithme des pauvres gens » nous apprend un enseignant chercheur.
Dans plusieurs des articles de ce dossier, le vocabulaire utilisé pour parler des « petits blancs » est dans un registre misérabiliste : ils sont« désemparés », ils « se vivent comme assiégés et mal aimés », ils s’accrochent « à un mythe, à une terre, à une identité qui rassure. Quitte à basculer dans la haine ». « La rancœur grandit ».
En creux se dessine la figure d’un français en proie à des peurs et des émotions irrationnelles. Les convictions du petit blanc ne peuvent être qu’erronées puisqu’il ne sait pas s’informer. Pour légitimer ce portait souvent condescendant et surplombant, des universitaires et des écrivains sont appelés à la rescousse.
On pense aux analyses du géographe Christophe Guilluy : « l’affaire est entendue, le nouveau clivage opposerait les tenants de la société ouverte au camp du repli. Dans un camp les modernes, ceux qui ont compris le sens de l’histoire, ceux qui respectent l’autre, le monde, et de l’autre les classes populaires, les peu qualifiés, les esprits faibles, les non diplômés ».
Tous les articles ne sont pas aussi caricaturaux dans ce dossier. Un article consacré à « Bordeaux, place forte des gilets jaunes » montre — cartes à l’appui — une corrélation géographique entre un vote important pour le Rassemblement national et la localisation des manifestations des gilets jaunes en périphérie bordelaise. Là où le renchérissement des prix de l’immobilier a relégué « les catégories les plus populaires ». Comme pour confirmer bien involontairement l’analyse de Christophe Guilluy sur « la France périphérique », l’article se conclut sur « La colère gronde en périphérie ».
S’il y avait un réel intérêt à présenter la France d’en bas, « boutée hors des nouvelles citadelles que sont devenues les métropoles », pour reprendre les termes de C. Guilluy, à trop forcer le trait, L’Express est plus proche de la caricature du « petit blanc » que du portrait.