Le club de réflexion proche du PS Terra Nova vient de rendre une étude qui propose des pistes pour convertir l’audiovisuel public au tournant du numérique. Le cercle de réflexion était resté longtemps méconnu du grand public, avant de faire la Une en 2011 en proposant à la gauche d’abandonner la classe ouvrière pour parler en priorité aux femmes, aux jeunes diplômés, aux minorités et aux habitants des grands ensembles urbains, ce qui n’avait pas manqué de faire débat même au sein de la gauche française, qui n’a jamais renié ses origines socialistes et ouvriéristes.
(…) Première partie accessible ici.
Une organisation thématique des contenus non dénuée de volontés idéologiques
Ensuite, ils souhaitent « la structuration des contenus autour d’offres thématiques (ou verticales ) communes, consacrées à l’information, à la culture du spectacle vivant, à l’éducation » et le regroupement des offres de podcast, de vidéo à la demande, de rediffusion. Pour « surmonter les inerties et les blocages qui empêchent aujourd’hui en pratique toute collaboration spontanée » ils demandent que cette mission soit menée soit par France Télévision Éditions Numériques, soit par l’INA, car les deux entités ont une taille critique.
Première thématique dont les auteurs proposent la mise en avant : l’information, « sous une marque puissante et si possible déjà bien installée ». Ils ne proposent pas de solution – de peur peut-être de prendre parti dans la guerre d’égos entre les diverses structures d’information publiques dont l’extrême fragmentation se fait jour même sur le secteur plutôt confidentiel de l’information parlementaire.
Le rapport propose aussi le regroupement des offres sur trois autres thématiques. La première est la culture et le spectacle vivant, dont l’énumération des divers acteurs montre clairement que le chantier est important : « Arte Concerts, CultureBox, les sites de France Inter, France Culture et France Musiques, dont l’audience n’est pas à la hauteur de la qualité des services offerts »… et donc des dépenses consenties, pourrait-on lire entre les lignes. La seconde, sans surprise, est liée aux vidéos à la demande et à la TV de rattrapage.
La troisième ébauche des « offres spécifiquement adressées aux jeunes adultes (…) qui transcenderaient les frontières entre médias historiques, dans lesquels cette partie de la population se reconnaît de fait de moins en moins et qu’elle consomme très peu ». Derrière l’expression grandiloquente « enjeu du service public » et l’inévitable rappel des attentats contre Charlie Hebdo qui apporte tout de suite le consensus politique se distingue sans peine l’enjeu idéologique : cette population échappe un peu plus au bourrage des crânes par l’audiovisuel public – et donc par voie de conséquence à l’engagement citoyen et électoral, ce qui est vu comme un grave problème qu’il convient de régler.
Pour arbitrer entre l’INA et France Télévisions, le rapport s’en remet à l’État
La troisième partie esquisse les pistes pour parvenir à la création de cette infrastructure commune. Bien que les rapporteurs pointent « l’inertie » des divers acteurs de l’audiovisuel public et « les étapes de réorganisation très longues à digérer » chez France Télévisions et RFI, les sujets qui fâchent – comme le coût exorbitant desdites restructurations et ses résultats plus que limités, même si le rapport final du CSA est bien moins sévère que le pré-rapport qui a fuité. Sans compter les tensions sociales récurrentes, un sujet qui reste sensible pour la gauche au pouvoir, même si les auteurs de l’étude font partie de cette branche de la gauche qui préfère courtiser les patrons plutôt que les petites mains.
Les auteurs du rapport identifient deux acteurs qui « ont atteint une masse critique et une expertise que n’ont pas les autres », à savoir France Télévisions et l’INA. Ils proposent soit de développer les missions numériques de l’INA, qui « couvre déjà une grande part de la proposition de valeur de cette nouvelle entité : hébergement et distribution des contenus, indexation, distribution à travers des offres gratuites et payantes, valorisation des données auprès des tiers… », soit d’isoler France Télévisions Éditions numériques en la transformant en GIE pour lui « rendre son indépendance ». Pour choisir le meilleur, les auteurs ne proposent rien, mais tablent sur « une intervention résolue de l’État » qui serait « déterminante », notamment via la renégociation des contrats d’objectifs et de moyens de Radio France et de France Télévisions. Une telle confiance dans les capacités de l’État, si elle n’a rien d’étonnant au vu des profils des auteurs du rapport, est pour le moins inquiétante. Comme le montre le passé ou même l’actualité à l’école des Beaux Arts, une intervention résolue de l’État ne rime pas nécessairement avec pertinence. Entre France Télévisions et l’INA, comme souvent en France, ce n’est pas la compétence qui sera « déterminante » mais la proximité avec le Prince. Ou sa favorite du moment.