Dans un entretien accordé au Monde, le cinéaste Jean-Luc Godard affirme que France Inter aurait « supprimé » un passage où il évoque favorablement une éventuelle arrivée de Marine Le Pen à la tête du pays.
« J’ai mon opinion… J’espérais que le Front national arriverait en tête. Je trouve que Hollande devrait nommer — je l’avais dit à France Inter, mais ils l’ont supprimé — Marine Le Pen premier ministre », a‑t-il affirmé au quotidien du soir.
Comme le rapporte « Le Lab » d’Europe 1, les propos du cinéaste n’ont pas été supprimés mais uniquement retenus dans la version longue de l’entretien (82 minutes), disponible sur internet. Dans celle-ci, enregistrée le 21 mai dernier, il évoque son attachement aux frontières pour préserver la diversité des cultures mais surtout « communiquer et communier ». Ironiquement il déclare : « Je suis pour les frontières mais contre les douaniers. »
Jean-Luc Godard voudrait voir Marine Le Pen Premier ministre, dans notre #BestOfHebdo > http://t.co/lOrf8y8xOa
— Le Lab (@leLab_E1) 14 Juin 2014
Concernant l’Union Européenne, Godard regrette que les fondateurs aient fait « une monnaie commune avant de faire une culture commune » ce qui, pour lui, « ne peut pas marcher » car les peuples sont différents. Lorsqu’il conclut que « ça va mal », Cohen rebondit sur cette analyse en tentant de l’attribuer à la « poussée d’europhobie et de nationalisme », ce à quoi le cinéaste rétorquera : « Il vaut mieux que ça aille mal parce que le mal vous dit quelque chose. »
Même si ce dernier avoue qu’il « se sent européen », il craint que les langues et les cultures ne disparaissent. « Beaucoup de peuples perdent leurs caractéristiques, des langues disparaissent… Si c’est ce qu’on veut, il n’y a pas besoin de faire semblant. Autant mettre Marine Le Pen à la présidence de la République. On regarde pendant cinq ans ce qui se passe et puis après on la vire », explique-t-il. Nouvelle sortie de Cohen : « C’est la politique du pire. » Réponse de Godard : « Non, ce sont des mots tout ça. »
Les « coming-out » pro-FN étant plus que rares dans le monde artistique, le soutien au parti frontiste d’un réalisateur de cette envergure était une information des plus importantes. D’où les interrogations qui planent sur la volonté de France Inter de ne pas diffuser les propos sur ses ondes, pour les reléguer à la version internet, bien moins écoutée…
Dans l’entretien au Monde, réalisé ensuite, Godard confiera qu’il a espéré une victoire du FN « pour que ça bouge un peu. Pour qu’on fasse semblant de bouger, si on ne bouge pas vraiment ». « Du reste, on oublie toujours que le Front national avait deux sièges au Conseil national de la Résistance. A l’époque, c’était une organisation paracommuniste. N’empêche qu’elle s’appelait Front national », ajoutera-t-il.
Et de conclure : « Je ne suis pas pour eux. Il y a longtemps, Jean-Marie Le Pen avait demandé que je sois viré de France. Mais j’ai juste envie que ça bouge un peu… Les grands vainqueurs, ce sont les abstentionnistes. J’en fais partie depuis longtemps. »