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Les témoins pas si anodins de France TV

16 janvier 2025

Temps de lecture : 5 minutes
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Les témoins pas si anodins de France TV

Temps de lecture : 5 minutes

Malfaisants de tous les horizons, méfiez-vous : le service public audiovisuel veille et vous pourriez vite vous retrouver à la télévision dans l’une de ses émissions d’investigations, en compagnie de « témoins », toujours soigneusement choisis, mais pas pour les bonnes raisons.

France TV ne rime pas avec déontologie

On sait que le ser­vice pub­lic n’a rien de neu­tre, cela ne sur­prend per­son­ne. Cela ne sur­prend néan­moins pas grand-monde d’apprendre qu’en plus, il n’a rien d’honnête. On ver­ra dans cet arti­cle com­ment les témoins sont judi­cieuse­ment choi­sis, et encore plus judi­cieuse­ment cités. On ne sou­vient toute­fois qu’il n’y a pas que dans le choix des témoins que France TV flirte avec la ligne rouge. Le Jour­nal du Dimanche avait révélé le 16 octo­bre 2024 qu’une émis­sion de Com­plé­ment d’enquête sur Gérard Depar­dieu avait répan­du de fauss­es infor­ma­tions par un mon­tage trompeur.

Une infirmière d’extrême-gauche présentée comme neutre

Lorsqu’il s’agit de poli­tique, France TV s’attaque avec beau­coup de con­vic­tion à l’extrême-droite. En novem­bre 2024, son émis­sion Com­plé­ment d’enquête dif­fuse « la guerre de l’info sur les bancs de l’école ». On y par­le de la pres­sion islamiste, mais égale­ment de cer­taines asso­ci­a­tions comme SOS Édu­ca­tion ou les Par­ents vig­i­lants. Cette dernière est liée au par­ti Recon­quête et fait pres­sion sur les étab­lisse­ments sco­laires et le per­son­nel édu­catif pour empêch­er que les thès­es wok­istes et immi­gra­tionnistes soient enseignées aux enfants. L’objectif est d’empêcher ce qu’Éric Zem­mour appelle le « Grand Endoc­trine­ment » qui affirme aux enfants qu’ils peu­vent être un homme ou une femme et que les Blancs sont respon­s­ables de la majeure par­tie des maux de la planète.

Dans cette émis­sion, on trou­ve une infir­mière sco­laire qui explique, avec des larmes dans la voix, que les mem­bres des Par­ents vig­i­lants la har­cè­lent et l’accusent de pro­pos inap­pro­priés devant les élèves. Cette infir­mière était en réal­ité une élue d’extrême-gauche et mil­i­tante pro-trans. Elle est égale­ment prési­dent d’une asso­ci­a­tion de sou­tien aux clan­des­tins, ce qui n’a pas beau­coup d’importance dans ce cas pré­cis. Des affil­i­a­tions que n’a pas men­tion­né Com­plé­ment d’enquête, lais­sant les téléspec­ta­teurs croire cette infir­mière neu­tre et sans rai­son par­ti­c­ulière de nuire à Par­ents Vigilants.

Derrière Complément d’enquête, le service public

Quoiqu’en dis­ent ceux qui y tra­vail­lent, le ser­vice pub­lic tout entier n’a rien de neu­tre. La direc­tion de France Télévi­sions a ain­si per­mis avec toute la bien­veil­lance néces­saire la dif­fu­sion d’une enquête sur Jor­dan Bardel­la en jan­vi­er 2024, quelques mois avant les élec­tions européennes. Rien de grave jusque-là, d’autant que des émis­sions sur Gabriel Attal, Rachi­da Dati et Alex­is Kohler, secré­taire général de l’Élysée de l’époque, devaient être dif­fusées dans la foulée. Mais pata­tras, une « pause » est demandée aux jour­nal­istes jusqu’aux élec­tions européennes. Selon Alexan­dre Kara, directeur de l’information, cette déci­sion aurait été prise pour respecter le plu­ral­isme et laiss­er la pri­or­ité de la cou­ver­ture poli­tique aux émis­sions de débat. Des raisons qui n’ont pas empêché Com­plé­ment d’enquête de com­mencer la pro­duc­tion d’une deux­ième émis­sion sur le Rassem­ble­ment Nation­al pen­dant les européennes. La pre­mière n’avait en effet pas apporté son lot de scandales.

La guerre sans pitié de France TV contre le RN

Le ser­vice pub­lic audio­vi­suel mène une guerre sans mer­ci con­tre tout ce qui se rap­proche de l’extrême-droite ou appelé tel, et use pour cela de toutes ses armes. Ain­si, en juin 2024, pen­dant la cam­pagne des élec­tions lég­isla­tives, on ne trou­ve pas de Com­plé­ment d’enquête sur le Rassem­ble­ment Nation­al, mais un « Envoyé spé­cial ». L’émission se rend à Mon­tar­gis, où le RN récolte un tiers des voix, soit la moyenne nationale. Elle y fera le por­trait de Divine Kinkela, aide-soignante, qui subit le « racisme décom­plexé de ses voisins ». L’affaire sera reprise par France info, qui dépeint une femme « instal­lée en France depuis près de trente ans » qui essuie « les insultes et des cris de singe de la part de son voisin ». Cette héroïne, « mal­gré ce cli­mat détestable », « s’impose de con­tin­uer à boire son café sur sa ter­rasse ». Ter­rasse face à laque­lle le voisin a osten­si­ble­ment accroché un dra­peau français – qui ne gêne pas Divine – et des auto­col­lants de sou­tien au Rassem­ble­ment National.

La divine du PCF

En réal­ité, Divine sou­tient le Par­ti com­mu­niste français et porte le com­bat décolo­nial en faisant l’apologie du « peu­ple noir africain ». Une posi­tion qu’il n’est pos­si­ble de tenir que si l’on est en France depuis trente ans tant elle s’oppose à la réal­ité, mais pas­sons. Là encore, le ser­vice pub­lic a choisi minu­tieuse­ment une per­son­ne qui avait des intérêts poli­tiques à com­bat­tre « l’extrême-droite », et a ensuite pudique­ment tu ces intérêts pour se con­cen­tr­er sur une his­toire per­son­nelle qui, si elle a son impor­tance, est loin de suf­fire à l’information des téléspectateurs.

Neutralité/honnêteté

Les reportages et émis­sions d’investigation sont impor­tants pour se forg­er une opin­ion sur divers sujets. Ne plus acheter chez Action parce que l’on ne cau­tionne pas ses méth­odes de man­age­ment, ne pas regarder les films de Gérard Depar­dieu parce qu’on n’aime pas le cas qu’il fait des femmes, vot­er ou non pour tel ou tel par­ti en fonc­tion de ses actes… Cepen­dant, si l’on ne peut deman­der à un jour­nal­iste d’investigation d’être neu­tre, la déon­tolo­gie de la pro­fes­sion devrait lui intimer d’être hon­nête. Trop de jour­nal­istes du ser­vice pub­lic ne le sont pas, et tant que les écuries d’Augias n’auront pas été un tant soit peu net­toyées, les dom­mages seront grands. Car une pub­li­ca­tion sur X rétab­lis­sant la vérité a infin­i­ment moins d’impact que l’émission elle-même.

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