Après Buzzfeed France au début de l’été, c’est maintenant la version française de Mashable, lancée avec France 24, qui va fermer. Deux médias digitaux qui pâtissent de la réorganisation de leurs maisons-mères situées à l’étranger, autant que de problèmes franco-français de rentabilité.
Mashable change de modèle
Lancée en partenariat avec France 24 en mars 2016, la version française de Mashable emploie sept journalistes. Enfin employait, puisque la version France ferme. Racheté par Ziff Davis en décembre 2017 pour 50 millions de dollars – un cinquième de la valorisation du site – le pure-player américain réoriente son modèle économique vers le « commerce affilié », c’est-à-dire des liens URL vers des sites partenaires, l’éditeur touchant une rémunération à chaque clic.
Fondé en 2005, Mashable se décline en France, Royaume-Uni, Inde, Australie et Asie. Le site revendiquait un trafic de 45 millions de visiteurs uniques par mois, mais a chuté à 26 millions de visiteurs en 2018, notamment à cause du changement d’algorithme de Facebook qui met moins en avant ses contenus.
La version française, détenue à 50% par France 24, n’est « pas en phase » avec ce « changement de cap stratégique », indique une source interne citée par Les Échos. Une autre source interne avance cependant des « raisons budgétaires » pour justifier la fin du site français. Les quatre employés en CDI devraient être reclassés au sein de France Médias Monde.
Buzzfeed se réorganise et ferme son site français
Comme nous vous l’annoncions en juin, Buzzfeed pâtit aussi du changement d’algorithme de Facebook qui a frappé au cœur sa démarche de monétisation et ferme ses portes. Le pure-player se sépare de ses 14 journalistes français, tout en embauchant 45 personnes ailleurs afin « d’apporter du sang neuf ». Il emploie actuellement 1450 personnes dans le monde.
Stéphane Jourdain, rédacteur en chef de l’édition française, a déclaré sur Twitter le 7 juin dernier, date de la cessation d’activité de la version française : « On sort de quatre super mois en termes de trafic et d’infos. @sayseal avait constitué une équipe géniale, hyper impliquée, des super gratteurs que j’ai adoré diriger. C’est très triste ». Fin 2017, Buzzfeed avait déjà licencié plus de 100 personnes en Grande-Bretagne et aux USA pour des raisons budgétaires.
Le blog du Modérateur signale entre autres que l’antenne française n’avait pas de régie publicitaire : « En tant qu’annonceurs, nous avons déjà cherché à travailler avec eux, mais il était impossible de faire du contenu sponsorisé avec l’antenne française. Il était en revanche tout à fait possible de travailler avec Topito, Konbini ou MinuteBuzz sur ce même créneau de « médias à forte présence sociale ». La régie européenne de BuzzFeed est située à Londres et centralise toutes les demandes des annonceurs. Un fonctionnement complexe qui empêche de prendre en compte les spécificités des annonceurs locaux ». Et impacte forcément les revenus.
Malgré le travail d’investigation développé par Buzzfeed France – par exemple sur les problèmes de harcèlement moral au sein du magazine féminin Causette, le site comme sa maison mère américaine est très dépendant de Facebook et de la monétisation sur YouTube. Problème : les deux ont baissé, et le modèle des Instant Articles Facebook n’est pas suffisamment rémunérateur non plus.
« Cet état de fait est assez désespérant tant Buzzfeed est érigé en modèle de monétisation web pour les médias », résume le Blog du Modérateur, qui s’interroge aussi sur son positionnement. « On peut enfin se demander si BuzzFeed avait une vraie place sur le marché français. Sa fermeture a fait du bruit sur Twitter, mais on ne peut pas dire que cela ait mobilisé les foules… BuzzFeed était prisonnier entre une ligne « News » sérieuse, mais bien moins développée qu’un média classique, et des articles « Top 10 », « Food », « Tu as moins de 30 ans si… », sans valeur ajoutée, et disponibles chez plein d’autres médias ». Et puis Buzzfeed était un fabricant avéré de fausses nouvelles…