L’OJIM l’a souvent évoqué : les liens entre médias, journalisme et politique sont particulièrement prégnants en France. La critique et la mise en lumière de ces liens est même l’une des raisons d’être de l’Observatoire. En 2024, malgré quelques récentes évolutions, l’essentiel des médias demeure dominé par une vision libérale-libertaire, progressiste, de gauche.
Journalisme, politique et chaises musicales
Il en va de même des écoles de journalisme, même si une récente école comme l’Institut Libre de Journalisme (ILDJ) vise à former des journalistes pensant un peu autrement. Il n’en est pas moins stupéfiant d’assister à une reconversion telle que celle de l’ancien député Pierre Dharréville (PCF), battu par Emmanuel Fouquart (RN) lors des dernières élections législatives, une défaite marquant la fin historique de la présence du Parti Communiste Français en région Provence-Alpes-Côte‑d’Azur (PACA).
D’après une information publiée par Marsactu le 26 septembre 2024, l’ex-député devient directeur adjoint de l’École de Journalisme et de Communication d’Aix-Marseille (EJCAM), une école qui fait partie des quatorze écoles officiellement reconnues par la profession.
Voir aussi : L’EJCAM, école de journalistes antiracistes
Coresponsable du master journalisme en alternance
Que l’une de ces écoles recrute un ancien député pour un poste de direction devrait poser question. Il devient par ailleurs coresponsable du master journalisme en alternance. Pour le coup, l’information ne sera pas orientée…
En général, en France, se reconvertir après une déconvenue professionnelle, par exemple électorale, ne va pas de soi. Que l’on soit faible ou puissant, il n’en ira ainsi pas forcément de même. Difficile reconversion pour un salarié de base, cherchant une nouvelle voie par la grâce des arcanes administratives ou des comptes de formation. Il risque fort la désillusion et peut-être reviendra pour lui l’époque du chômage. Aisée reconversion pour nombre d’hommes et de femmes politiques des partis dits du pseudo « arc républicain ». Les exemples sont nombreux parmi les anciens membres de ces gouvernements et encore plus chez les macroniens où le jeu des chaises musicales entre privé et ministère tourne à plein régime. Ils ne sont pas les seuls : il y a de la place dans les médias et les écoles de grand chemin.
Le parcours d’un communiste ou d’un journaliste ?
Les deux mon capitaine ! Pierre Dharréville a été député de la 13e circonscription des Bouches-du-Rhône, comprenant des villes communistes historiques comme Martigues et Istres, de 2017 à 2024. Une circonscription généralement considérée comme un bastion du Parti Communiste Français, un parti auquel les médias continuent de donner une audience étonnante au regard de ses actuels résultats électoraux nationaux (2, 28 % lors des dernières présidentielles). Comme dans de nombreuses circonscriptions ouvrières, les anciennes terres communistes de la région sont devenues des territoires élisant des députés Rassemblement national. Dharréville a aussi longtemps été le secrétaire départemental du PCF local (2008–2017).
Petite biographie du camarade Pierre
Qui est Pierre Dharréville ? Né en 1975, il se présente comme homme politique, journaliste et auteur de livres. Son catholicisme l’a d’abord conduit à s’engager à l’Action Catholique des Enfants puis au sein de la Jeunesse Ouvrière Catholique (JOC). Dès 1996, il devient permanent de la JOC. Il y est apprenti journaliste engagé en écrivant dans Jociste, revue dont il est ensuite rédacteur en chef. C’est à 23 ans que Pierre Dharréville rencontre la lumière en entrant à L’Humanité. Il est alors chargé de suivre le Premier Ministre Lionel Jospin. Il tient aussi la rubrique « bandes dessinées » de L’Humanité, sa passion. Dharréville pige un peu pour Témoignage Chrétien et contribue à des livres collectifs ou publie ses propres livres.
En 2002, Pierre Dharréville quitte L’Humanité pour travailler avec Marie-George Buffet, secrétaire nationale du PCF. En 2004, il revient au journalisme comme rédacteur en chef du nouveau Pif Gadget. Un aller-retour, puisqu’en 2006 il devient membre du conseil national du PCF. En 2014, le voici président du journal La Marseillaise… Un monde où l’on passe aisément d’un espace politique à un espace médiatique. L’heure de la députation approche, ce sera pour 2017.
Voir aussi : L’Humanité, infographie
Le nouveau directeur adjoint de l’École de Journalisme et de Communication d’Aix-Marseille (EJCAM) a‑t-il toujours été nourri par le système politico-médiatique de la gauche progressiste, version PCF. Et depuis ses 21 ans. Il est loin d’être le seul. Qui peut croire en l’indépendance de la direction de cette école de journalisme comme de celle des autres écoles ? Ce n’est pas l’OJIM qui le dit mais Pauline Amiel, directrice de l’EJCAM : « Il nous rejoint avec une riche expérience dans les domaines du journalisme et de la politique ». En effet.