Nommé à la tête de L’Express pour accompagner la fin du papier et la mutation vers le numérique, l’expert digital Philippe Jeannet est arrivé en terrain hostile. Sa nomination a en effet été refusée par la rédaction et il s’est retrouvé bombardé directeur général délégué (adjoint).
Expert du numérique
Sa nomination avait été saluée par le groupe Altice France qui avait retracé dans un communiqué son parcours dans la mutation de la presse du papier vers le web : « Expert reconnu de la presse numérique, Philippe a lancé le premier site internet des Échos, dirigé le Monde.fr et piloté les rédactions digitales de ces deux quotidiens pendant plus de quinze ans [et a été un] acteur de premier plan de la distribution de la presse en France en créant le kiosque ePresse.fr et en jouant un rôle majeur au sein du GESTE et de l’OJD ».
Il devait s’appuyer sur Anne Rosencher — grand reporter et ex-directrice adjointe de Marianne – et Emma Defaud, rédactrice en chef du site, afin de transférer L’Express vers le web. Seulement, avec une participation de 96% et un scrutin à bulletin secret, les journalistes ont rejeté le 26 novembre son arrivée à la tête de la rédaction par 73 voix contre pour 46 pour. Depuis 2015 et le rachat par Altice en effet, la rédaction peut refuser jusqu’à trois nominations de rédacteur chef, au-delà l’employeur peut imposer son choix.
Positionnement pro Macron ?
Outre un projet éditorial jugé flou, « les journalistes s’interrogeaient notamment, au vu des positions pro-Macron affichées sur son compte Twitter personnel, sur son indépendance vis-à-vis du pouvoir », avance Libé. Il aurait aussi animé des conférences-débat à la République en Marche, selon Arrêts sur Images – on retrouve notamment trace d’une de ses interventions, « Réveiller le citoyen européen : un défi de communication publique », pour le comité LREM Paris 10e Château d’eau, en février 2018. Il n’a pas cherché à nier : « sur la dernière élection présidentielle, je n’avais pas de carte de presse, je me sentais libre de faire ce que je voulais. J’aurais eu la carte de presse à ce moment-là, je ne l’aurais pas fait ». Des Gilets jaunes à L’Express ?
Cependant, son recrutement n’est pas bloqué puisqu’il devait aussi occuper le poste de directeur général délégué de L’Express – et cette fois les journalistes n’ont plus rien à dire. Il a été nommé à cette fonction le 12 novembre 2018. Altice, qui entend « poursuivre le dialogue avec les salariés » mais aussi continuer à transformer l’Express en le portant vers plus de digital, devrait proposer un nouveau nom dans les semaines à venir.