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Libé, Le Monde, la presse de gauche et la pédophilie : ils n’oublient pas mais se pardonnent

6 août 2020

Temps de lecture : 5 minutes
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Libé, Le Monde, la presse de gauche et la pédophilie : ils n’oublient pas mais se pardonnent

Temps de lecture : 5 minutes

Red­if­fu­sion esti­vale 2020. Pre­mière dif­fu­sion le 25 jan­vi­er 2020

L’affaire Matzneff est venue rappeler une fois encore le lourd passé d’une presse de gauche, qui dans les années 70 et 80, toute-puissante, avait entrepris sans grande vergogne de repousser plus loin encore les bornes de la « libération sexuelle », en se livrant notamment à l’éloge de la pédophilie, ou en abandonnant au moins certaines de ses pages à des promoteurs des « amours enfantines ».Il faut reconnaître au quotidien Libération, l’organe de presse le plus impliqué alors, de s’être expliqué plusieurs fois, et excusé. Cependant la manière interroge.

Défense et illustration de la pédophilie dans Le Monde

C’est Le Monde qui ouvre les hos­til­ités en pub­liant le 26 jan­vi­er 1977 un com­mu­niqué signé d’intellectuels pres­tigieux volant au sec­ours de trois crim­inels, Bernard Dejager, Jean-Claude Gal­lien et Jean Bur­ck­hardt, cités à com­para­ître devant la cour d’as­sis­es des Yve­lines pour « atten­tat à la pudeur sans vio­lence sur des mineurs de quinze ans ». Arrêtés depuis l’au­tomne 1973, les hommes ont demeuré plus de trois ans en déten­tion pro­vi­soire, ce con­tre quoi les grands esprits de l’époque s’in­sur­gent : « Trois ans de prison pour des caress­es et des bais­ers, cela suf­fit ». Le texte, signé notam­ment par Aragon, Bernard Kouch­n­er, André Glucks­mann, François Chatelet, Jack Lang, Félix Guat­tari, Patrice Chéreau ou Daniel Guérin ne laisse aucune place à l’ambiguïté : « Si une fille de 13 ans a droit à la pilule, c’est pour quoi faire ? » Si la méth­ode judi­ci­aire peut être cri­tiquée, c’est une pre­mière brèche dans la con­damna­tion habituelle de la pédophilie qui est creusée ce jour-là dans le « grand quo­ti­di­en du soir ». La péti­tion est relayée illi­co par Libéra­tion.

Quelque temps plus tard, le 23 mai de la même année, c’est une let­tre ouverte à la com­mis­sion de révi­sion du code pénal qui réclame que soient « abrogés ou pro­fondé­ment mod­i­fiés » les arti­cles de loi con­cer­nant « le détourne­ment de mineur », pour que soit recon­nu le « droit de l’enfant et de l’adolescent à entretenir des rela­tions avec les per­son­nes de son choix ». Encore une fois para­phée par les grandes con­sciences de gauche que sont Louis Althuss­er, Jean-Paul Aron, Roland Barthes, André Baudry, Simone de Beau­voir, Jean-Claude Besret, Jean-Louis Bory, Bertrand Boulin, François Chatelet, Patrice Chéreau, Copi, Alain Cuny, Gilles Deleuze, Jacques Der­ri­da, Françoise Dolto, Michel Fou­cault, Félix Guat­tari, Michel Leiris, Gabriel Matzn­eff, Bernard Muld­worf, Chris­tiane Rochefort, Alain Robbe-Gril­let, Jean-Paul Sartre, le doc­teur Pierre Simon et Philippe Sollers, et pub­liée dans Le Monde. Trente ans plus tard, Philippe Sollers affirme ne pas s’en sou­venir et affirme : « Il y avait telle­ment de péti­tions. On sig­nait presque automatiquement ».

Pen­dant ce temps, dans l’émission « Dia­logues » dif­fusée sur France Cul­ture en avril 1978, le philosophe Michel Fou­cault défend l’idée insi­dieuse et sophiste qu’interdire la pédophilie pour­rait pro­gres­sive­ment gliss­er vers l’interdiction de l’homosexualité.

Changer la vie. Des enfants ?

Ou c’est encore dans Libéra­tion un pédophile empris­on­né qui écrit qu’« il faut chang­er la vie ». Une autre fois, tou­jours dans le même jour­nal et la même année, on défend un moni­teur d’éducation physique con­damné pour détourne­ment de mineur. Libé estime que cette affaire est une « bau­druche », qui va se dégon­fler. Le jour­nal­iste inter­roge le juge d’instruction chargé de l’enquête : « Cet homme était-il vio­lent avec les enfants? Non, répond le juge, mais il les fai­sait piss­er et chi­er dans les par­touzes.» – Mais y a‑t-il prox­énétisme ?», con­tin­ue le jour­nal­iste. – Non, mais il leur fai­sait faire des hor­reurs, jouer avec leurs excré­ments, ils en mangeaient ». Le quo­ti­di­en en prof­ite pour con­clure qu’il n’y a rien de répréhen­si­ble dans ce dossier et que la seule men­ace serait un retour de l’ordre moral.

Dans sa lancée, Libé ne désarme pas : le 20 juin 1981, il pub­lie l’interview d’un homme, Benoît, titrée « Câlins enfan­tins ». Le chapô du papi­er est clair : « Quand Benoît par­le des enfants, ses yeux som­bres de pâtre grec s’embrasent de ten­dresse ». L’entretien est à l’avenant, que l’on hésite à le repro­duire ici : « Je fai­sais un cun­nilin­gus à une amie. Sa fille, âgée de cinq ans, parais­sait dormir dans son petit lit mitoyen. Quand j’ai eu fini, la petite s’est placée sur le dos en écar­tant les cuiss­es et, très sérieuse­ment, me dit «à mon tour, main­tenant». Elle était adorable. Nos rap­ports se sont pour­suiv­is pen­dant trois ans ».

Au milieu des années 80, l’esprit lib­er­taire com­mence à retomber, et Libé se range à son tour, après Le Monde, d’autant que l’affaire du Cor­ral est passée par là. Mais mal­gré les his­toires de Dutroux et con­sorts, il faut atten­dre 2001 pour que le quo­ti­di­en de Serge July tente un pre­mier exer­ci­ce de repen­tance. Celui-ci a lieu sous la plume de l’excellent Sorj Cha­lan­don qui affronte l’horreur en face et ne nie rien des péchés passés.

Libéral libertaire un jour, libéral libertaire toujours ?

Mais sinon lui, et quoique le jour­nal soit revenu plusieurs fois sur la ques­tion, on a la désagréable impres­sion que c’est à chaque fois pour s’excuser sur le dos du temps et de l’époque. Ain­si Lau­rent Jof­frin, directeur des rédac­tions, s’il recon­naît qu’autrefois le quo­ti­di­en « accueil­lait en son sein un cer­tain nom­bre de mil­i­tants qui revendi­quaient leur goût pour les rela­tions sex­uelles avec des enfants », se défausse en racon­tant que « Libéra­tion, enfant de Mai 1968, pro­fes­sait à l’époque une cul­ture lib­er­taire dirigée con­tre les préjugés et les inter­dits de l’ancienne société », ajoutant que cela por­tait « sou­vent sur des caus­es justes » mais con­dui­sait aus­si à pro­mou­voir « par­fois des excès fort con­damnables, comme l’apologie inter­mit­tente de la pédophilie ».En somme, la presse de gauche libérale et lib­er­taire, coupable mais avec des cir­con­stances atténuantes.

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