Pour se débarrasser des journalistes historiques du quotidien, les actionnaires de Libération, Bruno Ledoux et Patrick Drahi (Numéricable), qui ont pris le pouvoir en juillet, ne regardent pas à la dépense.
Près des deux tiers des 18 millions d’euros que l’homme d’affaires franco-israélien a injectés dans le journal pour le redresser, serviront à payer les partants. Près d’une centaine (dont la moitié de journalistes) au total, sur un effectif de 280 salariés.
La clause de cession, prévue par le Code du travail, constitue un principe très avantageux pour les journalistes. Ils peuvent démissionner en bénéficiant du régime classique de l’indemnisation du chômage. À cet avantage, s’ajoute de surcroît le propre abondement des groupes de médias, prévu dans le cadre des conventions collectives de la presse. Le texte qui concerne plus particulièrement les quotidiens prévoit que les indemnités de départ correspondent à un mois de salaires par année de présence, avec un plafonnement à 15 mois. En cas d’ancienneté supérieure, la Commission arbitrale des journalistes, dont la composition est paritaire, fixe les montants supplémentaires à verser au salarié. Dans le cas de Libération, aucun plafond n’a été fixé. Certains journalistes, présent depuis 20 ou même 30 ans à dans le journal fondé en 1973, partiront donc avec des fortunes. C’est le cas de deux directeurs adjoints de la rédaction, François Sergent et Béatrice Vallaeys. Dans une moindre mesure le rédacteur en chef, Fabrice Rousselot, la journaliste spécialisée sur la police, Patricia Tourancheau, ou encore le journaliste “Culture”, Robert Maggiori, auront eux aussi droit à un joli pactole. Éric Decouty, autre directeur adjoint de la rédaction de Libération, partira quant à lui avec des indemnités plus réduites. Mais il basculera directement à la rédaction en chef de Marianne.
La volonté de Drahi et Ledoux de pousser les “anciens” vers la sortie est manifestement le signe d’un remodelage complet de l’organisation du journal, et, dans un second temps, de son modèle économique. La diversification (télé, radio, centre culturel) sont, avec le numérique, les deux grands axes développement. L’activité événementielle (Forums), plus ou moins en sommeil depuis un an, sera, elle, relancée. Force est de constater que cette feuille de route ambitieuse reste encore à écrire.
Les deux directeurs de la rédaction, Laurent Joffrin et Johan Hufnagel, auront notamment à mettre en musique une nouvelle partition avec un tiers de rédacteurs en moins. Sur le digital, qui sera refondu comme le print début 2015, elle sera d’autant plus difficile à jouer avec le départ du responsable marketing du site Liberation.fr, Florent Latrive. Côté investissement, largement consacré pour l’instant à financer les départs, les actionnaires ont déjà prévu la nécessité d’injecter 10 millions supplémentaires, en propre ou avec des partenaires extérieurs.
Crédit photo : montage Ojim (cc)