Le quotidien Libération, propriété de Patrick Drahi et amplement financé par l’État, arrivait en 2016 en seconde position dans la liste des journaux les plus subventionnés par les impôts de citoyens. Bien sûr, la doxa officielle explique combien cet argent public est important pour maintenir la liberté et la diversité de la presse. Les dupes de cela ne courent plus les rues, ou plutôt les kiosques à journaux. Alors, l’argent des Français, pour quoi faire ? Et surtout : pour propager quelles idées ? Reportage à la Une de la gauche libérale-caviar, entre le 25 et le 30 septembre 2017.
Chez Libé, on ne lésine plus avec les Unes à faire peur
Elles semblent parfaitement « normales » aujourd’hui. Elles auraient sans aucun doute été qualifiées de démagogiques, racoleuses ou même de « populistes » il y a 20 ans. Par le Libération de l’époque et par son actuel patron Laurent Joffrin, quand ce même quotidien s’attaquait à tout ce qu’il jugeait criard dans la presse de droite — ou même dite de gauche, au sujet de L’Événement du Jeudi puis de Marianne. Dans ses pages, des Une du genre de celle du 25 septembre 2017 eussent été jugées pour le moins malsaines et sans doute aucun assimilées à celles de magazines comme Minute, une presse dont Libération méprisait alors les accroches — ne lésinant sur aucun nom d’oiseau à son propos.
Outre le fait de s’inquiéter que des mesures légales de protection de la population entrent en vigueur en temps de guerre, dans un pays qui compte près de 250 morts du fait du terrorisme islamiste, ce qui peut sembler démagogue est double. Le grand titre, d’abord, destiné à effrayer quiconque s’arrête devant au petit matin : la « loi des suspects » de sinistre mémoire réfère bien entendu à la Terreur de 1793, du moins pour le lecteur féru d’histoire. Une minorité de la population. Pour bien d’autres lecteurs, nos sources sont formelles, ce sont des mots qui font penser à la période de Vichy. D’autant plus que la (méchante) droite « conserve le Sénat » tandis que « l’extrême droite entre au Bundestag ». C’est le second point : l’association entre « état d’urgence », « extrême droite », Allemagne, « droite », « état d’urgence permanent », sur fond d’inquiétude de l’ancien président de la Ligue des droits de l’homme, ne peut que faire association d’idées : la bête immonde est de retour et la « loi des suspects », loi antiterroriste, semble en être un marqueur.
On ne craint pas non plus d’agiter le danger réactionnaire
Le 26 septembre 2017, le retour du danger nazi en Allemagne rejoint cet autre danger prégnant en France : de dangereux agitateurs — une majorité des femmes françaises — veulent « la peau de la pilule ». Une Allemagne qui craque devant l’extrême droite, une France qui rejette la pilule contraceptive :
Et, du point de vue, de Libération ce sont toutes les forces considérées comme rétrogrades qui semblent menacer l’Europe.
À défaut de celui du mois, Libération n’a pas peur de créer le choc de la semaine
« Le chacal » et ce choc des mots sur fond de poids de l’image : « Quand l’État deale avec un tueur ». Cette Une paraît digne de celles dont Libération disait, fin 20e siècle, qu’elles contribuaient à une « lepénisation » des esprits qui un jour conduirait l’extrême-droite au pouvoir en France. Durant notre enquête, un lecteur historique de Libération, Mehdi [le prénom a été changé], nous avouait ne plus bien comprendre son journal, tendant d’un côté vers une sorte de « tapinage digne de la pire presse du siècle passé», dit-il, tandis que, de l’autre, son rédacteur en chef se rend régulièrement dans les studios de France Culture ou de France Inter pour défendre le rôle historique que la « gauche caviar, sur laquelle il a écrit un ouvrage », devrait continuer à jouer afin d’empêcher la montée des populismes. Que Libération « révèle le rôle clé d’un assassin aux multiples facettes dans le scandale des stups qui éclabousse la police française » lui paraît plus rappeler le 6 février 1934 que le 10 mai 1981. Notre source a un âge certain, mais elle ne manque pas de raison : force est de constater que de telles Unes ne favorisent pas une paix sociale fondée sur la croissance économique éternelle et joyeuse (vous pouvez mettre des guillemets).
Un peu de bonne morale pour le week-end ?
Bien sûr que les GAFA menacent les démocraties. Samedi 30 septembre, Libération a raison avec bien d’autres — dont l’OJIM.
Et cette menace mérite évidemment analyse, débats dans la presse. La question est-elle de « fermer Facebook » ? Sans doute la rédaction de Libération ne croit-elle pas un instant en une possible réponse positive à cette question. La Une, pour faire peur — tendance donc devenue habituelle pour ce quotidien.
Mais cette question ne masque-t-elle pas autre chose qu’elle-même ? La volonté moralisatrice de Libération, par exemple, journal régulièrement créateur de « services » ou d’entités visant à surveiller les autres médias, cherchant ici et là une prétendue « fachosphère », selon le titre d’un essai publié en 2016 par l’un des journalistes du quotidien, ainsi lors de la récente campagne présidentielle ou encore avec son Œil sur le Front. Une façon finalement de garder un œil sur les consciences de tout un chacun. Une volonté aussi de délégitimer tout regard autre sur l’actualité et de développer cette nouvelle reduction ad hitlerum : la traque aux fake news chez tout le monde — sauf au cœur de la presse mainstream, laquelle est pourtant une productrice de masse de nouvelles fortement orientées et manipulatoires. Un peu comme Facebook en somme ?
À quand un essai fouillé sur la « gauchosphère » ? Gageons que Libération y tiendrait une belle place, à moins que sa politique de Unes criardes n’ait d’ores et déjà fait de ce quotidien autre chose qu’un journal de gauche ? Demandons à Monsieur Drahi, son rutilant propriétaire.