La défense, on pourrait dire la promotion, de la pédophilie par Libération remonte aux lendemains de la libération sexuelle. Depuis quelques années, le quotidien tente par à‑coups de modifier son image. Le sujet est d’autant plus important que le consentement est aujourd’hui une notion plus regardée qu’hier, et que l’on a établi qu’un enfant ne peut jamais consentir à une relation sexuelle avec un adulte. Check News, l’organe de Libération supposé faire du « fact-checking », mouille donc la chemise en répondant régulièrement aux questions des abonnés, qui s’offusquent à juste titre de ce qu’a pu défendre Libération. Il affirme notamment que le titre « a consacré plusieurs pages » à l’affaire Matzneff, « sans omettre d’aborder frontalement » les liens du média avec la pédophilie, dans une « salutaire introspection ». Pourtant, le mea culpa de Libération est loin d’être exhaustif, et suit en réalité les scandales qui éclatent les uns après les autres. Quatrième et dernière partie.
Des excuses toujours partielles
En 2019, l’affaire Matzneff éclate au grand jour, et le grand public prend subitement conscience de la perversion de certaines élites, notamment littéraires. Libération publie quelques textes condamnant ce que l’on commence à appeler la pédocriminalité plutôt que la pédophilie. Parmi ces textes, on compte l’éditorial de Laurent Joffrin, alors directeur de la publication. Pour une fois, les mots sont clairs et sans équivoque, qu’il s’agisse de condamner un « badinage irresponsable », dont Libération s’est largement fait l’écho quinze ans plus tôt, ou de définir Matzneff comme un « délinquant. » Le journal lui-même est pointé, et Laurent Joffrin reconnaît que ses plaidoyers « promouvaient parfois des excès fort condamnables, comme l’apologie intermittente de la pédophilie, que le journal a mis un certain temps à bannir. » Si les mots sont sans équivoques, on ne peut que regretter qu’ils viennent si tard, bien après l’enquête de 2001.
Contrairement à ce que Libération veut faire croire, les années 70 et 80 n’ont pas été une courte errance due à mai 68. Elles ont initié plusieurs décennies de défense de la pédocriminalité au nom d’un principe de liberté, et surtout de rejet de normes dites « bourgeoises », parce que cette insulte ne nécessite pas d’autre développement. En réalité, Libération pratique le « pas vu pas pris », et ne s’excuse que lorsqu’un scandale éclate. Condamnation des années 70–80 en 2001, dans une enquête qui n’évoque pas Christian Hennion. Condamnation de ce journaliste après la publication, en 2009, du témoignage de sa victime. Condamnation du soutien à Gabriel Mazneff en 2019, après le scandale lié à ce dernier, et surtout condamnation de faits postérieurs à l’enquête de 2001. Libération ne prend jamais pleinement conscience de ses errements, et se contente de faire amende non-honorable sur des faits précis, au fur et à mesure, conspué par un lectorat qu’elle veut garder. L’objectif n’est jamais de s’excuser auprès des victimes et de réparer le mal qui leur a été fait, mais de conserver une image de journal vertueux et défenseur du camp du Bien. Manque de chance, ce camp n’est pas celui de la pédocriminalité. Libération a misé sur le mauvais cheval.
Le danger de la contestation aveugle
La gauche libérale libertaire a l’habitude, depuis longtemps, si ce n’est depuis toujours, de se ranger du côté des contestataires. C’est la raison pour laquelle Libération a pu justifier des actes pédocriminels et les pétitions récolter tant de signatures. Bernard Muldworf, psychiatre et psychanalyste, a signé la pétition de 1977. En 2001, il écrit dans l’Express que « il fallait être opposé à tout ce qui pouvait être de l’ordre de la contrainte, prendre parti pour ceux qui cherchaient une voie nouvelle. Cela me paraissait malhonnête de ne pas signer car il y avait un enjeu idéologique : soyons plutôt du côté des contestataires que du côté des flics. J’ai signé la pétition par solidarité avec le mouvement, non par adhésion aux idées. » Le mouvement, ce n’est pas explicitement la défense de la pédocriminalité, mais le rejet de l’ordre établi. La gauche morale est engagée depuis des décennies dans cette fuite en avant, et ne veut jamais accepter que toute société a besoin d’un ordre qui ressemble à un ordre.
Défendre l’indéfendable selon processus bien rôdé
Le processus de Libération est rôdé depuis des décennies, et on comprend mieux, à la lumière de cette croisade pour la pédophilie, les campagnes médiatiques qui coïncident avec les campagnes électorales. Faire croire à tous les Français qu’ils pensent comme une minorité d’intellectuels hors-sol et qu’ils n’en ont simplement pas pris conscience. Multiplier les textes pour faire admettre une idée qui paraîtrait odieuse à n’importe qui. Ces procédés sont encore utilisés aujourd’hui. Il en est un autre, c’est la prise au piège des élites, qu’il n’est au reste pas question de plaindre. Après le scandale Maztneff en 2019, Jack Lang, ancien ministre de la Culture, est revenu sur la tribune de 1977 dont il faisait partie des signataires. Il reconnaissait ainsi avoir fait une « connerie » en signant un texte « inacceptable. » Lorsque les signataires de 1977 admettent avoir signé sans regarder ce qu’ils faisaient, pour suivre la mode d’un moment et rester dans leur sérail, ils montrent l’importance de Libération dans le tri de ceux qui sont fréquentables et de ceux qui ne le sont pas. C’est bien simple : si l’on ne signe pas, que l’on n’écrit pas, que l’on ne s’indigne pas au moment donné sur le sujet obligatoire (la pédophilie, l’immigration, les LGBTQI+ etc) c’est la mort sociale. Cela marche encore à merveille. Libération se trouve même en mesure de créer un cercle où, si l’on ne signe pas, on est infréquentable, et où dès lors, puisque tout le monde signe, on peut bien faire comme tout le monde. Jack Lang explique ainsi qu’en 1977 « on était très nombreux à l’époque à signer cette tribune » et que « nous n’étions pas seuls à penser cela. » Dans les années 70 comme aujourd’hui, Libération définissait ce qui était acceptable, qui était fréquentable et les pseudo élites suivaient et suivent encore.
Aujourd’hui, la pédocriminalité est plus unanimement condamnée, et la pétition de 1977 ne recueillerait plus autant de signatures. Néanmoins, d’autres « contestataires », on pourrait parler plus justement de délinquants et de criminels, sont défendus par le monde libéral libertaire simplement parce qu’ils remettent en question un ordre naturel dont il n’est pas prouvé qu’il soit illégitime. Pourquoi Libération défend-il systématiquement les auteurs de rodéos urbains, de refus d’obtempérer, d’émeutes ? Pourquoi les forces de l’ordre sont-elles présumées coupables ? Le mécanisme est le même que celui qui défendait jadis la pédocriminalité, et il serait grand temps que Libération à défaut d’un mea culpa complet, se mette à réfléchir à ce qu’il publie. Il ne s’agit pas de défendre par principe ce qui est illégal, mais de défendre ce qui est bon pour la France et les français. Or, toutes les lois, et même toutes les normes, ne sont pas a priori mauvaises. Tant que Libération ne l’acceptera pas, les pétitions continueront à recueillir des signatures aveugles de personnalités qui plus tard deviendront étrangement muettes.