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Libération et la pédophilie, une longue histoire. Deuxième partie

3 septembre 2024

Temps de lecture : 6 minutes
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Libération et la pédophilie, une longue histoire. Deuxième partie

Temps de lecture : 6 minutes

La défense, on pour­rait dire la pro­mo­tion, de la pédophilie par Libéra­tion remonte aux lende­mains de la libéra­tion sex­uelle. Depuis quelques années, le quo­ti­di­en tente par à‑coups de mod­i­fi­er son image. Le sujet est d’autant plus impor­tant que le con­sen­te­ment est aujourd’hui une notion plus regardée qu’hier, et que l’on a établi qu’un enfant ne peut jamais con­sen­tir à une rela­tion sex­uelle avec un adulte. Check News, l’organe de Libéra­tion sup­posé faire du « fact-check­ing », mouille donc la chemise en répon­dant régulière­ment aux ques­tions des abon­nés, qui s’offusquent à juste titre de ce qu’a pu défendre Libéra­tion. Il affirme notam­ment que le titre « a con­sacré plusieurs pages » à l’affaire Matzn­eff, « sans omet­tre d’abor­der frontale­ment » les liens du média avec la pédophilie, dans une « salu­taire intro­spec­tion ». Pour­tant, le mea cul­pa de Libéra­tion est loin d’être exhaus­tif, et suit en réal­ité les scan­dales qui écla­tent les uns après les autres. Deux­ième partie.

Gabriel Matzneff, et Daniel Cohn-Bendit

Nous sommes main­tenant en 2004, trois ans après l’enquête de 2001 sur les petits arrange­ments de Libéra­tion avec la pédophilie, et le jour­nal pub­lie le por­trait de Gabriel Matzn­eff. À en croire l’article, « Gaby » est un dandy séduisant et séduc­teur qui affole la bour­geoisie. C’est un « ama­teur de jeunes filles en fleur », qui « irrite une société au moral­isme de plus en plus sour­cilleux. » Une belle façon de dire que les par­ents qui se plaindraient des vio­ls qu’ont subis leurs filles ne sont que des grenouilles de béni­ti­er. D’ailleurs, on ne peut par­ler de viol dans le cas de Gabriel Matzn­eff, puisqu’il « n’aime rien tant que les met­tre dans son lit. Mais seule­ment si elles en ont très envie… » « Ses ados à lui étaient volon­taires et fières de l’être », martèle Libéra­tion. Alors com­ment qual­i­fi­er Matzn­eff ? « Le néo-senior est resté fixé au stade ado et s’interdit tout accès d’autorité, tout abus de pou­voir. » Néo-senior, c’est joli, cela évoque un homme qui serait resté dans la fleur de l’âge mal­gré les ans, et surtout qui n’est pas réac­tion­naire, le péché mor­tel pour Libé. Le jour­nal le dépeint comme une « cible par­faite » pour « une société gâteuse et infan­tile, qui voit des pédophiles partout. »

À la lec­ture du por­trait, on finit par se deman­der si Gabriel Mazt­neff n’est pas l’homme idéal pour Libéra­tion. Il ne vieil­lit jamais, con­traire­ment à ses « amantes », il « bran­dit à jamais les atti­tudes et les con­vic­tions » de la jeunesse, bref, c’est un nou­veau Peter Pan. Ecrivain mau­dit, il aurait choisi le « dénue­ment », bien que son enfance ait prof­ité d’un hôtel par­ti­c­uli­er à Neuil­ly et qu’il vive, adulte, à Saint-Ger­main des Prés. Il « méprise la gauche puri­taine », ce que Libéra­tion ne peut qu’applaudir. En un mot comme en cent, en 2004, Gabriel Matzn­eff est la nou­velle égérie de Libéra­tion, le poète mau­dit qui se pose en oppo­si­tion à une société trop rigide, ce qui doit lui don­ner le droit d’être défendu sans con­di­tions par la gauche.

Daniel Cohn-Bendit, une chasse aux sorcières ?

Gabriel Matzn­eff est loin d’être le seul pédophile à être défendu par Libéra­tion pen­dant notre siè­cle, lorsque les Français sont un peu revenus de l’ivresse de mai 68. En 2001, cer­tains décou­vrent, bien tard, les pas­sages prob­lé­ma­tiques du grand Bazar, livre pub­lié par Daniel Cohn-Ben­dit en 1975. A l’époque, il tra­vaille dans des « crèch­es alter­na­tives », donc avec de très jeunes enfants. Il écrit dans Le grand Bazar qu’il est arrivé plusieurs fois que « cer­tains goss­es ouvrent ma braguette et com­men­cent à me cha­touiller » et que « s’ils insis­taient, je les cares­sais. » Il s’agit tou­jours de la même thèse : les enfants ont des désirs sex­uels qui ont le droit d’être sat­is­faits, et ils peu­vent con­sen­tir à des rela­tions avec les adultes. Une idée qui évac­ue com­plète­ment le fait que les enfants ne met­tent pas les mêmes réal­ités der­rière les mots des adultes, et qu’ils évolu­ent dans un monde tout à fait dif­férent. Un enfant qui pose une fourchette sur les yeux de quelqu’un n’a pas pour inten­tion de lui crev­er les yeux.

Daniel Cohn-Ben­dit, adulte par­faite­ment con­scient de ce que sont des rela­tions sex­uelles et prob­a­ble­ment au fait de la psy­cholo­gie enfan­tine, puisqu’il tra­vail­lait dans une crèche, a donc choisi d’avoir des rela­tions sex­uelles avec des enfants. Il se défend pour­tant d’être pédophile auprès de Libéra­tion, qui reprend com­plaisam­ment sa défense et pré­cise que ni les par­ents, ni les enfants, n’ont porté plainte con­tre lui. Pru­dent, le jour­nal évite de deman­der leur avis à des pédopsy­cho­logues et pédopsy­chi­a­tres qui ris­queraient peut-être de met­tre en doute la capac­ité d’un enfant de moins de cinq ans à con­sen­tir à une rela­tion sex­uelle dont il est inca­pable d’appréhender toutes les dimensions.

Comment la gauche fait de ses vices une règle commune

Pour com­pren­dre com­ment Libéra­tion voy­ait la pédophilie, en sup­posant que le titre ait changé d’avis, il suf­fit de lire la tri­bune de Simone Korff-Sausse, psy­ch­an­a­lyste et chargée d’enseignement à Paris VII, pub­liée le 2 juil­let 1997. Elle com­mençait par l’affirmation que « la pul­sion pédophile existe en cha­cun de nous. » Ain­si, d’après elle, « tous les adultes qui s’oc­cu­pent d’en­fants ont à s’in­ter­roger sur leurs moti­va­tions, leurs atti­tudes, leurs lim­ites, leur vig­i­lance et leur rigueur. » Soit. Une baby-sit­ter peut être motivée par l’envie de ren­dre ser­vice, de gag­n­er de l’argent, d’acquérir des com­pé­tences de puéri­cul­ture, ou sim­ple­ment avoir envie de jouer avec des enfants. L’affirmation de Simone Korff-Sausse insin­ue cepen­dant que la pul­sion sex­uelle pour des mineurs est quelque part dans cette liste, et pas néces­saire­ment en dernière posi­tion. Une tech­nique clas­sique à gauche, qui con­siste à faire croire que ses pro­pres vices sont en réal­ité cachés en chacun.

Simone Korff-Sausse martèle tout au long de sa tri­bune que cette pul­sion pédophile existe chez cha­cun de nous, y com­pris envers les bébés que nous auri­ons « envie de cro­quer, embrass­er, dévor­er, câlin­er, sucer, malax­er, pénétr­er, tri­t­ur­er. » N’allez pas croire que ces idées vous dégoû­tent. Non. Pour Libéra­tion, elles vous exci­tent. Au reste, elles ne sont pas à l’œuvre que dans les écoles et les lieux où l’on trou­ve des enfants, mais dans les rues, plus pré­cisé­ment sur les pan­neaux d’affichage pub­lic­i­taire. Il est habituel, pour ven­dre une crème ou des couch­es, d’afficher un bébé nu sur la poitrine de sa mère.

Une façon d’illustrer la douceur ou le bien-être sus­cité par le pro­duit que l’on veut ven­dre. D’après Simone Korff-Sausse, ces images sont « util­isées d’une manière équiv­oque pour sus­citer des besoins de con­som­ma­tion en exal­tant le pou­voir de séduc­tion de l’en­fant, par une util­i­sa­tion de la beauté trou­blante de son corps et de ce qu’il nous inspire. » Le procédé à l’œuvre dans cette thèse pour le moins étrange est clas­sique à gauche : tor­dre la réal­ité pour faire croire à ceux qui nous lisent qu’ils por­tent en eux le même vice que les auteurs, et que dès lors, ceux-ci ne sont pas con­damnables. En l’occurrence, on per­ver­tit la ten­dresse que l’on ressent pour un enfant, faisant croire que, parce que l’on voudrait le câlin­er, on voudrait le violer.

Voir aus­si : Libéra­tion et la pédophilie, une longue his­toire. Pre­mière partie

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