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Libération et la pédophilie, une longue histoire. Première partie

2 septembre 2024

Temps de lecture : 5 minutes
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Libération et la pédophilie, une longue histoire. Première partie

Temps de lecture : 5 minutes

La défense, on pour­rait dire la pro­mo­tion, de la pédophilie par Libéra­tion remonte aux lende­mains de la libéra­tion sex­uelle. Depuis quelques années, le quo­ti­di­en tente par à‑coups de mod­i­fi­er son image. Le sujet est d’autant plus impor­tant que le con­sen­te­ment est aujourd’hui une notion plus regardée qu’hier, et que l’on a établi qu’un enfant ne peut jamais con­sen­tir à une rela­tion sex­uelle avec un adulte. Check News, l’organe de Libéra­tion sup­posé faire du « fact-check­ing », mouille donc la chemise en répon­dant régulière­ment aux ques­tions des abon­nés, qui s’offusquent à juste titre de ce qu’a pu défendre Libéra­tion. Il affirme notam­ment que le titre « a con­sacré plusieurs pages » à l’affaire Matzn­eff, « sans omet­tre d’abor­der frontale­ment » les liens du média avec la pédophilie, dans une « salu­taire intro­spec­tion ». Pour­tant, le mea cul­pa de Libéra­tion est loin d’être exhaus­tif, et suit en réal­ité les scan­dales qui écla­tent les uns après les autres.

Les années 70 : quand Libération, défendait la pédophilie au nom de mai 68

Après mai 1968 et la libéralisation sexuelle, lorsque tout interdit et toute norme sont regardés avec suspicion, pour ne pas dire avec haine, la pédophilie devient une cause à défendre pour Libé. Les pétitions, tribunes et articles se succèdent.

Janvier 1977 : une pétition pour défendre les pédophiles

En jan­vi­er 1977, le jour­nal pub­lie une péti­tion ini­tiée par Gabriel Matzn­eff et signée par des per­son­nal­ités comme Louis Aragon, Bernard Kouch­n­er, Jack Lang, etc. La péti­tion défend trois hommes con­damnés à trois ans de déten­tion préven­tive pour atten­tats à la pudeur sur des mineurs de moins de 15 ans. Pour Libéra­tion, la puni­tion est large­ment dis­pro­por­tion­née parce qu’il n’y a pas eu de vio­lences. « Trois ans pour des bais­ers et des caress­es, ça suf­fit », s’offusque le texte. Il faudrait donc un change­ment de lég­is­la­tion, que Le Monde demande plus tard par une let­tre ouverte à la com­mis­sion de révi­sion du code pénal. Il faudrait recon­naître le « droit de l’en­fant et de l’ado­les­cent à entretenir des rela­tions avec les per­son­nes de son choix. » Cette let­tre sera signée par Jean-Paul Sartre, Michel Fou­cault, Simone de Beau­voir, Jacques Der­ri­da ou Françoise Dolto.  Les trois accusés sont encore défendus en mai 1977 par un encart pub­lic­i­taire dans le jour­nal pour le Front de libéra­tion des pédophiles, FLIP. Il rassem­blera env­i­ron trente per­son­nes qui cher­chaient avant tout une aide juridique et dis­paraî­tra au bout d’une unique réunion.

Un matraquage médiatique en faveur de la pédophilie

1977 est une année faste pour les pédophiles, tant Libéra­tion mul­ti­plie les textes, dans un matraquage médi­a­tique qui, s’il a aujourd’hui changé de thème, est loin d’avoir dis­paru. On peut citer les textes de Jean-Luc Hen­nig sur le corps éro­tique de l’enfant, la « Let­tre ouverte à tous les pédophiles » qu’il écriv­it en févri­er ou celle de mars qui plaidait pour la sex­u­al­ité des enfants. Libéra­tion se fait un hon­neur de défendre les adultes ayant eu des rela­tions sex­uelles avec des enfants, sous cou­vert de défense de la lib­erté. En 1978, puis en 1979, l’affaire Jacques Dugué fait couler beau­coup d’encre. Cet homme a été empris­on­né pour pros­ti­tu­tion et prox­énétisme de mineurs. Guy Hoc­quenghem, jour­nal­iste à Libé depuis quelques années, dont on sait aujourd’hui qu’il fut lui-même pédophile, défend Jacques Dugué en affir­mant qu’il n’y a eu « ni pros­ti­tu­tion ni prox­énétisme, mais un sim­ple atten­tat à la pudeur sur mineurs sans vio­lences. » Charge aux lecteurs de déter­min­er s’ils sont ras­surés qu’il ne s’agisse que de cela, ou inqui­ets qu’un jour­nal puisse sous-enten­dre que ce fait n’est pas si grave.

Christian Hennion, journaliste pédophile protégé par Libé

Ces péti­tions, arti­cles et pris­es de posi­tion, Libéra­tion les a regret­tées en 2001, dans une enquête dont le jour­nal se félicit­era large­ment. Une enquête qui ne porte guère que sur deux décen­nies, et oublie un point cru­cial, qui a eu lieu entre 77 et 86, soit exacte­ment pen­dant les années d’accointance entre Libéra­tion et la défense de la pédophilie. Il s’agit de l’emploi et de la pro­tec­tion de Chris­t­ian Hen­nion, qui vio­la Franck Demules pen­dant huit ans, de ses dix à ses dix-huit ans. Check News recon­naît l’information mais s’empresse de pré­cis­er que « elle n’a rien d’un scoop. Elle est con­nue du pub­lic depuis dix ans. » Cir­culez, il n’y a rien à voir. Cir­culer, c’est ce qu’a fait toute la rédac­tion à l’époque, quand Chris­t­ian Hen­nion paradait avec sa vic­time quo­ti­di­enne dans les locaux de Libéra­tion. Serge Jul­ly, directeur de pub­li­ca­tion à ce moment, se rap­pelle : « J’ai sou­vent croisé cet ado­les­cent, et il était dif­fi­cile de dire s’il était seule­ment le pro­tégé de Chris­t­ian Hen­nion, son fils adop­tif ou son amant. Et je n’avais pas cher­ché à appro­fondir. » Une manière d’admettre qu’au fond, tout le monde se moquait de savoir si Chris­t­ian Hen­nion vio­lait régulière­ment un mineur.

Sur la pédophilie, on peut plaisanter

Chris­t­ian Hen­nion, con­scient de l’état d’esprit de la rédac­tion, ne se cachait d’ailleurs guère, puisqu’il affir­mait pren­dre chaque soir des bains avec Franck Demules. La rédac­tion s’en amu­sait. L’affaire est d’autant plus scan­daleuse qu’aujourd’hui, une plaisan­terie est taxée d’injure sex­iste à la vitesse de l’éclair par ceux-là mêmes qui, deux généra­tions plus tôt, plaisan­taient sur des actes pédophiles. Une dis­tor­sion que recon­naît volon­tiers Béné­dicte Mei, employée admin­is­tra­tive au moment des faits :

« Je suis sidérée qu’on soit passé à côté de cela. On tapait du poing sur la table pour n’im­porte quoi, mais sur ça, on n’a rien fait. »

La défense des agresseurs plutôt que des victimes

Insécu­rité aujourd’hui, pédophilie hier, la gauche agit sur ces deux fronts en défen­dant les agresseurs plutôt que les vic­times. Ain­si, dans l’affaire Hen­nion, les actes pédophiles mal dis­simulés n’ont pas choqué. En revanche, lorsque l’avocat de la mère de Franck Demules s’insurge con­tre l’idée que le garçon soit mis sous la tutelle de Chris­t­ian Hen­nion parce que ce dernier est homo­sex­uel, on s’offusque. « Ça, par con­tre, ça avait choqué tout Libé. On était com­plète­ment irre­spon­s­ables à l’époque », recon­naît une jour­nal­iste de l’époque.

À suiv­re.

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