Nouveau round dans la bataille de chiffres que se livrent Libération et l’émission « Cash Investigation ».
Dans son émission du 2 février 2016, « Cash » s’était penché sur la délicate question des pesticides, en affirmant avec tambours et trompettes que 97 % de nos aliments en contenaient. Pour justifier cette sentence, l’émission présentée par Élise Lucet s’appuyait sur un rapport de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (Efsa) de 2013.
Une étude qui a été visiblement mal lue au point d’attirer l’attention de la rubrique « Désintox » de Libé. D’après le quotidien, le rapport stipulait que « 97,4 % des échantillons ne dépassent pas les limites de pesticides autorisées par l’UE (maximum residue level, MRM) alors que 2,6 % les dépassent ». Une différence qui change tout, car sur ces 97 %, 54,6 % ne contiennent « aucun résidu détectable ».
Pour sa défense, « Cash » avait argué que ces 54,6 % contenaient en réalité des pesticides mais « en quantité non mesurable ». Pour Libé, ça n’est toujours pas suffisant. Revenant à la charge, « Désintox » estime que l’émission « a toujours tort ». « Martin Boudot se trompe. Dans les 54,6%, il y a bien certains aliments qui présentent des traces de pesticides en quantité tellement infimes qu’on ne peut pas les quantifier… mais il y en a aussi, contrairement à ce qu’il affirme, qui n’ont donné lieu à aucune détection du tout », explique l’article.
Aussi, Libération appelle en renfort une autre étude, celle de la Direction Générale de l’Alimentation (DGAL) datant de 2012. Fondée sur des analyses plus poussées, celle-ci avance que « 10% des échantillons examinés ont été jugés “non conformes” (dépassant les limites légales autorisées), 38% contenaient des résidus “quantifiables dans les normes”, 5% contenaient des traces de résidus “non quantifiables” et… 47% n’ont donné lieu à aucune détection de résidus. »
Pour « Désintox », il n’est pas question pour autant de déduire que « 47% des végétaux en général ne contiennent aucun résidu, parce que ces chiffres de la DGAL valent pour une année donnée, et dépendent aussi de l’échantillonnage ». Malgré tout, Libé juge cette estimation bien plus « réaliste » que les 97 % cités par « Cash Investigation ».
« Comme quoi il est possible de relever des risques réels, sans faire dire n’importe quoi à des chiffres », conclut l’article, insinuant sans doute que l’émission d’Élise Lucet s’est peut-être un peu trop tournée vers le sensationnel aux dépens de la rigueur journalistique…