Le journaliste Jean-François Achilli de l’antenne de France Info a été suspendu « à titre conservatoire » après la révélation du journal Le Monde selon laquelle il aiderait Jordan Bardella à écrire un livre.
C’est un article publié par le journal Le Monde le 13 mars sous la plume d’Ariane Chemin et Clément Guillou qui a mis le feu aux poudres. On y apprend que le président du Rassemblement national aurait démarché Jean-François Achilli « avant l’été [2023], pour un ouvrage commun ». Le journaliste, éditorialiste politique à France Info aurait alors refusé mais, « selon les informations du Monde », aurait aidé la tête de liste aux élections européennes et « travaillé dans l’ombre, accouchant Bardella de ses souvenirs, permettant ainsi à un début de texte de voir le jour ». Interrogé par le quotidien, Jean-François Achilli affirme ne pas avoir signé de contrat d’écriture pour le livre de Jordan Bardella.
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Une corporation « pas très corpo »
Le journaliste du service public et par ailleurs membre du jury du Prix du livre politique a donc fait les frais d’une annonce de ses confrères et se voit suspendu « à titre conservatoire » de France Info. Une décision prise le lendemain de l’article du Monde après que le directeur de la l’info de Radio France et de France Info Jean-Philippe Baille ainsi que le directeur de la rédaction de France Info Phillipe Rey ont rencontré le principal intéressé.
La suspension est opérée « le temps de clarifier la situation ». Un de ses confrères, interrogé par Le Monde, estime que le contact entretenu avec Jordan Bardella est analogue à celui qu’« il noue avec les politiques de tous bords dans le cadre de l’exercice de son métier ».
La profession, d’ordinaire assez corporatiste ne s’est pas montré très solidaire du confrère. Ainsi la société des journalistes a publié un communiqué dans lequel elle estime que si les faits sont avérés, « il s’agirait d’un grave conflit d’intérêts » et d’un « manquement grave à la déontologie de notre profession, qui pourrait ternir la réputation d’impartialité de la rédaction de France Info » avant de réclamer une rencontre Jean-Philippe Baille.
Une réaction qui n’a pas manqué de provoquer un commentaire de Jordan Bardella. Ce dernier a dénoncé : « ces méthodes pratiquées par le service public sont dignes des pires régimes et font honte à la démocratie ».
La paille (potentielle) Achilli et la poutre Salamé
Le petit monde journalistique parisien est agité depuis plusieurs mois par les soupçons d’ingérence étrangères, comme avec l’affaire Rachid M’Barki, mais aussi des « ménages », le fait pour un journaliste d’offrir des prestations à des clients privés ou étatiques.
Lors de sa nomination à Radio France, Jean-Philippe Baille avait affirmé vouloir « redonner confiance aux Français en leur information » et rappelé publiquement que les salariés de la radio devaient informer et faire valider leurs collaborations extérieurs. Dans le cas de Jean-François Achilli, il sera compliqué pour la direction de prouver une « collaboration » faute de contrat.
La question des conflits d’intérêts connaît cependant des traitements asymétriques. Ainsi le député Rassemblement national Laurent Jacobelli a‑t-il rappelé, à l’instar de nombreux internautes, sur le plateau de BFMTV : « comment tolérer qu’un journaliste soit mis à pied car il est « soupçonné » de s’être entretenu avec le leader de l’opposition alors que Léa Salamé, compagne de la tête de liste PS aux européennes, officie toujours sur le service public ? ».
Et pour cause, Léa Salamé compagne de Raphaël Glucksmann officie toujours sur la télévision publique dans le cadre d’émissions politiques. Par ailleurs, la proximité des familles Duhamel et Saint-Criq avec le ministre Oudéa-Castéra n’a pas suscité un grand émoi dans les arcanes du service public.
Voir aussi : Léa Salamé, portrait