Les chiffres sur le nombre de migrants arrivés clandestinement en Europe en 2020 sont désormais connus. Ils montrent qu’en dépit de la pandémie de coronavirus, en dépit des confinements et autres couvre feux imposés aux populations européennes, en dépit de la crise économique qui commence à faire des ravages, les clandestins arrivent toujours massivement et en toute liberté en Europe. Les médias de grand chemin rivalisent de paraphrases et autres formules euphémisantes pour éviter de présenter le deux poids deux mesures imposé aux populations européennes : d’un côté des mesures strictes de restriction des déplacements des Européens, de l’autre, un aller simple de nombreux extra-Européens pour l’Europe. Revue de presse.
C’est en mode « vibreur » que l’actualité de l’immigration clandestine est couverte par les médias de grand chemin. Que cela concerne les franchissements illégaux des frontières européennes ou la pression aux frontières intérieures de la France, les migrants sont présentés comme des victimes des pays où ils viennent d’arriver clandestinement. Cette discrétion et cet exercice de contrition sont peut-être le début de l’explication du peu de réactions dans l’opinion publique et des décideurs politiques à ce sujet.
Les chiffres communiqués par les médias sont les plus bas
Pour présenter le nombre d’entrées illégales en Europe en 2020, de nombreux médias reprennent à leur compte les chiffres communiqués par l’agence européenne des garde côtes et garde-frontières Frontex.
La baisse de ce nombre en 2020 par rapport à 2019 est présentée de manière obsessionnelle.
Ouest-France, RFI et d’autres titres soulignent que l’on assiste à une « baisse des arrivées de migrants illégaux dans l’Union européenne en 2020, selon Frontex ».
Aucun titre ne relève que le décompte réalisé par le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations Unies du nombre de « réfugiés » et de migrants arrivés clandestinement par la mer et la terre en Europe fait apparaitre 92 256 arrivées clandestines en Italie, en Espagne et en Grèce, un chiffre bien supérieur à celui communiqué par Frontex, 78 278 (sans tenir compte des 26 928 entrées illégales par les Balkans recensées).
Nombre d’arrivées selon le UN HCR
Italie | Espagne | Grèce | Total | |
2019 | 12 221 | 32 513 | 74 613 | 119 347 |
2020 | 34 862 | 41 861 | 15 533 | 92 256 |
Source : UN HCR Refugees situation
Nombre d’arrivées selon FRONTEX
Italie | Espagne | Grèce | Total | Balkans | |
2020 | 35 628 | 16 969 | 19 681 | 78 278 | 26 928 |
Source : Communiqué de presse Frontex, 8 janvier 2021
Le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations Unies apporte des précisions au sujet de la nationalité des migrants. Ceux qui arrivent en Italie sont surtout des Tunisiens et des Bangladais. Ceux qui arrivent en Espagne viennent essentiellement d’Algérie et du Maroc. Alors que Ouest-France ne cite que la nationalité des clandestins empruntant la route des Balkans, où les Syriens sont majoritaires, l’information sur l’origine des clandestins arrivant en Espagne et en Italie est absente de l’article et ne permet pas de constater que ces derniers viennent de pays qui ne sont pas en guerre.
Une autre information manque dans les articles qui présentent les chiffres de Frontex sans réserve : l’immigration clandestine qui arrive par la mer et la terre en Europe ne représente qu’une partie émergée de l’iceberg. En effet, les extra-Européens arrivés légalement en Europe sont nombreux à ne pas repartir à l’issue d’un séjour pour lequel ils ont eu un titre en bonne et due forme. Une précision utile soulignée notamment par Patrick Stefanini, un ancien haut fonctionnaire qui a eu en charge l’immigration au sein de ministères, dans un récent essai chroniqué notamment par le site Polémia.
Mais au final, le lecteur de Ouest France et du site de RFI aura été rassuré par l’information de la baisse en 2020 du nombre d’arrivée de clandestins en Europe. N’est-ce pas ce qui compte ?
La très forte hausse des arrivées clandestines en Italie minimisée
En Italie, l’année 2020 est la première année « pleine » sans Matteo Salvini au ministère de l’intérieur. Un ancien ministre attaqué en justice pour avoir refusé de laisser accoster un bateau d’une ONG chargé de clandestins, nous apprend le journal suisse Le Temps, dans des termes certes plus politiquement corrects. Un journal qui donne la parole à l’ONG Open Arms, mais pas à Matteo Salvini. Et cela malgré les fortes critiques dont a fait l’objet l’ONG notamment du gouvernement espagnol pour ne pas coopérer avec les États.
France 24 consacre un article en août 2020 aux arrivées de migrants en Italie, « en forte hausse » mais « (elles) restent inférieures à 2017 ». Tout va bien, les deux années de référence retenues, 2017 et 2020, font l’impasse sur le mandat de Matteo Salvini, qui n’était pas aux manettes ces années-là. Un moyen commode de passer sous silence le résultat catastrophique du changement de doctrine du gouvernement italien, qui désormais laisse accoster les bateaux des clandestins et des ONG. Ce qui se traduit par une hausse des arrivées entre 2019 et 2020 que la chaine d’information se garde bien de présenter.
Challenges a également comme préoccupation de ne pas effrayer le lecteur avec des informations anxiogènes. Pour relativiser le titre de l’article paru en août 2020 : « Augmentation des arrivées de migrants en Italie », on apprend que ce nombre est « stable ». Mais cette « stabilité » sur la période de janvier à juillet est comparée à l’année 2015 avec 95 000 entrées enregistrées.
Challenges se garde bien de souligner que 2015, c’était l’année de ladite crise des migrants qui a vu un afflux considérable de clandestins en Europe.
Alors que la crise économique et sanitaire sévit en Italie et plus largement en Europe, le site d’information Europe Infos nous apprend que « la pression augmente sur l’Italie pour qu’elle abolisse les navires de quarantaine pour migrants ». Une information essentielle est donnée : « de nombreux migrants ont déclaré qu’ils n’avaient reçu aucune information sur l’endroit où aller après avoir quitté les navires » de quarantaine.
L’article ne précise pas que certains clandestins savent où aller, comme le Tunisien fraichement débarqué en Italie qui a gagné la France pour assassiner au couteau trois personnes dans la Basilique Notre-Dame de l’Assomption à Nice le 9 octobre. La période de quarantaine imposée aux migrants que les autorités italiennes ont réussi à intercepter est présentée comme faisant l’objet d’une « pression » dont l’origine n’est pas présentée, alors qu’il s’agit encore et toujours du lobby immigrationniste qui a l’oreille des médias de grand chemin.
En Espagne, les Îles Canaries prises d’assaut
Il fut un temps, pas si lointain, où les iles Canaries était une destination privilégiée des vacanciers. A en lire les médias de grand chemin, les restrictions des déplacements pour se rendre dans ce lieu de villégiature concernent les Européens, mais pas les Africains.
Le site d’information Visa Algérie souligne le 2 janvier que l’Espagne a fait face à des « arrivées record d’Algériens en 2020 ». Alors que ces derniers sont nombreux à arriver sur les côtes des Iles Baléares, de Murcie, d’Almeria et Grenade, on apprend que ce sont les Marocains qui sont les plus nombreux à arriver en Espagne, en particulier dans les iles Canaries.
Un début de réaction des autorités espagnoles verrait-il le jour ?
France Terre d’asile présente le 16 novembre 2020 le souhait de Madrid et de Bruxelles d’augmenter les retours, afin « que les îles Canaries ne deviennent pas un « nouveau Lesbos » face à l’accélération des arrivées ».
Visa Algérie nous informe le 23 décembre que le gouvernement espagnol a affrété trois bateaux pour expulser des Algériens. Mais à ce jour, cette annonce n’a pas trouvé de concrétisation, en dépit d’une hausse de…500 % des migrants arrivant dans les îles Canaries en 2020 par rapport à 2019, selon Euractiv le 6 octobre.
À la frontière franco-italienne, les migrants sont des victimes
Capital consacre le 6 septembre un article à « la pression migratoire à la frontière italienne », qui se manifeste notamment par une importante augmentation des interpellations d’étrangers en situation irrégulière.
Alors que les Français subissent couvre-feux et confinements pour enrayer la propagation du coronavirus, les restrictions d’entrées sur le territoire français des clandestins n’ont pas bonne presse. Peu importe le contexte, ce qui préoccupe France 3 le 2 janvier 2021, ce sont des « violences au poste frontière de Menton », beaucoup moins l’afflux incontrôlé d’extra-Européens attirés par l’État providence français. Cédric Herrou, le passeur compulsif de migrants à la frontière franco-italienne, est toujours la coqueluche des médias. Il fait la une de plusieurs articles, notamment dans le Monde qui a pris pour l’occasion un « apéro » avec « l’agriculteur militant ».
On a retrouvé Franco à la frontière franco-espagnole
Les contrôles à la frontière franco-espagnole n’ont également pas bonne presse. Ils seraient renforcés selon Infomigrants le 16 novembre.
Mais pour France bleu le 15 juin 2020, ce ne sont pas des « contrôles » mais une « fermeture ». Une personne qui doit franchir la frontière pour se rendre dans sa résidence en Espagne évoque une « impression de revenir à l’époque de Franco ». Un reductio ad hitlerium ou ad francum en moins de 5 secondes, chapeau bas à la radio de service public pour cette comparaison tout en finesse.
La sanctuarisation de l’immigration illégale
Outre la présentation de l’immigration clandestine sous un angle purement humanitaire, on apprend à la lecture de certains articles qu’en dépit de la pandémie de coronavirus et de la grave crise économique qui sévissent en Europe, l’immigration illégale est sanctuarisée. Cette « sanctuarisation » et pérennisation passe par des jugements favorables aux clandestins, par l’arrêt de éloignements et la mise en accusation de Frontex pour faire son travail de garde-frontière et de garde-côtes.
Au rayon justice, le risque de contamination dans son pays d’origine peut justifier que la justice italienne accorde à un clandestin une protection humanitaire, nous informe Infomigrants le 28 décembre 2020.
Le Figaro précise dans son édition du même jour que « les juges ont expliqué dans des ordonnances déposées juste avant Noël qu’ils évalueraient désormais au cas par cas les dossiers de migration en prenant en compte la situation du pays d’origine du point de vue de l’épidémie de coronavirus ».
Le droit au service de l’immigration toujours concernant Frontex. Les refoulements de clandestins par le corps de garde-frontières et garde côtes fait l’objet de fortes attaques. Le site d’information Euractiv nous informe le 29 octobre que « Bruxelles veut des explications de Frontex », qui est accusé « de procéder à des refoulements illégaux de migrants ». L’observateur attentif aura noté que ce sont les refoulements qui sont qualifiés d’illégaux et pas les clandestins…
Plus récemment, Ouest-France nous apprend le 12 janvier que « l’office européen de lutte antifraude, a ouvert une enquête contre Frontex ». « Une perquisition a été menée dans les locaux de l’agence européenne basée à Varsovie ». Voilà une affaire rondement menée…
Alors que les refoulements semblent bannis par l’Union européenne, les éloignements des étrangers en situation irrégulière sont rendus difficiles pour une autre raison : Infomigrants nous apprend le 13 août que « « beaucoup de pays ont effet fermé leurs frontières en raison de la crise du Covid-19 ». Mais rassurez-vous, les pays dont il est question, ce ne sont pas les pays européens, ce sont les pays d’origine des migrants qui refusent de voir revenir leurs ressortissants.
Ce qui amène une intervenante juridique en centre de rétention à indiquer à Infomigrants en août : « Ces personnes (en centres de rétention administrative NDLR) continuent d’être enfermées et n’ont pas de perspective d’éloignement ».
Redoublement du déferlement migratoire en perspective
Et la situation ne devrait qu’empirer en 2021 : on apprend dans plusieurs articles que les bateaux des ONG croisant en méditerranée pour amener les migrants en Italie sont de plus en plus nombreux : Sea Eye 4, Open arms, Mare Jonio 2, Ocean Viking. Les articles nous apprennent que ces bateaux ont des capacités accrues par rapport à précédemment et davantage de moyens technologiques, grâce notamment à des aides publiques, comme le souligne Le Télégramme.
Ces informations sont-elles inquiétantes ? Rassurez-vous, l’attention des médias sur la migration a fortement diminuée en Italie selon une étude faite par une fondation présentée par Infomigrants.
C’est bien en mode vibreur que l’immigration clandestine va pouvoir redoubler dans un continent européen mis à l’arrêt en raison de la crise sanitaire. Ne comptons pas sur les médias dominants pour présenter ces incursions clandestines négativement.
La deuxième partie de cette revue de presse sera fort logiquement consacrée à la couverture médiatique de la répartition des migrants sur le territoire français. A suivre.