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L’inéligibilité de Marine Le Pen divise les médias

9 avril 2025

Temps de lecture : 5 minutes
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L’inéligibilité de Marine Le Pen divise les médias

Temps de lecture : 5 minutes

Le bar­rage répub­li­cain sem­ble pren­dre l’eau : jusque dans les rédac­tions, qui sont pour­tant faites d’un bois rude. L’inéligibilité de Marine Le Pen fait couler beau­coup d’encre, et celle-ci tend par­fois vers le bleu marine.

Une dénonciation du gouvernement des juges

Mar­i­anne a pub­lié la tri­bune de Jean-Eric Schoet­tl, ancien secré­taire général du Con­seil con­sti­tu­tion­nel, titrée « Le Pen inéli­gi­ble : les juges se rebel­lent con­tre le Con­seil con­sti­tu­tion­nel… et con­tre les électeurs ». Cette tri­bune émet l’hypothèse que le tri­bunal judi­ci­aire de Paris, qui a pronon­cé une inéli­gi­bil­ité de cinq ans con­tre Marine Le Pen, ait « out­repassé ses prérog­a­tives ». Selon Jean-Eric Schoet­tl, la déci­sion, « juridique­ment dis­cutable, poli­tique­ment lourde », « soulève de sérieuses ques­tions sur le respect du droit d’éligibilité, la sou­veraineté pop­u­laire… et la ten­ta­tion d’un gou­verne­ment des juges. » Il con­clut en rap­pelant que « en démoc­ra­tie, c’est à l’électeur de dire qui est digne de ses suf­frages. Nous bas­cu­le­ri­ons dans le gou­verne­ment des juges si nous admet­tions que le peu­ple est inca­pable de dis­cerne­ment moral et qu’il appar­tient en con­séquence à la mag­i­s­tra­ture de fil­tr­er les can­di­dats selon l’idée qu’elle se fait de leur vertu. »

Pour les médias de droite, une décision politique

Le Point, de son côté, pub­lie une inter­view d’Alain Jakubow­icz, ancien prési­dent de la Licra. Il se dit « aba­sour­di », assure que « l’inéligibilité immé­di­ate de Marine Le Pen est un coup porté à l’État de droit » et « con­sid­ère que cela porte atteinte à la pré­somp­tion d’in­no­cence, même dans un dossier acca­blant. Je com­prends pourquoi le RN, Marine Le Pen et ses proches par­lent d’une déci­sion poli­tique. » Alain Jakubow­icz ne mâche pas ses mots et par­le d’une « énorme sot­tise », d’un pré­texte « ridicule et insul­tant pour l’intelligence ». Il estime cepen­dant que les faits reprochés à Marine Le Pen sont graves et que son élec­torat aurait dû être « heurté par sa cul­pa­bil­ité ». « Cet élec­torat est telle­ment acquis à sa cause qu’il ne perçoit pas la grav­ité des faits. Ce ne sont plus des électeurs mais des “afi­ciona­dos”, des “groupies” », assène-t-il, ajoutant qu’on « observe le même phénomène chez Jean-Luc Mélenchon ».

Le Figaro rejoint Alain Jakubow­icz sur la lec­ture du ver­dict comme un coup poli­tique. Dans son édi­to, Vin­cent Tré­mo­let de Villers affirme ain­si que « en France, la tolérance zéro, cette exi­gence de la droite et du Rassem­ble­ment nation­al, ne s’applique jamais, sauf dans des cas excep­tion­nels. Avant-hier François Fil­lon, hier Nico­las Sarkozy, aujourd’hui Marine Le Pen. Le max­i­mal­isme judi­ci­aire est chirur­gi­cal et tombe tou­jours du même côté. Cela va finir par se voir… ». Nico­las Beytout quant à lui, affirme dans son édi­to­r­i­al pour L’Opinion que « la jus­tice fait entr­er le pays dans un moment de grand dan­ger démocratique. »

La révolte gronde, mais à qui la faute ?

Cer­tains médias aiment dépein­dre le Rassem­ble­ment nation­al comme un dan­ger pour la démoc­ra­tie. La manœu­vre est util­isée jusqu’à l’abus à chaque élec­tion, mais on peut égale­ment se sou­venir de Mar­lène Schi­ap­pa qui, en plateau TV, avait qual­i­fié le RN de « par­ti de putschistes » lors de la pub­li­ca­tion de la tri­bune des généraux. Dans l’affaire de l’inéligibilité de Marine Le Pen, France info cite ses électeurs qui « se dis­ent prêts à “se révolter” en cas de con­damna­tion ». Au reste, Vin­cent Tré­mo­let de Villers aver­tit égale­ment dans Le Figaro con­tre « la vex­a­tion éli­taire, qu’elle soit médi­a­tique, cul­turelle ou judi­ci­aire » qui « est l’engrais le plus effi­cace pour faire pouss­er l’insurrection civique. » Pour France info, gare au Rassem­ble­ment nation­al car ils sont mau­vais. Pour Le Figaro, gare au Rassem­ble­ment Nation­al car ils sont Français. Et les Français savent faire la révolution.

Cer­tains titres prof­i­tent égale­ment de l’affaire d’inéligibilité de Marine Le Pen pour rap­pel­er, comme La Tri­bune, que « une affaire sim­i­laire a touché le MoDem », c’est-à-dire le par­ti présidé par François Bay­rou, Pre­mier min­istre. Le Figaro, lui, rap­pellera que La France Insoumise est dans le même bour­bier, et que cela peut expli­quer la réac­tion de Jean-Luc Mélen­chon au ver­dict. Selon lui, « la déci­sion de des­tituer un élu devrait revenir au peu­ple ». Les soupçons qui pèsent sur le MoDem expli­queraient quant à eux le fameux « trou­ble » de François Bayrou.

L’occasion de ressortir les dossiers

Comme d’habitude lors des procès de per­son­nal­ités poli­tiques, d’autres médias sor­tent avec gour­man­dise dif­férentes sor­ties des mem­bres du Rassem­ble­ment nation­al. Libéra­tion, rap­pelle ain­si le temps où « Jor­dan Bardel­la bouchait l’avenir par­lemen­taire de Marine Le Pen » en affir­mant que ne pas avoir de con­damna­tion dans son casi­er judi­ci­aire était selon lui une règle numéro 1 pour être élu par­lemen­taire. Le même arti­cle rap­pelle que Marine Le Pen, 21 ans plus tôt, en 2004, accu­sait les par­tis d’avoir « piqué de l’argent dans la caisse », et qu’elle demandait en 2013 l’inéligibilité à vie des élus qui seraient con­damnés pour des faits com­mis au cours de leur mandat.

Marine Le Pen écartée, il reste Jor­dan Bardel­la. Pour le moment, on ne voit pas trop qui d’autre, au Rassem­ble­ment nation­al, pour­rait porter la flamme à l’élection prési­den­tielle. Cer­tains titres écor­nent son image. Chal­lenges affirme, dans l’éditorial de Nico­las Dom­e­n­ach, que « cha­cun sait, jusqu’au sein du Rassem­ble­ment Nation­al qu’il n’a pas la dimen­sion prési­den­tielle » et que « en dépit de ses suc­cès aux européennes il n’avait déjà pas celle de chef de gou­verne­ment, alors qu’il y pré­tendait en se met­tant sur la pointe des pieds. » Macron est devenu prési­dent à 37 ans et, de toute évi­dence, il s’agit là d’une lim­ite d’âge car « La pop­u­lar­ité n’est pas une prési­den­tial­ité surtout quand font défaut les par­cours de vie qui font appren­dre la vie. On n’est pas sérieux quand on a 29 ans », con­clut Chal­lenges. À suivre…

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