La création de ce nouveau site d’investigation économique avait été annoncée en septembre et a été possible grâce aux deniers de Xavier Niel. Actionnaire majoritaire du tout nouveau l’Informé, finalement lancé le 21 octobre, le fondateur de Free Telecom se retrouve dès le 25 octobre dans le viseur de ce média, qui publie un article sur la condamnation de Free à un redressement fiscal pour avoir abusé de la TVA à tarif réduit.
Niel, parrain idéal
Après son bras de fer perdu face à Rodolphe Saadé pour le rachat de La Provence, Xavier Niel, à la tête d’un empire économique et médiatique, semblait avoir trouvé une petite consolation en étant aux avant-postes de la création du journal économique d’investigation en ligne l’Informé, spécialisé dans « l’enquête et le scoop ».
Niel a pour projet d’héberger le capital investi dans ce nouveau pure-player sous l’égide de sa fondation « Pour l’indépendance de la presse », qui comprend déjà ses participations dans les médias suivants : Le Monde, L’Obs, France-Antilles, Nice-Matin et Paris-Turf. Cette fondation consiste en une structure créée en 2021 par Xavier Niel vers laquelle il a fait migrer pour un euro symbolique ses anciennes participations de sa holding NJJ Presse.
Des « gages de liberté et d’indépendance » donnés par Niel
En septembre, les futurs membres de l’équipe de l’Informé étaient confiants sur un point : ils pourraient exercer leur travail sans que leur bienfaiteur milliardaire Niel n’ait son mot à dire sur la ligne éditoriale et les contenus publiés. Ils étaient fiers d’avoir gravé cette indépendance dans le marbre de leurs statuts.
Xavier Niel aurait parfaitement accepté ce principe, alors que Gilles Tanguy, un ancien de Prisma Media et de Capital.fr qui dirige désormais l’Informé, se félicitait de la participation de la Société des Journalistes (SDJ) dans le projet à hauteur de 34% des parts. Selon lui, la SDJ « pourra s’opposer à un changement d’actionnaire et aura un droit de veto sur la nomination du directeur de la rédaction […] et Xavier Niel ne pourra intervenir en rien dans la ligne éditoriale ». Belles paroles ou convictions sincères ? Quoi qu’il en soit, l’Informé n’aura pas tardé à faire parler de lui sur le terrain de l’indépendance.
Un début sur les chapeaux de roues
À peine quatre jours après son lancement, l’Informé publie un article traitant des déboires de Xavier Niel avec l’administration fiscale : « Free épinglé par le fisc pour avoir abusé de la TVA à taux réduit. L’opérateur télécoms a fait l’objet d’un important redressement fiscal pour avoir profité d’un taux à 5,5% sur les livres numériques. »
Réservé aux abonnés de ce nouveau média fonctionnant sans publicité (9,99 euros par mois avec un objectif de 50 000 abonnées dans cinq ans), l’article déclenche des réactions en chaîne dans les médias de grand chemin, Xavier Niel et l’Informé faisant l’objet de nombreuses publications. Le site est lancé de manière fructueuse, le directeur de la rédaction, qui chapeaute une quinzaine de journalistes, affirmant que « le démarrage [est] très supérieur à [ses] espoirs et à [ses] attentes. »
Réelle indépendance ou jeu de dupes ?
Le patron de la rédaction de l’Informé, Gilles Tanguy, prétend ne pas avoir demandé l’accord de Xavier Niel pour la publication de cet article. Il affirme même que conformément aux pratiques du métier, la société Free a été contactée pour qu’elle puisse donner son point de vue. Sans succès, Free n’ayant pas jugé opportun de réagir…
Tanguy persiste et signe : bien qu’il soit actionnaire du média, Xavier Niel est un sujet comme les autres et doit aussi pouvoir être la cible d’articles « corrosifs et négatifs ». Il ne révèle par ailleurs pas le montant de la participation de Niel et explique qu’elle sera ajustée en fonction de la part du financement que permettront les abonnements. Plus le nombre d’abonnés (« plusieurs centaines pour le moment ») sera élevé moins le milliardaire aura à mettre la main à la poche.
Difficile de penser sérieusement que l’influence de Niel dans le monde des affaires sera mise en danger par cet article, mais il est en revanche sûr que l’Informé réalise un beau coup avec cette publication, qui apporterait selon Tanguy les preuves de l’indépendance de son bébé médiatique dont le démarrage ne peut être plus réussi.