Rediffusion estivale 2020. Première diffusion le 5 juin 2020
L’Instant M, c’est chaque samedi un petit quart d’heure d’informations sur l’actualité des médias, mené par Sonia Devillers. Son axe éditorial ? « Saisir au bond tout ce que réseaux sociaux et chaînes continues ont profondément bouleversé : le traitement de l’info, le poids des petites phrases et le choc des images. » L’idée n’est pas mauvaise en soi, sauf que l’émission est rarement dans cet axe. Celle qui a été diffusée le 23 mai 2020 en est presque une caricature.
L’OJIM se penche régulièrement sur France Inter et sur L’Instant M. Par exemple, ici :
- L’Instant M liste les mal-pensants
- L’Instant M n’aime pas le Brexit
- L’Instant M s’entraîne pour de futures collaborations avec la loi Avia en étudiant le conspirationisme
- Pour un portrait de la journaliste c’est par ici
Évidemment, il ne s’agit pas de remarquer ce qui, selon l’axe de l’émission publié sur le site de France Inter, pourrait conduire à surveiller ce qui est dit durant ce quart d’heure, tout au contraire puisque L’Instant M est déjà et par nature l’un des outils au service de toutes les lois de type Loi Avia du futur proche. Et de toutes les visions médiatiques officielles, comme France Inter en règle générale.
État partout, liberté d’opinion nulle part ?
Le 23 mai 2020, L’Instant M informe sur les médias. Mais pas n’importe lesquels : ceux de France Télévisions. C’est ainsi que l’invité de ce samedi-là est le directeur général de France Télévisions, Takis Candillis.
L’émission commence, pour faire bonne mesure, ou faire semblant, par une analyse des conséquences du confinement et de la crise qui en découle sur le modèle économique, fondée sur la publicité, des chaînes privées de télévision. Au programme TF1, RMC, etc… Mais aussi sur le modèle économique des chaînes par abonnement. Constat : « Quand le contenu correspond à une attente, les gens sont prêts à payer ». Une notion très étrange que celle de « l’attente des gens » : qui, quand, quoi, comment se détermine-t-elle ? Qui sont « les gens » ? La preuve viendrait des abonnements « pris en masse » sur certaines plateformes comme Netflix ou Disney (il faut dire que le matraquage publicitaire a été massif, il faut le dire mais L’Instant M ne le dit pas). Cet accroissement des abonnements en ligne vaudrait aussi pour la presse : ceux du New York Times auraient « explosé » durant le confinement, aux États-Unis. Et « selon les informations de l’émission, ce serait aussi le cas du Monde et de Médiapart ». Des médias amis (il n’y en a pas d’autres qui ont gagné des abonnés ?), et au passage une petite publicité gratuite et amicale.
Médias publics et copinage bis
Du coup, le véritable sujet arrive : que vont devenir les médias publics qui, eux, « ne dépendent que de la volonté de l’État d’avoir un audiovisuel public fort ? ». Même Boris Johnson voudrait maintenant relancer la BBC. Bojo est redevenu sympa… En France, pareil France 4 pourrait-elle survivre, tant la chaîne à permis de ranger les gamins devant Lumni, la chaîne qui propage la propagande officielle dans les établissements scolaires ? Le remplaçant de Francetv éducation. Outre ce lien, taper Francetv éducation dans le moteur de recherche de l’OJIM montrera combien les ressources recyclées dans Lumni sont orientées.
L’entretien avec Takis Candillis ne vient en réalité par faire le point sur la situation économique ou le modèle des chaînes publiques. C’est une forme de publicité ou d’information : le directeur général déroule le programme qui vient, celui des prochains mois, avec titres d’émissions, noms de jeux, de séries, tout ce qu’il faut pour que chacun sache qu’il peut appuyer sur sa télécommande : L’Instant M, ce jour-là, c’est le Télé Loisirs de France Télévisions.
Sonia Devillers insiste : les programmes reprennent ! Le « frais » reprend ! Et la nouvelle grille sera mise en œuvre en janvier, que l’on se tienne prêt.
On parle… « produits frais » et « approvisionnements » qui reprennent, ce sont les mots prononcés. Voilà qui devrait interpeller un ministre de la culture qui se respecte, en France.
On parle aussi de bien prendre en compte la « fonction ludique » et « éducative » : il faut que les écoles aient accès à des programmes bien formatés. Pas sur France 4, finalement, car la chaîne ne reprendrait pas forcément (Takis le laisse amplement entendre). C’est cela qui ne plaît pas à Sonia Devillers, qui eut bien aimé que France 4 poursuive son audience ridicule.
Finalement ? Une semaine de préparation, de salaires, de dépenses au sein de France Inter pour… si peu. Que dit, qu’apprend L’Instant M sur les médias ? Rien, sinon que le monde qui doit être censément « réinventé », selon les mots du président de la république, et donc l’être dans les chaînes et les radios d’État, sera le monde d’avant légèrement accentué, avec plus de « produits » en guise d’émissions et toujours plus d’outils de propagande mis à disposition des enseignants.