La lutte pour le monopole de « la vérité », dans le cadre de l’information, par le biais du combat idéologique contre les vérités (nombreuses) ou les informations (tout aussi nombreuses) qui dérangent, est devenue une occupation majeure des médias officiels, occupation d’autant plus utile qu’elle provoque la naissance de nouveaux médias, et donc de nouveaux emplois dans une sphère journalistique en souffrance qui en avait bien besoin. Cette capacité de redéploiement semble être devenue une politique centrale dans la stratégie médiatique menée par France TV.
Un œil sur France TV
L’OJIM garde un œil sur France TV. Un média appartenant à un État n’est pas n’importe quel média (c’est ce que disait Emmanuel Macron en 2017 au sujet de la Russie, cela doit bien valoir aussi pour la France).
Exemples récents d’observations menées par l’OJIM au sujet de France TV :
Ce n’est qu’un aperçu…
France TV se met au format des djeuns : l’intox, c’est vous
La chaîne de télévision de l’Etat français a compris depuis peu, avril 2019 en réalité, que la jeunesse regarde de moins en moins de longs formats, plutôt des formats courts et incisifs (de 7 à 12 minutes). Elle semble aussi comprendre que cette même jeunesse n’appuie guère sur les boutons de la télécommande, préférant utiliser internet. Il n’en fallait pas plus pour que naisse « L’intox c’est nous », une série télévisée de documentaires visant à ce que nous devenions tous sensibles à un statut qui semble nous avoir conquis à notre insu : nous collaborerions avec l’intox… Autrement dit, sans notre partenariat, pas de « fake news ».
Le pitch : « Face à une fausse information, on se pense souvent extérieur à la chose, on se demande d’où elle vient ? Qui l’a produite ? Pourquoi ? Sauf qu’aujourd’hui le paradigme a changé et, dans l’écosystème numérique, nous ne sommes plus extérieurs à la désinformation, nous en sommes toutes et tous les relais potentiels ».
L’épisode 1 de la série L’intox c’est nous est titré : Bienvenue dans la jungle.
Le propos :
- Pitch : « L’ère du numérique est marquée par l’omniprésence des informations. Les informations sont là, partout, tout le temps, elles forment une « jungle » dans laquelle se mélangent vraies et fausses nouvelles. Mais comment distinguer le vrai du faux ? ».
- La manière : « Elles sont toujours là, au fond de nos poches ou dans un coin d’écran, dans la rue, au bureau ou sous la couette, de jour comme de nuit, vacances et week-end compris, elles débordent de nos applications et de nos réseaux numériques, elles vibrent, sonnent et clignotent, alertes, publications… ». La voix est celle d’une nouvelle Pascale Clark. « Elles sont partout, tout le temps, une nouvelle info est tombée, bienvenue dans une jungle sous amphétamines, une forêt tropicale qui ne cesse de croître, il y a toujours une information à portée de main, certaines sont vraies, d’autres fausses… ». La voix est accompagnée d’une musique rythmée, contemporaine, et affirme ainsi sans fard que « certaines informations » sont « fausses ». On peine à le croire.
- De l’info à l’intox : « Rien ne ressemble plus à une info qu’une intox, comment résister ? Comment faire le tri ? Commençons par faire le point. » Des invités montrent que nous avons multiplié les informations comme jamais dans l’histoire de l’humanité et que cela joue un rôle sur le fait que nos cerveaux doivent choisir de plus en plus vite. L’un des invités note que nous aurions voulu développer une société de la connaissance mais que nous aurions « confondu disponibilité de l’information et visibilité de l’information ». Le « vraisemblable l’emporterait sur le vrai ».
- Une journaliste américaine insiste sur la complexité du problème et surtout sur le fait que la « vérité » est un mot biaisé. Une intox est dans « la jungle », quelque part entre toutes les définitions de l’info, de la mes-information, de la désinformation, du mensonge… d’après le commentateur à la voix clarkienne.
- Comme le débat politique sur les réseaux sociaux est, d’après une autre intervenante américaine, dominé « par les extrêmes », le commentateur de cette vidéo l’indique : « donc la diversité des opinions serait une illusion ». Nous irions instinctivement, comme des animaux, vers ce qui est le même que nous. Autrement dit, nous ne serions pas aptes à écouter une opinion autre et considérerions cette autre opinion comme étant fausse. Nous serions binaires.
Un « cocktail toxique… qui le fabrique ? Nous ? ».
Peut-être que le poids de ce nouvel univers d’informations, les réseaux sociaux, montrera en fait une réalité : le cocktail toxique est loin d’être une nouveauté. Ce qui a changé ? Il n’est tout simplement plus entre les mains d’une seule vision du monde, du coup cette dernière réagit de façon en effet instinctive en rejetant qui pense autrement. Les chantres de « l’info vraie » sont juste ceux qui ont défini ce qui était ou non vrai. Leur souci ? La perte d’un monopole. Cette vidéo oublie d’ailleurs un point d’une importance capitale : les réseaux sociaux ne sont pas la réalité, et personne n’est en capacité de mesurer leur influence véritable sur les choix électoraux.